Lettre ouverte de Jacques Bankir à M. Gangil, Directeur Général de l’Aviation Civile et M.Hulliard, PDG de Vinci

DSCN0026

Lettre ouverte de Jacques Bankir*

à M. Gangil, Directeur Général de l’Aviation Civile et M.Hulliard, PDG de Vinci

*Jacques Bankir a été président et vice-président dans de nombreuses compagnies aériennes au cours de sa carrière, dont Régional Airlines. Il a pris publiquement position contre le projet de Notre Dame des Landes


 

Paris, 31 décembre 2013

Monsieur Gandil,  Directeur Général de l’Aviation Civile, Monsieur Huillard, Président Directeur Général de Vinci,

C’est très sincèrement que je vous présente mes meilleurs vœux pour 2014. Que cette année soit celle de la raison, du bon sens et de la sérénité pour tous.

Cher Monsieur Gandil, j’ai eu le plaisir de dîner à côté de vous il y a quelques années. J’ai été frappé par votre esprit d’ouverture et par la vivacité de vos propos, s’agissant de notre métier, le transport aérien.

Monsieur Huillard, je ne vous connais pas mais j’ai pu apprécier le dynamisme et la qualité de vos équipes, en particulier dans le domaine aéroportuaire.

C’est pourquoi je tiens à vous adresser cette lettre. J’ai toujours été surpris et choqué par le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Je ne doute pas qu’au fond de vous-mêmes, vous aussi éprouviez quelque part un certain doute. Dernièrement, j’ai accepté de participer à un débat public sur le sujet qui m’a valu quelques interviews de la presse écrite et de la radio. Je vous précise, comme je le fais à chaque fois, que je ne m’exprime au nom d’aucune association, d’aucun parti mais simplement en tant que professionnel du transport aérien qui a passé cinquante ans à parcourir bien des aéroports.

Les grands projets, je connais et je les respecte. J’ai participé à la gestation de Concorde, à la préparation de la mise en œuvre de CDG 1 et à la conception de CDG 2 en travaillant la main dans la main avec les brillants « trois mousquetaires » d’ADP : Andreu, Albouy, Clinckx, Déjou. Je connais Nantes aussi, une ville que j’aime beaucoup, pour avoir été, pendant cinq ans, PDG de Régional. Cela a été une expérience passionnante et, comme vous le savez, les cas de fusions réussies sont rares. Celle-là a été considérée comme incontestable et a valu beaucoup de bonheur à toute l’équipe.

Hélas, dans le projet de NDL, rien ne paraît crédible. Je comprends le rêve des élus qui voudraient marquer leur règne et flatter l’ego de leurs électeurs en les dotant d’un grand aéroport régional. Je crains aussi que des intérêts immobiliers plus ou moins mal compris ne viennent brouiller les idées. C’est du moins ce que me laisse à penser la réflexion d’un élu : «  Vous auriez dû venir nous voir, on vous aurait expliqué les enjeux ».

Certes, il y a quarante ans, au démarrage du projet, on imaginait que partir de Nantes éviterait aux avions supersoniques le survol du continent et que l’on pourrait rabattre le trafic sur ce hub en avions moyen-courrier et en TGV. C’était évidemment utopique ! On mettait 15 minutes en Concorde, depuis CDG,  pour atteindre Jersey avant d’accélérer et de passer le mur du son. Pourquoi perdre deux heures pour atteindre Nantes ?

Il en est de même de l’idée du hub provincial qui a pris bien du plomb dans l’aile. Le seul hub qui a été à peu près réussi en France est celui de Lyon mis au point par Air Inter pour faire du province-province et qu’Air France a complété par des lignes sur l’Europe. Mais Lyon a été incapable d’obtenir de façon pérenne un vol sur New York. Seul Emirates est présente en long-courrier du fait d’une politique prédatrice qui donne bien du souci à nos vieilles compagnies. Et les low-costs rendent l’économie du hub de plus en plus fragile. Ils se développent aux dépens des compagnies traditionnelles. Quant au prix de la gare TGV de Satolas qui devait amener du trafic de tout le pays, il a fait scandale à l’époque. Près de quarante ans plus tard, le nombre de passagers qui l’utilisent est négligeable. Et pourtant, Lyon est un carrefour naturel et bien placé depuis le temps des Romains, entre Europe du Sud et Europe du Nord.

