Débat d’actualité : Décision de Michelin de supprimer 700 emplois en Touraine
Intervention de Gilles Deguet
C’est peu de dire que l’annonce de la suppression de 700 emplois dans l’usine de Joué les Tours a suscité une émotion forte,
en particulier dans l’agglomération.
Comme le rappelle un syndicaliste, c’est le neuvième plan qui touche l’usine, a chaque fois accompagné de licenciements, et l’effectif a déjà été divisé par quatre, passant de 4000 à 900.
Il faut rappeler aussi que l’activité camions est partie de Poitiers il y a moins de 8 ans, avec son lot de licenciements, et les conséquences sur les conditions de vie d’une centaine de travailleurs
qui font plus de 200 km chaque jour depuis lors, et qui seront une nouvelle fois victimes de cette restructuration.
Mais l’émotion est aussi la cristallisation des effets des suppressions d’emploi plus diffuses et donc moins spectaculaires mais qui minent durablement notre société.
A ce stade du dossier, je voudrais souligner que le rôle d’une collectivité comme la nôtre est de soutenir les organisations syndicales engagées dans une difficile négociation, et de veiller à ce que les engagements pris par l’industriel soient tenus …
et nous savons que la manière dont ils ont honoré leurs engagements jusque là, et en particulier dans l’épisode de Poitiers, incite à la plus grande vigilance.
Mais on ne peut pas seulement réagir.
Les drames auxquels nous sommes affrontés ont aussi leur origine dans l’incapacité à anticiper.
Notre économie a trop vécu sur la perspective d’une croissance infinie des secteurs existants sans anticiper leur déclin programmé.
Il en est ainsi de l’industrie automobile.
Ce qui frappe Michelin aujourd’hui en est un exemple particulier: si le marché du pneu poids lourd n’est pas à la hauteur des attentes ce n’est pas malheureusement par un transfert du fret vers le rail, mais c’est parce que les routiers ont de plus en plus recours à la location de pneus au pro rata des km parcourus. …. processus d’économie de la fonctionnalité qui permet le recyclage et le rechapage, et donc une durée de vie plus longue du pneu. Le problème est que les dirigeants de Michelin n’aient pas anticipé les conséquences de ces évolutions.
La réflexion collective sur la transition écologique est donc bien vitale. Et cette réflexion doit s’étendre à toute la population, et en particulier aux salariés des entreprises, car ce sont eux qui subissent les conséquences des mauvais choix industriels.
Faute de penser la transition écologique, nous risquons de courir après les secteurs qui ne sont pas encore en crise comme l’aéronautique, et de nous exposer à de nouvelles déconvenues.
Mais nous ne saurions laisser penser qu’il ne s’agit que d’une question de prévision économique.
La transition écologique n’est pas compatible avec un fonctionnement des entreprises entièrement tourné vers la rémunération des actionnaires.
Et c’est bien ce qui se passe avec Michelin qui annonce d’ores et déjà un objectif d’augmentation de 8% des dividendes entre 2013 et 2014, et dont l’annonce de 700 suppressions d’emplois a été saluée à la bourse par une hausse de son cours.
Ces licenciements sont donc bien des licenciements boursiers. Le groupe des élus écologistes qui a initié dans cette assemblée, au mois d’octobre dernier, un vœu pour une loi interdisant les licenciements boursiers, réaffirme aujourd’hui sa volonté de voir votée une telle loi.
Mes chers collègues, la transition écologique nécessaire c’est aussi substituer la recherche de la satisfaction des besoins à la recherche du profit. Car ces deux objectifs sont de plus en plus inconciliables.