[Session Investissements] Intervention générale de Jean-Philippe Magnen

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Monsieur le Président, Cher(e)s collègues,

Nous nous étions déjà félicités lors du BP du choix courageux de la majorité de porter notre capacité de désendettement à 6 ans, afin de maintenir un haut niveau d’investissement. Et ce sans levier fiscal direct…

Le groupe écologiste est en accord avec l’essentiel des investissements présentés aujourd’hui, ce qui montre qu’un socle de convergences existe aujourd’hui entre les partenaires socialistes, communistes et écologistes de la majorité, n’en déplaise à l’opposition qui refuse le débat de fond sur ce sujet…

Nous voterons donc ce rapport sans cacher, Monsieur Pinte, les divergences régulièrement évoquées dans cet hémicycle.

Mais il faut aller plus loin : la politique régionale actuelle d’investissements ne va pas assez loin dans la prise en compte de l’impératif de transition écologique pourtant pourvoyeuse d’emplois durables et de mieux vivre ensemble en Pays de la Loire… Les chiffres le montrent : la transition énergétique, par exemple, possède un potentiel d’emplois important, près de 700 000 à l’échelle nationale d’ici 2030, et de 30 à 40 000 emplois à l’échelle des Pays de la Loire à cette échéance, à la condition que nous maintenions des investissements publics ambitieux.

Les Pays de la Loire le veulent mais est-ce le cas de la France ?

Mediapart s’est procuré le rapport commandé par l’Ademe sur la France 100 % renouvelable en 2050 : le potentiel énergétique est colossal, et ne coûterait pas beaucoup plus cher que de maintenir le nucléaire. Mais visiblement, il dérange puisque sa publication a été repoussée. Fruit de 14 mois de travail, extrêmement précis et argumenté, il explique que rien n’empêche qu’en France 100 % de l’électricité provienne de sources renouvelables en 2050. Et cela M. Favennec, ce n’est pas de l’idéologie. Il révèle également, calculs détaillés à l’appui, que ce scénario aurait quasiment le même coût pour les usagers que le maintien du nucléaire à 50 % de la production électrique, seuil fixé par François Hollande pour 2025. Alors que la loi de transition énergétique, en cours de vote au Parlement, devrait entériner cet objectif de 50 %, le rapport de l’Ademe est explosif. Il prend le contre-pied de l’idée si souvent reprise par les élus et par le gouvernement, selon laquelle le maintien de l’atome dans le mix énergétique français est l’option de loin la moins onéreuse pour les comptes publics. Je passe sur les coûts de l’EPR de Flamanville.

Un investissement utile doit donc être défini à partir de données objectivées et transparentes et donc partagées. C’est trop peu souvent le cas… Cette étude qui gêne, si elle était reconnue, modifierait considérablement les choix d’investissement de la France dans le sens de l’intérêt général et la transition que nous appelons de nos vœux. Mais nous préférons trop souvent répondre à des intérêts particuliers qu’ils soient politiques et/ou économiques. Alors puisque vous nous avez proposé cette session utile monsieur le président, essayons ensemble de définir les critères qui doivent présider aux choix d’investissements d’une collectivité comme la nôtre. Je vais tenter de le faire à travers quatre grands critères de qualifier l’utilité d’un investissement public, ce que nous faisons très bien en Pays de la Loire dans beaucoup de domaines, et moins dans d’autres.

 

  1. C’est un investissement dans le développement durable qui permet à terme des économies en termes de fonctionnement

Comme l’a rappelé Matthieu Orphelin, 200 millions d’euros seront investis par la Région afin d’accueillir les 12 700 lycéens supplémentaires d’ici 2025. Ce sont notamment 4 nouveaux lycées qui viendront s’ajouter aux 5 déjà construits durant cette mandature.

 

Une démarche Haute Performance Energétique accompagne l’opération, dans la continuité du plan d’amélioration de la performance énergétique des lycées que la Région a lancé durant ce mandat : 78 millions sur 6 ans qui permettront de réaliser des travaux d’efficacité énergétique pour 74 des 113 lycées publics. Ces investissements anticipent donc les dépenses de fonctionnement qui en découleront, dépenses qui diminueront à terme du fait de ce choix d’investissement.