A Nantes-Atlantique (NTE en code IATA), il n’est que d’examiner les statistiques de l’Union des Aéroports Français, pour constater le même phénomène : ce sont les low-costs qui ont fait l’essentiel de la croissance de ces dernières années. Et le long-courrier est limité à une poignée de vols charters qui s’accommodent sans problème des installations existantes.

Cela étant, les aéroports français ont réagi de façon énergique face à la détérioration de leur situation. Après avoir bénéficié du premier réseau domestique européen, ils ont vu leur trafic stagner tandis que celui des aéroports de province du Royaume Uni, d’Espagne, d’Italie et d’Allemagne s’envolait. Ils ont créé French Connect pour attirer les low-costs et ont ainsi établi un des forums compagnies-aéroports les plus appréciés. Marseille a construit son aérogare low-cost MP2 et en est fière. Bordeaux a suivi avec Billi dont le rapport qualité-prix est encore plus remarquable.

S’agissant de NDL, un journaliste m’a posé une question pertinente : « Pourquoi les compagnies ne protestent-elles pas ? ». La réponse est évidente. Nantes est pour elles un point mineur de leur réseau. Elles connaissent l’administration française et son protectionnisme qui a freiné l’essor des compagnies low-costs et, justement, pénalisé la province française. Elles ne tiennent pas du tout à se mettre en avant. Pour elles, c’est simple, si NDL se révèle trop cher, elles iront ailleurs, à Lorient, à Angers ou à Rennes. En attendant, elles se disent que si la France veut faire payer la facture à ses contribuables, ce n’est pas leur affaire. J’ai posé la question, au dernier French Connect, à un panel où toutes les grandes compagnies low-costs étaient représentées. Les réponses furent une volée d’admirables et très gênés faux-fuyants.

En revanche, EasyJet vient de réagir nettement devant les conclusions préliminaires du 17 décembre de la « Airports Commission » sur l’avenir des aéroports de Londres et se félicite de ses recommandations. Cette commission conclut qu’un nouvel aéroport, dans les bouches de la Tamise, serait une aventure coûteuse et pleine de risques. La solution sage et qui perpétue une politique constante depuis cinquante ans, est de tirer tout le parti de l’existant en construisant une troisième piste à Heathrow et/ou une seconde piste à Gatwick.

On n’aime pas beaucoup en France que l’on rappelle comme nos aéroports sont mal utilisés par rapport à certains des aéroports de nos voisins. Mais il n’empêche que Heathrow (1300ha, 2 pistes) traite plus de passagers et presque autant de mouvements que Roissy-CDG (3200ha, 4 pistes) avec une superficie nettement inférieure à celle d’Orly (1600ha, 2 pistes) et de l’ordre de grandeur de celle que l’on prévoit pour NDL (1200ha, 2 pistes). Et Gatwick, avec sa piste unique et sa superficie inférieure à celle du Bourget, a un trafic en mouvements et en passagers, nettement supérieur à Orly. Je ne parle pas de London City avec son trafic égal à celui de Nantes, constitué d’avions de 50 à 100 places, ses 40ha et une approche face à l’Est telle que l’on vire au-dessus des jardins de Buckingham où l’on pourrait voir la Reine promener ses chiens. Il y a d’autres exemples d’aéroports de la taille de Nantes Atlantique, infiniment plus contraints par leur proximité à la ville et dont on tire, intelligemment, quatre à cinq fois le trafic de Nantes. Citons simplement San Diego, Lisbonne ou Genève. Pour ce dernier aéroport on connait ses résultats financiers brillants.

A Londres, toutes les études de nouveaux aéroports, depuis cinquante ans, soulignent le prix de la distance et le fait que ce coût, pour la communauté, serait dix fois plus élevé que celui de l’aéroport proprement dit, dans le cas d’une plate-forme construite dans l’embouchure de la Tamise. NDL est moins éloignée, cependant c’est un aspect dont on ne parle jamais et que l’on semble espérer solder par une simple voie rapide joignant la route de Vannes à celle de Rennes.

Mais je reviens sur le communiqué d’EasyJet qui mérite d’être soigneusement analysé. Il représente la profession de foi du segment du transport aérien qui domine de plus en plus nettement notre industrie.

1.         Capacity should be provided where there is passenger demand for it – aviation works best when consumers determine outcomes.

2.         Airports should only build the infrastructure that provides the level of service that passengers value and are willing to pay to use. There should be no gold plating or expensive infrastructure that passengers don’t value.

3.         Passengers should only pay for new infrastructure when they actually use it – like toll roads – and not for years in advance. »

Tout est dit. Et surtout qu’un aéroport ne crée pas du trafic. Le drame de NDL est que cet aéroport ne correspond à aucune étude de marché ou prévision sérieuse. On va vers un éléphant blanc.

