« Mobilisation pour défendre une Zone d’Agriculture Durable à Notre-Dame-des-Landes », par Jacques Cochy.
Avant de me rendre sur place à Notre-Dame-des-Landes, j’avais sur les » zadistes » une vision déformée par les médias qui eux-mêmes ne devaient voir que la partie émergée de l’iceberg, c’est-à-dire des encagoulés en treillis venus en verrue sur une lutte locale… ( je caricature bien sûr ).
Le 23 novembre, venu en urgence tenter d’empêcher la destruction des cabanes reconstruites le 17 ainsi que la ferme des Rosiers, j’ ai côtoyé physiquement des zadistes pour la première fois. Même si je côtoie au quotidien des sympathisants qui vont souvent sur zone. Face aux forces de l’ordre qui les lachrymo-génaient et aux déménageurs ou autres pelleteurs détruisant la ferme des Rosiers datant de 1850 (un peu durable quoi… ), ils exprimaient une énorme colère (haine) qui m’a surpris mais que j’ai retrouvée dans la bouche d’une amie, ancienne institutrice présente également. L’un d’eux disait avoir vécu dans cette ferme occupée (et non squattée) des moments merveilleux d’échange et de partage. J’ai fait le parallèle avec mai 68; personne alors ne parlait de détruire les amphis des facs comme des « kystes » d’agitation anarchiste. Ce même jour, des collègues agriculteurs qui n’avaient pas pu venir à Notre-Dame-des-Landes ont décidé, en solidarité avec la résistance, de bloquer la circulation sur les ponts de St-Nazaire à Ancenis… pas banal !
Dimanche s’annonçait comme un dimanche familial lorsqu’une réunion confidentielle à l’initiative de la Confédération Paysanne s’est organisée. Elle nous a permis de mettre en place l’action de l’après-midi : sécuriser les cabanes de la Chataigneraie en les entourant d’une barricade de tracteurs AGRICOLES ! La veille, les « playmobiles » avaient fait de nombreux blessés en commençant à évacuer les secteurs occupés par les zadistes.
L’accueil des zadistes mais aussi des nombreuses personnes présentes dans les bois m’a fait réaliser deux choses : les agriculteurs, après plusieurs manifestations en tracteurs (200 à Nantes puis, 400 à Notre-Dame-des-Landes) réaffirmaient là l’enjeu agricole de la lutte et venaient défendre ceux qui occupaient ce territoire de production agricole menacé, par délégation de la société du 17 novembre (40 000 personnes et 400 tracteurs).
Dès lors, il était clair pour moi que Notre-Dame-des-Landes était un territoire de production agricole occupé pour ne pas perdre un outil de production, des emplois, sa biodiversité propre, comme on occupe une usine pour les mêmes raisons. Cette occupation se faisait par les zadistes (ZAD = zone d’agriculture durable) en lieu et place des agriculteurs et par délégation ; que les zadistes qui trouvaient dans cette résistance à un développement qu’ils ne soutiennent pas l’occasion d’affirmer dans la réflexion collective (façon 68) le monde qu’ils veulent pour demain. Nombreux sont ceux qui, études terminées ont tout laissé pour venir dans le froid et la boue effectuer une forme de service civique, tant ce qui les motive est fort !
Cette jeunesse est notre avenir, nombre d’entre eux choisiront des métiers de l’agriculture et viendront aider au renouvellement si difficile des générations d’agriculteurs, d’artisans.
Je rajouterai qu’alors que les « déménageurs » voulaient commencer le défrichage de la zone je n’ai vu sur place que des prairie HUMIDES où on n’est pas prêt de voir les céréales remplacer l’élevage (pourvoyeur de « minerai » pour les abattoirs régionaux), que du bocage si précieux notamment pour participer à l’autonomie énergétique, que des châtaigneraies dont l’élevage régional a besoin pour les clôtures.
Le dossier est redevenu ces jours-ci un dossier agricole soutenu par une large frange de la société. La mobilisation monte, nous nous passerons du soutien de la FNSEA de BEULIN l’agroindustriel, mais nombreux seront demain les agriculteurs qui vont rejoindre la lutte.