Ferroviaire : ne pas se tromper de voie !
Intervention de Jean Delavergne
Face aux crises financière, sociale et écologique, dans le ferroviaire comme dans les autres domaines, il est grand temps de faire des choix sérieux et responsables.
En entendant les discours des uns ou des autres, on a parfois l’impression de ne pas vivre sur la même planète.
Traverse-t-on oui ou non la crise économique et financière la plus grave, depuis les années 1930 ? Qui peut prétendre que ce ne serait qu’un mauvais moment à passer et qu’on pourrait retrouver prochainement les chemins d’une « croissance » susceptible de résoudre par miracle les problèmes financiers et économiques, comme au bon vieux temps des 30 glorieuses ?
Par ailleurs, tout le monde a-t-il bien compris, qu’il est plus que temps de prendre très sérieusement en compte les effets destructeurs pour notre environnement des vieux modèles de croissance, gaspilleurs de ressources naturelles et irresponsables vis-à-vis des générations futures ?
Nous allons aujourd’hui consacrer une grande partie de cette session à traiter des questions budgétaires et des questions ferroviaires et nous voudrions, dès cette introduction, dire le lien que nous voyons entre ces questions.
Chacun connait la situation des finances publiques et, même si les finances régionales sont dans une situation tout autre que celles des budgets de l’État, le climat général de crise financière nous atteint aussi.
Dans cette situation, on nous rabâche tous les jours qu’il faudrait diminuer les dépenses publiques. Pour la droite, la solution est dans l’austérité : réduction des services publics, chasse ouverte aux prestations sociales, réduction des dotations aux collectivités locales,… Mais le Parti socialiste promet aussi de revenir dès 2013 en dessous des 3% de déficit des finances publiques. Même si la « règle d’or » n’a pu être inscrite dans la Constitution elle semble s’être gravée dans les cerveaux...
Or depuis les années 1930, on connait bien les effets catastrophiques, en période de crise, des politiques de restriction drastiques des dépenses publiques : l’exemple Grec montre de façon caricaturale comment les politiques d’austérité, supposées soigner le malade, l’enfoncent en réalité dans une spirale de dépression ; cet exemple Grec montre aussi comment ce sont d’abord les plus modestes qui font les frais de ces politiques restrictives.
Les écologistes se situent donc à l’opposé de ces dangereuses politiques libérales qui conduisent droit à la catastrophe comme elles y avaient déjà conduit dans les années 1930. Nous n’hésitons pas à affirmer qu’il y a des marges fiscales à utiliser pour maintenir et développer la protection sociale et les services publics, pour réduire les inégalités et favoriser les comportements les plus vertueux du point de vue environnemental.
Cela signifie-t-il pour autant que l’on doive continuer à dépenser comme avant, comme au temps des vaches grasses et de l’inconscience des conséquences sur l’environnement des politiques conduites ? Peut-on continuer à croire sérieusement que le développement humain passerait encore aujourd’hui par plus d’autoroutes, plus de centrales nucléaires, plus de zones d’activité,
Les écologistes répondent clairement : Non ! Nous avons changé d’époque et il serait temps de s’en rendre compte. Malheureusement dans les partis traditionnels on continue à ressasser les recettes du passé : le développement ce serait forcément plus d’autoroutes, plus de centrales nucléaires, plus d’aéroports, plus de nitrates, plus de zones d’activité, … et même plus de LGV.
Le débat ferroviaire est un très bon exemple de l’incapacité des partis traditionnels à penser le changement d’époque. Qui peut prétendre par exemple que Vendôme aurait connu un formidable développement depuis qu’elle se situe à proximité d’une gare TGV ?
D’un côté, on prétend que l’État est en faillite et on en prend prétexte pour ne pas se donner les moyens de faire la maintenance et la modernisation indispensable des lignes de chemin de fer classiques. On laisse se détériorer les voies sans faire les régénérations nécessaires, on ne renouvelle pas le matériel roulant, on désorganise les services,… Les usagers constatent eux une dégradation croissante du service public : trains supprimés, ponctualité de moins en moins respectée, 4 de nos grandes lignes de la région reconnues « lignes malades »… alors même que les prix payés par les usagers ont connu de fortes augmentations.