 

  1. C’est un investissement qui soutient la relocalisation de l’économie

Plus de 90% de ses investissements réalisés dans cette région vont aux entreprises des territoires et participent donc quasi intégralement à la création d’emplois locaux non délocalisables. Via la démarche RSE et la Charte régionale de la commande publique responsable (mise en œuvre des clauses d’insertion), qui ont été mises en avant par mes collègues écologistes lors de la journée d’hier consacrée au développement durable au Palais des Congrès de Nantes, nous réservons 10% des heures de travail de nos marchés publics pour les personnes éloignées de l’emploi. A ce jour, 180 000 heures de travail ont été réalisées par des publics sensibles sur nos chantiers. La restructuration des ateliers du lycée André Boulloche, avec plus de 6 400 heures de travail réservées à des personnes en parcours d’insertion, est la traduction concrète de cet engagement.

 

Cet investissement dans les lycées est donc un investissement pour la jeunesse, pour l’éducation, pour l’amélioration des conditions de vie des élèves, pour l’emploi non délocalisable, pour les publics en difficulté et pour l’environnement. C’est un investissement que nous pouvons qualifier d’utile… et même d’indispensable !

 

  1. C’est un investissement écologiquement responsable sur une des politiques majeures de la Région, les transports

L’évolution de nos modes de déplacement est un des enjeux forts de la transition écologique sur lequel la Région doit agir. Alors que la consommation énergétique des transports en Pays de la Loire a augmenté de 40% depuis 20 ans et que son coût s’est envolé, 80% de nos déplacements se font encore en voiture aujourd’hui. L’augmentation du trafic routier a des conséquences sociales, environnementales et sanitaires catastrophiques, comme le prouve notamment la pollution de l’air liée aux embouteillages toujours plus nombreux dans la capitale régionale.

 

C’est sur les déplacements du quotidien que notre Région a le pouvoir et le devoir d’agir en encourageant l’usage du vélo, en développant les réseaux de transport en commun dans les métropoles et les territoires, en favorisant l’intermodalité et en amplifiant le transport ferroviaire et maritime. Ces dernières années, cette ambition est clairement partagée par la majorité régionale et cette session vient le confirmer. Les investissements sur les lignes partant de Nantes vers Pornic, Saint Gilles, Angers et Bordeaux, l’optimisation des gares de Nantes et Laval et la modernisation du matériel roulant sont des réalisations indispensables que les écologistes soutiennent totalement.

 

Mais nous regrettons le manque d’ambition pour l’axe ferroviaire atlantique car les investissements sur la ligne Nantes – Bordeaux devraient être au moins deux fois plus importants pour rendre cet axe attractif face aux autres modes de déplacement (notamment la voiture mais aussi le covoiturage) et pour développer le fret ferroviaire. Et si le soutien au développement du Grand Port Maritime de Nantes Saint Nazaire qu’a évoqué Gilles Bontemps tout à l’heure, est indispensable, le fret maritime ne pourra réellement s’accroître tant que le transport routier n’assumera pas son véritable coût économique et environnemental. A ce titre, l’abandon de la taxe poids lourds (la mal nommée éco-taxe) est une grave erreur, car elle aurait favorisé la relocalisation de l’économie et le développement des transports alternatifs à la route.

 

  1. Enfin, un investissement utile c’est aussi un investissement choisi et décidé, après un débat démocratique abouti et transparent, s’appuyant sur des données objectives.

Il est en effet indispensable de faire évoluer les critères d’évaluation de l’utilité d’un projet de développement du territoire afin de les rendre plus transparents. Pour juger de l’utilité d’un investissement public, il faut un débat public serein reposant sur des règles démocratiques, des analyses objectives et des données claires et approfondies, fournies par des études indépendantes et contradictoires.

 

Un exemple évident. Et vous voyez M. Pinte, je vais en parler dans cette session investissements. Nous avons déjà débattu ici à maintes reprises des Grands Projets Inutiles et vous connaissez toutes et tous nos positions…

Des positions qui reposent sur une évidence souvent écrite mais trop peu mise en pratique : prioriser l’optimisation de l’existant.

 

En 2011, le Schéma national d’infrastructures de transport (Snit) fixait déjà comme axes « l’optimisation prioritaire du système de transport existant pour limiter la création de nouvelles infrastructures » et « la réduction de l’empreinte environnementale des infrastructures et équipements de transport ».

 

En 2013, la Commission Mobilité 21 recommandait – je cite encore – de « tenir compte de la diversité des situations et enjeux de chaque territoire » en s’inscrivant non plus dans une logique de l’offre « mais de satisfaction des besoins ». Elle rappelait d’ailleurs que « l’existence d’une déclaration d’utilité publique ne constitue pas un motif suffisant » pour poursuivre des projets excessivement coûteux. Seule l’optimisation des infrastructures déjà existantes permettra donc de répondre de manière soutenable aux besoins prioritaires en matière de déplacements, surtout dans un contexte de contrôle des dépenses publiques, d’artificialisation des terres et  de raréfaction des ressources.

