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Engager la transformation écologique et sociale de l’économie

Portrait Jean Delavergne

Intervention de Jean Delavergne.

Notre région est violemment percutée comme le reste du pays par la crise économique et sociale qui a éclaté en 2008 de l’autre côté de l’Atlantique.

Même si nous avons un taux de chômage légèrement inférieur au taux national les dégâts sociaux que cela provoque sont au rendez-vous autour de nous : développement de la précarité, de la pauvreté, de l’exclusion et plus largement mise en cause de la cohésion sociale.

Cette cohésion sociale est d’autant plus menacée lorsqu’on apprend qu’au même moment les grands patrons ceux du CAC 40 ont vu leurs rémunérations augmenter de plus de 30%.

Nous l’avons déjà dit plusieurs fois dans cette enceinte cette crise n’est pas une fatalité qui nous serait tombée dessus comme une giboulée de mars sans que personne n’en soit responsable.

Il s’agit bien de la crise du capitalisme financier, d’un capitalisme financier qu’on n’a cessé de déréguler, de libéraliser, depuis le début des années 80. L’exigence de dividendes plus juteux a conduit à sophistiquer toujours plus l’ingénierie financière sans se soucier vraiment de la solidité de l’économie réelle,  les paradis fiscaux ont connu des développements sans précédent et les bulles spéculatives se sont gonflées comme des baudruches…  avant de nous exploser à la figure.

L’intervention des Etats, hier honnie par le dogme ultra-libéral, est soudain redevenue en 2009  une ardente obligation lorsqu’il s’est agi de sauver les banques. D’ailleurs encore aujourd’hui la BCE doit sans cesse injecter de nouvelles liquidités pour leur venir en aide… alors qu’au même moment les collectivités locales ne trouvent plus sur le marché les financements dont elles ont besoin pour poursuivre leur travail d’équipement et de développement de nos territoires…

Mais ces interventions publiques massives de 2009 ont fragilisé encore un peu plus les finances publiques, déjà bien mises à mal par les cadeaux fiscaux multipliés depuis des années en faveur surtout des mieux nantis et des grandes entreprises. Et nous voilà plongés dans ce qu’ils appellent la « crise de la dette ». Charles Fournier avait déjà très bien expliqué en septembre dernier qu’on pourrait aussi bien parler de crise des ressources fiscales. Mais pour les Merkel, les Sarkozy, les Cameron, mais aussi hier les Zapatero ou les Papandréou la crise des finances publiques n’est pas à chercher du côté d’un manque de recettes mais seulement et exclusivement du côté d’un excès de services publics et les voilà revenus, après un court intermède Keynésien qui n’a duré que quelques mois, vers l’orientation libérale qui menée avec persistance depuis les années 1980 nous a conduit à la situation grave que nous connaissons aujourd’hui.

Qui plus est en pleine crise les voilà qui ne trouvent rien de mieux à faire que d’imposer de nouvelles purges à nos économies déjà en grandes difficultés. Tout le monde sait que dans un pays comme la Grêce le remède imposé par l’UE et le FMI ne va rien résoudre mais va au contraire enfoncer encore un peu plus ce pays dans la récession. 

A des niveaux moins dramatiques pour l’instant -mais pour combien de temps ? - en France le pouvoir ne cesse de n’avoir à la bouche que la remise en cause des dépenses sociales et des services publics.

Je ne prendrais que deux exemples
Le premier concerne directement  l’éducation et aboutit à ce que pour la rentrée 2012 il soit par exemple prévu de supprimer 80 postes d’enseignants dans mon département : c’est une nouvelle fois l’équivalent de la disparition d’une PME de taille conséquente pour l’Indre qui va disparaitre.En dehors des conséquences très négatives pour l’éducation que Chantal Rebout développera tout à l’heure, c’est en période de crise autant de consommateurs en moins pour l’économie locale.

Je voudrais m’arrêter un peu plus sur un autre exemple parce qu’il est aussi à mettre en perspective avec l’actualité de ces dernières semaines dans notre région : il s’agit de la situation catastrophique dans laquelle se trouve le service public du transport ferroviaire et des perturbations insupportables  qu’ont pu connaître les usagers des trains du quotidien. Comment comprendre en effet que la mise en place du pseudo-cadencement depuis le 11 décembre dernier ait pu conduire à une telle pagaille. Vous vous rappelez tous que nous, élus écologistes, avions mis en garde contre ce « cadencement » et que nous avons refusé d’approuver les modifications horaires proposées pour 2012, mais franchement nous ne nous attendions tout de même pas à un service aussi « minable » comme l’a qualifié un responsable d’un collectif d’usager lors d’un CLAD récent. Ce que cette situation révèle c’est bien la grande fragilité de ce service public provoqué par toutes les réformes et cures d’amaigrissement que l’Etat lui a fait subir. Je ne prendrai qu’un seul chiffre : alors que le nombre d’usagers tend à se développer, le nombre de salariés de la SNCF lui est passé de plus de 175000 en 2001 à 150 000 en 2011 : près de 15% de cheminots en moins en 10 ans ! Voilà une des raisons qui rend la SNCF incapable de réagir, de remplacer les hommes manquants, de prendre les mesures de précaution exigées par les épisodes de grands froids… Et cela à l’heure même où le prix croissant des carburants rend encore plus nécessaire pour tous ceux qui le peuvent d’utiliser en priorité les transports collectifs.