Pour alléger très artificiellement les dettes de l’État et pouvoir satisfaire les trop fameux critères de Maastricht, on a plombé RFF avec la charge d’une dette (29 milliards d’euros) qu’elle ne peut supporter et qui l’empêche de financer ne serait-ce que la régénération des lignes, sans parler des modernisations et des réouvertures indispensables.
On sait le refus de RFF et de l’État de financer les travaux de réouverture de Chartres-Orléans. On a vu encore récemment le refus de RFF de s’engager au-delà de 5 millions d'euros sur les travaux du Blanc-Argent alors qu’il en faut 15 à très court terme pour éviter la disparition de cette ligne. On sait le retard accumulé depuis une dizaine d’années pour engager les travaux de suppression des passages à niveaux sur la ligne POLT…
Nous disons qu’au lieu de faire des cadeaux fiscaux au plus riches, le gouvernement aurait du depuis 10 ans faire de l’entretien et de la modernisation du réseau ferroviaire une priorité.
Mais, là où les discours politiques deviennent surréalistes ou tout simplement démagogiques, c’est lorsque ceux qui nous expliquent sans cesse que les caisses de l’État sont vides, qui nous serinent matin, midi et soir qu’il faudrait réduire les dépenses publiques, organisent en même temps un grand débat public pour savoir comment dépenser 14 Milliards d’€ dans un projet pharaonique de TGV !
Chacun sait que ce qui plombe RFF : ce sont justement les emprunts très lourds qui ont du être réalisés pour financer les lignes TGV depuis les années 80. Et voilà qu’au moment où la crise financière devrait inciter tout le monde à faire des choix rigoureux, on continue comme au bon vieux temps à faire rêver le bon peuple avec de très lourds projets d’infrastructures supposés apporter le développement économique.
Tous les gens sérieux et un tant soit peu bien informés savent qu’une telle dépense ne peut être envisagée, qu’elle n’est en réalité pas du tout envisagée, qu’elle ne peut en aucun cas être une priorité en ces temps de disette financière. La SNCF, et même Monsieur Hervé Mariton, expliquent qu’on a changé d’époque et qu’on doit donner aujourd’hui la priorité au rattrapage du retard pris dans la maintenance des lignes existantes. Même le rapport sur les Orientations Budgétaires souligne explicitement (page 18) « l’incapacité de l’État à financer de tels projets ». Faudrait-il alors compter sur les collectivités locales pour ce financement ? On parle de 500 millions d’euros pour la seule région Centre : qui peut penser que notre collectivité pourrait financer une telle somme sans remettre gravement en cause son équilibre ?
Mais nous vivons tout de même une époque formidable : pendant que partout dans les villes de la région vous allez faire de grands discours pour savoir de quelle façon dépenser 14 milliards d’euros dans les 20 prochaines années, au même moment, à partir du 11 décembre prochain au nom d’un prétendu « cadencement », RFF et la SNCF, dans le cadre contraint qui est le leur, vont imposer aux usagers des suppressions de train, des suppressions de desserte et des complications d’horaires qui vont toutes aboutir à pousser des gens à devoir abandonner l’usage du train et à revenir à la voiture.
Gilles Deguet et Moïsette Crosnier reviendront tout à l’heure sur cette pagaille annoncée du 11 décembre. Ils montreront qu’il y a derrière cette nouvelle dégradation du service public la volonté de favoriser la privatisation en libérant des sillons pour les compagnies privées.