 

Prenons l’exemple de l’optimisation de l’existant à Nantes Atlantique.

Privilégier l’optimisation face au transfert, c’est libérer immédiatement près de 100 millions d’euros du CPER. 100 millions d’euros qui pourraient naturellement être utilisés pour enclencher cette optimisation de Nantes Atlantique ou encore pour améliorer réellement l’axe ferroviaire atlantique, créer de nouvelles dessertes ferroviaires pour remailler le territoire ligérien, ou sécuriser et moderniser les axes routiers vendéens…

 

Même la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) le dit : c’est moins cher de rénover l’existant que de créer une nouvelle infrastructure. Pourtant, la DGAC exagère énormément les coûts de rénovation. En fait, c’est beaucoup moins cher de rénover – tant financièrement qu’écologiquement et socialement – que de réaliser une nouvelle infrastructure, qu’on la pense utile ou pas. Sur le plan social, la CGT l’a mis en évidence dans son argumentaire diffusé la semaine dernière. Et l’Atelier citoyen pour l’optimisation de Nantes Atlantique s’attèle actuellement à confronter les estimations surréalistes de la DGAC à la réalité. Je vous en donne un petit aperçu quelques chiffres à l’appui. La DGAC a publié des chiffres extravagants en chiffrant à plus de 900 millions d’euros l’optimisation de Nantes Atlantique. A partir de données objectives, validées et expertisées, cela coûterait en réalité 4 fois moins. La DGAC estime la rénovation de la piste à 293 M€, quasiment le prix d’une piste neuve – on se fiche de nous ! – alors que l’Atelier citoyen l’estime à 25 millions d’euros. Aménager l’aérogare pour accueillir 7 millions de passagers coûterait 184 millions d’euros selon la DGAC, contre 20 millions selon le collectif qui vient de sortir son expertise. Relier en tram l’aéroport au terminus de la ligne 3 à Neustrie coûterait une quarantaine de millions, bien moins qu’un tram-train. Enfin, ce dernier chiffre extravagant – mais permettez-moi de le citer car il prouve la nécessité d’études objectives et indépendantes : l’investissement dans un nouveau chenil (pour les trois chiens des douanes !) est chiffré à 620 000 euros. On se fiche de nous ! Je m’arrête là. C’était simplement pour illustrer mon propos sur la nécessité d’instances et de débat démocratiques ouverts et transparents se basant sur des études et expertises objectives pour pouvoir prendre nos décisions en toute connaissance de cause et guidées par l’intérêt général. Et là encore, on est loin de l’idéologie, M. Favennec.

 

 

 

Pour conclure, je rappelle qu’il y aura un rendez-vous crucial pour le monde, la France et aussi les Pays de la Loire en décembre prochain. Je parle évidemment de la tenue de la conférence des partis sur le climat à Paris (la fameuse COP 21) que la France a la chance d’accueillir. Dernière chance d’obtenir un accord international contraignant historique qui permettra de limiter l’augmentation des températures mondiales à 2°C, seuil au-delà duquel les conséquences du réchauffement ne seront plus maîtrisables.

 

Cette conférence représente une formidable opportunité pour accélérer la transition vers un nouveau modèle de développement, vers une société du bien-vivre, la plus à même de répondre enfin aux attentes d’une partie toujours plus importante de la population et aux enjeux de demain.

 

J’insiste : nous ne relèverons pas le défi du dérèglement climatique sans mettre l’écologie au cœur de nos solutions. Nous vivons dans un monde fini, aux ressources limitées, dès lors il est indispensable de protéger nos biens communs des appétits de quelques-uns, de garantir une répartition équitable des richesses, et de définir la responsabilité sociale, environnementale et climatique des pays,  des collectivités, des entreprises et des citoyens.

 

La Région aura un rôle primordial dans cette lutte contre le dérèglement climatique, non seulement par ses missions de coopération internationale mais surtout par les politiques publiques qu’elle porte sur son territoire, j’en ai évoqué quelques-unes lors de cette intervention. Nous l’aurons également par notre exemplarité. Si nous souhaitons incarner cette transition dans une organisation collective cohérente avec la contrainte ressources-climat, il est urgent voire urgentissime d’orienter l’investissement public vers l’utilité sociale et environnementale.

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