Même si nous aurions souhaité qu’elle soit un peu plus précoce, nous nous réjouissons de la très ferme prise de position de François Bonneau le 9 mars dernier.  Nous exigeons avec lui  la « restauration rapide d’un fonctionnement de qualité sur l’ensemble des lignes » et nous partageons l’idée que « Le non respect de cette exigence par la SNCF devrait conduire la Région Centre à remettre en cause l’application de la convention notamment dans son volet financier. »

Cependant par delà l’exigence d’améliorations immédiates de ce service public, ce que cette crise du ferroviaire a révélé c’est une telle ampleur  des dysfonctionnements, que dans ce domaine comme dans bien d’autres, il faut qu’un changement politique profond intervienne dans les prochains mois  pour pouvoir reconstruire sur de nouvelles bases.

Oui un changement profond de politique est indispensable. Un changement qui devra rompre avec les logiques libérales à l’œuvre non seulement en France mais aussi au sein de l’UE.

Cependant nous écologistes disons qu’il ne suffira pas de rompre avec le Sarkozysme pour construire un avenir durable. Croire que l’on pourrait réenclencher aujourd’hui une croissance comme celle des 30 glorieuses, susceptible de résoudre un peu tous les problèmes c’est pure illusion. Attendre la solution miracle de technologies dépassées l’est tout autant. Si l’actualité dans la région c’est la galère vécue par les usagers de la SNCF, c’est tout autant le prix du litre d’essence bientôt à 2€ ou le premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Qu’est-ce que nous rappellent  avec force ces deux questions en matière d’énergie ?

Sur le prix de l’essence on entend beaucoup de démagogie et de vision à très court terme dans la campagne électorale mais il n’y a pas grand monde pour dire la vérité aux citoyens : la tendance à l’augmentation du prix des produits pétroliers est une tendance lourde provoquée fondamentalement par l’épuisement des ressources et l’augmentation des consommations à l’échelle mondiale. Toutes les approches de court terme qui prétendent soulager le porte monnaie du consommateur-électeur ne font que masquer les graves problèmes auxquels nous allons être de plus en plus confrontés et donc la nécessité de trouver des solutions alternatives pérennes.

Et si la question de l’énergie est particulièrement sensible, elle n’est pas la seule : la problématique c’est celle du caractère limité de toutes les ressources naturelles et particulièrement de celles d’origine minérale, qu’on pense aux « terres rares » par exemple. 

Les propositions des écologistes sont celles de notre époque. Dans tous les domaines elles passent par la lutte contre le gaspillage, la recherche de plus de sobriété dans l’utilisation des ressources naturelles mais aussi de plus d’efficacité dans leur mise en œuvre.

La solution en ce qui concerne l’énergie ce n’est certainement pas le nucléaire. Le nucléaire dépend aussi de ressources limitées sur la planète, l’uranium, qui plus est exploitées souvent dans des régions du monde instables. Mais surtout après Fukushima qui peut assumer de faire prendre de tels risques aux populations vivant sous le vent des centrales. Les reportages récents sur la situation un an après la catastrophe nucléaire au Japon ont bien montré la détresse de centaines, voir de millions de personnes obligées de continuer à vivre dans des zones pourtant sérieusement contaminées. Nous vous proposerons un vœu ce soir pour exiger des autorités que les Périmètres Particuliers d’Intervention autour des centrales de notre région soint sérieusement élargis pour tenir compte des enseignements de Fukushima : si on veut être rigoureux c’est l’ensemble du territoire régional qui devrait être classé en PPI et bénéficier des mesures de précaution en attendant qu’on se décide à fermer et à démanteler les centrales.

De manière démagogique, dans une région comme la notre où il existe un nombre non négligeable d’emplois dans les centrales nucléaires certains n’hésitent pas à utiliser cet argument pour mettre en cause le projet de recourir à d’autres solutions. Sans doute y a-t-il eu à d’autres époques pareils démagogues qui expliquaient qu’il ne fallait pas développer le chemin de fer car cela faisait perdre des emplois dans les diligences…  Mais dans le cas particulier du nucléaire nous affirmons 1° que la transition prendra 20 à 25 ans et  2° qu’il faudra encore plus longtemps garder au moins 1/3 des travailleurs aujourd’hui en activité pour travailler à l’immense tâche de démantèlement des centrales. On voit qu’il n’y a pas lieu de craindre pour les emplois de ceux qui travaillent aujourd’hui dans les centrales nucléaires.