De même, certains feignent de croire qu’avec les partenariats public-privé (PPP ), il y aurait une solution miracle pour les financements faramineux des TGV. Mais qui peut croire que les Vinci, Eiffage, et autres Bouygues puissent accepter d’investir sans être assurés auparavant de fortes rentabilités ? On l’a bien vu avec la LGV Sud Europe Atlantique, les PPP n’empêchent pas de mettre fortement à contribution l’État et les collectivités locales et ils passent en général par des garanties publiques des emprunts réalisés par ces grands groupes, aboutissant de fait à un endettement tout aussi risqué pour les finances publiques.
Au total, on vend donc du rêve aux citoyens et pendant ce temps là on laisse se dégrader le service public et on fait avancer les intérêts privés des grands groupes financiers : voilà comment on peut résumer l’attitude de l’UMP et de ses alliés dans le dossier ferroviaire.
Mesdames et messieurs, notre époque exige une toute autre politique. Les crises que nous traversons exigent de la responsabilité. Les modèles du passé sont inopérants et nous devons être capables de défendre des choix clairs devant nos concitoyens. Le seul cap qui a du sens aujourd’hui et pour les générations futures, c’est la transformation écologique et sociale de notre société. C’est à la fois le choix de la responsabilité et celui de l’espoir.
Dans le domaine ferroviaire, le TGV, surtout à très très grande vitesse, comme nous le comprenons en France, ne présente guère d’avantages sur le plan social compte tenu du prix du billet et ses réels avantages sur le plan des gaz à effets de serre ne concernent que les longues distances lorsqu’il est en concurrence avec l’avion, comme pour Paris-Marseille ou Paris- Nice, … certainement pas sur Paris-Bourges !
Sur le plan de l’aménagement du territoire, il est bien plus prioritaire d’assurer le maintien et la modernisation de grandes lignes classiques qui irriguent la région : oui il y a par exemple « urgence » pour le POLT, et cela veut dire qu’il ne faut pas attendre encore 20 ans de plus un hypothétique POCL, pour supprimer les passages à niveau, pour réaliser la 4ème voie manquante entre Toury et Cercottes, pour assurer l’interconnexion avec les lignes TGV au sud de Paris, pour commander de nouvelles voitures, ...
Mais, en termes social comme en terme environnemental, la première priorité c’est clairement d’assurer le développement du ferroviaire de proximité. C’est de permettre à de plus en plus de nos concitoyens de prendre le train et plus généralement les transports collectifs pour faire les trajets pendulaires domicile-travail. En terme social, c’est ainsi que seront le mieux préservés demain les budgets des ménages face aux augmentations inévitables du prix du pétrole. En termes d’émission de gaz à effet de serre aussi, c’est sur les transports de proximité regroupant le plus de kilomètres-voyageurs que le transfert modal peut avoir le plus d’impact.
Certains vont dire dans cette assemblée, mais « ce que vous proposez nous le faisons déjà ». C’est vrai pour ce qui concerne le Conseil régional qui mobilise un maximum de moyens pour assurer le maintien et le développement du TER et des lignes classiques, mais dans le débat de ce matin ce qui est en jeu c’est avant tout l’incapacité de l’État à assurer ses responsabilités.
Demain, nous l’espérons, c’est la gauche et les écologistes qui devront gouverner le pays, si les citoyens en décident ainsi. Ce seront des centaines de millions qu’il faudra dégager alors, pour assurer dans notre seule région le maintien et la modernisation des lignes existantes et garantir un service public de qualité. Compte tenu de l’état des finances publiques du pays reconnaissons que ce sera déjà difficile.
Alors est-il bien utile camarades de la gauche d’entretenir aujourd’hui la démagogie de la droite à propos du POCL pour devoir avouer demain, au gouvernement, que l’on ne pourra de toutes façons pas dégager les milliards d’Euros qui seraient nécessaires pour ce projet d’une autre époque :
Nous le savons tous : il y aura tant d’autres priorités budgétaires demain pour parvenir à réparer les dégâts du sarkozysme et avancer sur la seule voie qui vaille, celle de la transformation écologique et sociale !
Session des 20 et 21 Octobre 2011 | |||
Rapport : Aide régionale complémentaire à la mobilité professionnelle quotidenne des salariés |