Salon de l’agriculture : Beulin propose, Valls dispose… et c’est l’agro-écologie qui trinque !
Alors que Paris accueillera la 21ème Conférence Climat des Nations-Unies (COP 21) au mois de décembre, et qu’aujourd’hui en France l’agriculture représente 21% des émissions de gaz à effet de serre, il est plus que temps d’aller vers des pratiques agricoles et alimentaires durables. Au lieu de quoi le gouvernement, pour plaire au syndicat majoritaire, accepte des mesures qui vont à l’opposé du projet d’agro-écologie défendu par son propre Ministre.
Les allées du salon de l’agriculture, un rendez-vous annuel risqué pour le Président Hollande. Preuve en est, l’éjection du « dangereux » porte-parole de la Confédération Paysanne, Laurent Pinatel, plaqué à terre par la « garde » présidentielle[1]… Mais ce ne sont pas tant les tribulations d’un représentant d’un syndicat minoritaire que d’éventuels mouvements d’humeurs de la FNSEA qui inquiètent le Gouvernement, notamment en vue des prochaines élections départementales.
Aussi, M. Le Foll a-t-il multiplié les rencontres avec les représentants de « la profession » en amont du salon et M. Valls a-t-il donné des gages à l’agriculture productiviste de M. Beulin, président de la FNSEA et accessoirement du groupe d’oléagineux et biocarburants Avril-Sofiprotéol. Fort de sa victoire, celui-ci ne s’est d’ailleurs pas privé de communiquer les nouvelles mesures avant même qu’elles ne soient présentées au Conseil des ministres[2]…
Et quels gages ! D’abord, le Gouvernement accepte de diminuer la réglementation environnementale. Il propose d’agrandir la taille des exploitations de volailles passant de 30 000 à 40 000 animaux sans autorisation. Et ce en dépit de l’échec de l’agrandissement des ateliers de porcs autorisé par décret l’an dernier. La filière ne s’est pas mieux portée depuis, bien au contraire : son déficit commercial est passé de 100 M€ en 2013 à 340 M€ en 2014 !
Le Gouvernement fragilise ensuite les ressources en eau[3]. Alors que la Cour des Comptes présentait la semaine dernière son rapport 2015 dans lequel elle relevait l’inapplication du principe pollueur-payeur dans le domaine de l’eau, les particuliers supportant 87 % des dépenses engagées pour lutter contre les pollutions[4], nous devrions entendre des annonces fortes pour lutter contre les pollutions et changer de modèle. Au lieu de cela, il annonce de nouvelles retenues d’eau pour l’irrigation des exploitations intensives, en général les plus polluantes ! Ne vaudrait-il pas mieux organiser la transition vers une agriculture économe en eau et réparatrice des sécheresses plutôt que de financer les excès avec l’argent du contribuable ?
Pour compléter le tableau de chasse de la FNSEA, le Gouvernement lancera un projet de recherche et d’innovation baptisé « Agriculture Innovations 2025 ». Au menu ? Le biocontrôle, la robotique mais aussi les biotechnologies, c’est-à-dire les OGM et tous leurs dérivés…
Ces mesures de court terme et de fuite en avant techniciste vont à rebours des options qu’il faudrait raisonnablement prendre en termes d’atténuation et d’adaptation vis à vis du changement climatique, cela alors même que Paris accueille cette année la COP21 sur le climat.
Mais avec ces mesures, ce qui est aussi remis en cause, c’est la crédibilité du projet agro-écologique gouvernemental lui-même ! C’est pourtant le seul chemin vers des pratiques durables à la hauteur des contraintes énergie-climat. Le seul pour s’affranchir des importations massives d’aliments du bétail, souvent OGM. Le seul pour économiser nos ressources naturelles et garantir des écosystèmes fonctionnels. Le seul pour préserver la santé des citoyens, paysans comme consommateurs, et pourvoir des emplois de qualité.
Non, on ne peut pas à la fois, comme l’a fait François Hollande, « souscrire aux orientations de la FNSEA »[5] et appeler à « réconcilier agriculture et écologie »[6]. Non, ce n’est pas à la FNSEA de définir les attentes sociétales, et encore moins les mesures pour y répondre !
[1] http://www.bienpublic.com/actualite/2015/02/21/salon-de-l-agriculture-un-agriculteur-expulse-par-le-service-d-ordre-du-president
[2] http://www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/18/le-gouvernement-donne-des-gages-aux-agriculteurs_4578716_3234.html
[3] http://www.reporterre.net/Gaspillage-de-l-eau-le
[4] https://www.ccomptes.fr/Actualites/A-la-une/Le-rapport-public-annuel-2015
[5] http://www.fnsea.fr/toutes-les-thematiques/l-agriculture-acteur-economique/conjoncture/articles/tous-les-jours-les-agriculteurs-investissent-innovent-creent-de-la-valeur-ajoutee-et-des-emplois/
[6] http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKBN0LP0CJ20150221