« NDDL : une mobilisation entre urgence, violence, calme et constance », par Sophie Bringuy.
J’étais dans le train pour Nantes, en petite robe et avec des bottes de ville, direction l’atelier sur la science et les citoyens que je copréside dans le cadre de l’élaboration du Schéma régional pour l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation (ESRI), quand j’ai reçu l’information : « intervention des forces de l’ordre à Notre-Dame-des-Landes ».
L’urgence : se concerter avec les autres élus sur la meilleure manière d’agir, trouver un covoiturage pour être sur place au plus vite, annuler les rendez-vous prévus dans la journée.
Arrivée sur place, ambiance étrange. On était une quinzaine d’élus Europe Ecologie Les Verts, des représentants aussi d’autres partis, toutes et tous là dans un élan partagé. Concertation, échange avec les « locaux ». Informations contradictoires. Et puis direction La Rolandière à pied. Pause à la Vache-rit pour échanger mes bottes de ville contre des bottes boueuses (tant à l’extérieur qu’à l’intérieur) mieux adaptées au terrain, même si un peu grandes.
Une fois au barrage CRS, nous n’avons pas eu le droit de passer. Pourtant, nous avons dit que nous étions des élus, nous avons transmis nos cartes d’identité. Ceci pour notre protection. Une voiture de l’AFP a dû faire demi-tour.
Certains CRS étaient très tendus, d’autres moins. C’était calme. Certains ont entonné des chants, nous avons aussi été interpellés par un jeune cagoulé ou encore un militant agressif en désaccord avec la stratégie du « un pied dans les institutions, un pied sur le terrain ». Nous avons alors été soutenus par les autres personnes présentes
Mais au loin, nous avons entendu tout au long de la journée des bombes assourdissantes, parfois des cris. Des messages contradictoires circulaient au rythme des passages.
A un moment donné, les CRS qui « gardaient » la forêt sont partis en courant, je n’ai pas compris ni pourquoi, ni où. Mais c’était une brèche ouverte pour rejoindre la Chataigneraie (site de reconstruction). Certains collègues, qui étaient mieux équipé-e-s, en ont profité, et ont pu aller soutenir les manifestants sur site. Pour ma part, j’ai essayé d’apporter ma petite pierre en relayant les informations.
En fin de matinée, une dizaine de tracteurs est arrivée au barrage CRS. Là encore, ambiance calme, force et conviction.
Et puis une rencontre inattendue : parmi les occupants dont j’ai croisé la route, une jeune femme, circassienne, que j’ai connue en 2009, dans une colonie de cirque, dans le Gers (je cuisinais pour les 90 enfants qui séjournaient avec nous, elle animait les ateliers). A l’époque, on projetait la « Belle Verte » sur grand écran sous le chapiteau… Elle est là depuis deux ans, elle veille sur la nature, elle défend ses valeurs. Elle partait cuisiner pour celles et ceux qui commençaient à avoir la faim qui tenaillait le ventre. On est bien loin de la guérilla « urbaine » décrite par certains.
Retour au bourg : là aussi, mobilisation dans la constance. Des bénévoles sont là pour répondre aux questions, certains tous les jours. Beaucoup de passage, de personnes qui viennent de plus ou moins loin, qui souhaitent s’informer, aider, soutenir. On fait un point sur les informations récupérées par les uns et les autres. La nuit va tomber. Les tensions semblent retomber.
Quel gâchis ! A quel stade d’évolution de notre société sommes-nous pour que l’on refuse d’écouter les cris du cœur de certains concitoyens ? Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est l’écoute qu’il n’y a pas eu depuis que le projet de nouvel aéroport est ressorti du placard il y a plus de dix ans. Et la réponse ? Pas un promoteur du projet n’a eu le courage d’aller dialoguer, pour de vrai. Dans une démocratie comme la nôtre, on peut s’épargner cette étape et passer directement à la répression policière, en marchant sur les corps de 40 000 manifestants ?