Donner toute sa place à la biodiversité comme levier du développement économique
Intervention de Pascale Rossler
Une question se pose légitimement dans l’étape actuelle : Quelle priorité en période de crise ?
On entend parfois que “l’environnement, c’est des contraintes supplémentaires”, et qu’on ne peut pas se le permettre en ce moment. Priorité au court terme, on pensera à l’avenir, au durable, quand ça ira mieux.
J’ai même entendu dans une réunion publique d’un de nos Parcs Naturels Régionaux quelqu’un s’opposer à la proposition d’envoi des informations par email, laquelle avait été proposée avec pour unique objectif affiché de faire des économies financières, afin de préserver les emplois du service public. L’emploi contre l’économie ? L’économie contre l’environnement ? Demain contre aujourd’hui ? La bataille promet beaucoup de perdants.
On sait qu’il y a un coût social aux restrictions budgétaires, des coûts collatéraux sur l’economie de la perte de pouvoir d’achat, etc.
Et je vous rappelle qu’on commence à bien connaître, même si peu aujourd’hui le savent, le coût environnemental de nos choix. Et que l’impact sur l’environnement de nos actes a des incidences dans tous les domaines, et sur nous tous, plus ou moins visibles et quantifiables. Parlons du bien être, les vertus du simple contact avec la nature sur le stress sont avérées et impressionnantes ; parlons de la santé, à propos de laquelle on peut évaluer les coûts médicaux, mais pas la souffrance, l’angoisse, l’impact sur les liens familiaux,... Par exemple, le simple respect des normes en terme de particules fines permettrait l’économie annuelle en frais de santé de
8 mds d’€/an simplement dans les 9 villes françaises les plus concernées. Mais faute de réponse en terme de technologie propre pour les automobile ou de transport collectif, on ne sait pas aujourd’hui faire respecter ces simples normes pourtant en vigueur. Résultat : asthme multiplie par 7 en 10 ans et la mortalité due aux pathologies respiratoire augmente chaque année.
Et bien savez vous par exemple qu’on a découvert depuis peu l’ampleur du pouvoir dépolluant des arbres. Bien plus que d’absorber le CO2, les arbres, à l’exception des métaux lourds, absorbent la plupart des polluants atmosphériques, COV.... L’association régionale du fleurissement à d’ailleurs élaboré une charte de l’arbre expliquant ses nombreuses vertus et que chaque commune peut signer. Au passage, les métaux lourds eux peuvent être “filtrés” par d’autres organismes, c’est le cas par exemple de certains lombrics, cela me semble interessant à citer, juste pour montrer combien la nature foisonne de ressources et réponses insoupçonnées... Combien d’économies de santé et de souffrances sociales pourraient être évitées par ces services que la nature nous rend, gratuitement je le rappelle...Alors plaider pour le vivant, bien sûr, est à mon sens éthique.
Mais aussi parce que, nous parlons d’aménagement du territoire, à l’heure où l’équivalent d’un département tous les 7 ans en France disparaît sous le bitume et l’asphalte, nous ne pouvons plus concevoir l’Aménagement du Territoire sans le penser dans sa globalité, il est indissociable de penser le nécessaire “curseur de l’artificialisation” en lien et en l’équilibrant avec le curseur de la préservation.
Alors oui les Trames Vertes et Bleues qui relient les corridors écologiques et les réservoirs de biodiversité doivent trouver toute leur place réservée dans nos projets de demain. Certains corridors seront restaurés, et la pédagogie sur l’ampleur des services que cette nature nous rend doit être accompagner auprès des citoyens et des décideurs locaux qui souvent le demandent, dans leurs choix autant que dans la mise en oeuvre de cette “culture de la nature”. La biodiversité dans le bâti, les espaces verts et les espaces publics a toute sa place, et la favoriser coûte peu.
A l’heure Francois Hollande dans le cadre de la Conférence environnementale, reconnaissant le rôle de chef de file aux régions dans le cap vers la transition écologique, a notamment annoncé la création d’une Agence nationale de la biodiversité qui sera chargée “sur le modèle de l’Ademe de venir en appui des collectivités locales, des entreprises, comme des associations”, il nous faut, chers collègues, donner toute sa place à la biodiversité comme levier du développement économique dans notre future politique régionale d’aménagement du territoire.