Surtout de nombreuses études ont prouvé que les créations d’emplois  à attendre de la transformation écologique sont bien plus nombreuses que les emplois qui pourraient disparaitre.

Il faut d’abord un plan très ambitieux de rénovation thermique de tout le parc d’habitations, prioritairement celles construites avant 1975, afin de parvenir à limiter les consommations et réduire les factures des ménages qui sinon vont devenir explosives. Si on prend au sérieux l’objectif de diviser par 4 nos émissions de GES d’ici 2050 il y a là un chantier susceptibles de créer 400 000 emplois d’ici 2020 avant tout dans les entreprises artisanales du bâtiment. 

Il faut ensuite développer avec sérieux et cohérence les énergies renouvelables contrairement à ce qui a été fait par exemple par le pouvoir Sarkozyste. Faut-il rappeler par exemple comment dans le photovoltaïque, comme l’a reconnu NKM elle-même,  « les modifications successives du cadre tous les 6 mois depuis 2008 ont pu être pénalisantes ». (07/2001). C’est ainsi qu’a été encore retardé et que n’est pas assuré la deuxième phase d’installation de panneaux sur le site de Chaillac.  Faut-il aussi parler des difficultés auxquelles se heurtent l’entreprise Vergnet, « victime des nouvelles réglementations et du retard pris dans les appels d’offres gouvernementaux » (La Tribune d’Orléans 16/02/12). 

Au contraire une politique réellement  ambitieuse de développement des énergies renouvelables permettrait de créer encore plus de 150000 emplois directs et indirects d’ici 2020,  comme l’exemple de l’Allemagne le prouve amplement.

On nous parle de la nécessité de soutenir les emplois industriels mais le plus souvent on ne nous dit pas comment. Pourtant la transition écologique est une pièce maitresse de ce processus de ré-industrialisation. Je voudrais juste évoquer un exemple très récent que j’ai trouvé dans l’Usine Nouvelle et qui me semble hautement symbolique : il s’agit de la reconversion de l’usine Bosch de Vénissieux qui à la suite de l’arrêt de son activité de pompes à injection diesel a su maintenir plus de 200 emplois sur place en lançant une  production de panneaux photovoltaïques.

C’est cela que nous appelons la transformation écologique de l’économie. C’est ce genre de projets d’avenir qui maintiendra à terme des emplois industriels. 

Mais Il faut aussi lancer, comme le propose Eva Joly, des pôles territoriaux de coopération économiquepour travailler à la relocalisation des activités, en particulier pour enclencher sur les territoires des dynamiques d’économie circulaire, les sous-produits et déchets de certaines activités devenant des matières premières pour d’autres…

Qu’en est-il de l’agriculture ? Nous allons aborder cette après-midi la question de l’agriculture régionale dans la PAC. Nous savons et Michelle Rivet le rappellera combien ce secteur est destructeur d’emplois aujourd’hui sous l’effet de la concentration des exploitations. A l’inverse de cette tendance mortifère, l’objectif que nous mettons en avant d’atteindre d’ici 2020, 20 % de surface agricole en agriculture biologique permettrait la création de 75 000 emplois.  En effet, l’agriculture biologique est de 20% à 30% plus intensive en main d’œuvre que l’agriculture conventionnelle. L’exploitation d’un hectare en agriculture biologique nécessite 20% de main d’œuvre en plus du fait du plus grand nombre d’opérations. Seule une agriculture bio ou s’inspirant des méthodes de la bio est susceptible de maintenir l’emploi agricole et même de le développer.

Enfin si la transformation écologique de l’économie fournit un cap, une direction pour la société, l’économie sociale et solidaire en fournit les valeurs et cela est essentiel dans des domaines comme ceux des services aux personnes. Nous savons bien qu’il faut là aussi faire face à des besoins insatisfaits et des besoins croissants : c’est la prise en charge de la dépendance, c’est le besoin de crèches…  Les 300 000 postes qu’il faut créer dans ces secteurs ne peuvent être abandonnés à la loi de la rentabilité maximum mais ils doivent et peuvent être créés  dans le cadre de l’ESS.

Il ne s’agit là que de quelques pistes mais vous voyez que pour nous il n’y a aucune contradiction insoluble entre écologie, économie et social : nous pouvons prouver que la transformation écologique et sociale peut permettre de créer près d’un million d’emplois nouveaux d’ici 2020. Mais il est vrai que cela demande de changer de logiciel et de se tourner résolument vers l’avenir. Je dois reconnaitre que le débat présidentiel semble plutôt profiter à ceux qui évoquent  les vieilles recettes, la nostalgie, l’évocation d’un « glorieux » passé. Gageons cependant que les vrais enjeux finiront par revenir sur le devant de la scène : le plus tôt sera le mieux pour que demain le réveil et les adaptations nécessaires ne soit pas trop douloureux.