En Espagne, on a construit Ciudad Real en espérant détourner du trafic de Madrid. L’aéroport a dû fermer en 2012 après trois ans d’existence, faute d’avions et d’entente avec les compagnies low-costs qui demandaient de fortes subventions. Le projet de liaison avec le TGV tout proche a évidemment fait long feu. Plus d’un milliard jeté par la fenêtre.

A Montréal, l’aéroport de Mirabel, contemporain de CDG, a été exploité quelque temps. Mais malgré tous ses efforts, le gouvernement canadien, respectueux du marché, n’a pas convaincu les clients et Dorval est resté en activité et a retenu tout le trafic domestique et celui à destination des Etats-Unis. Seuls les vols internationaux vers l’Europe et les Caraïbes ont été contraints de déménager sur le nouvel aéroport. Résultat, l’ambitieux hub Europe-USA qui avait été imaginé a été tué dans l’œuf. Toronto a su développer un aéroport existant beaucoup plus contraint et a joué ce rôle, au grand dam du Québec, paralysé. Celui-ci a accepté que les compagnies internationales retournent à Dorval au bout de 22 ans, ne laissant, dans les grands espaces de Mirabel, que quelques charters et cargos.  Avec la route et le train, c’est plusieurs milliards qui ont été gâchés.

Doit-on aussi mentionner Vatry, un grand projet politico-administratif du conseil général de la Marne ne correspondant, lui aussi, à aucun besoin commercial ? Il vivote avec un trafic ridicule grâce à Ryanair, numéro 1 du trafic intra-européen qui y opère un vol par jour (pour montrer sa bonne volonté dans un pays qui lui reste administrativement hostile ?) et à quelques charters et vols cargos au chargement confidentiel qui profitent de ses prix et de sa discrétion…

Le projet de NDL ressemble fort à tous ceux-là. Et la présentation de Vinci du 13 mars dernier n’est guère convaincante. Le budget d’abord, quelque 500 millions, semble ridiculement faible. Pour le justifier à tout prix, on a chiffré une phase 1 limitée à une capacité de 4 millions de passagers. C’est la négation même du besoin d’un nouvel aéroport qui n’offrirait que la capacité correspondant au trafic actuel de Nantes alors qu’il n’ouvrirait, au plus tôt, qu’en 2018. On hésite entre une largeur de piste limitée à 45 mètres et une réduction des taxiways ne permettant l’utilisation des pistes que dans un sens ! L’aérogare, de l’avis même de plusieurs experts, est de conception discutable. Il y a deux uniques passerelles télescopiques, là où NTE en offre six aujourd’hui. On a oublié de prendre en compte la gare fret de DHL. Elle reste à NTE ?

Mais surtout, les mystères du sous-sol argileux, gorgé d’eau, dans ce pays de bocage, ont-ils été suffisamment pesés ? Je ne suis pas un expert, mais j’aimerais bien savoir si Vinci a mesuré les risques de l’entreprise et qui paiera les surprises éventuelles ?

La DGAC, interrogée par les opposants au projet, a accepté, du bout des lèvres, de citer une estimation de 800 millions pour NDL, à un horizon incertain. On est encore loin du compte, surtout si l’on veut bien penser au réseau routier qui désengorgera l’accès à l’aéroport et à un moyen de liaison, « tram-train » ou autre, en site propre. Et une fois de plus, quid du coût de l’éloignement pour la métropole nantaise alors que les Britanniques, entre autres, ont bien souligné que ce coût croît exponentiellement avec la distance ? Pour le concessionnaire comme pour les collectivités, on peut craindre objectivement que les aléas soient énormes.

Je ne parle pas du coût de transport pour les passagers de Rennes qui mettront autant de temps pour aller à NDL, par une route encombrée, qu’il en faudra pour gagner Paris par TGV. Il est clair pour tout expert objectif que les passagers de Rennes ou de l’Ouest de la Bretagne seront rares et limités à quelques vacanciers venant prendre des vols charters, comme ils le font déjà. En revanche la métropole nantaise pourrait perdre des vols vraiment significatifs sur le plan économique : les liaisons transversales vers la France et l’Europe qui sont bien mieux servies par un aéroport proche, fonctionnel, accessible et compétitif.

Qui va construire et payer les ponts et autoroutes indispensables dans le cas de NDL ? Quand j’allais à l’aéroport tous les matins et en revenais tous les soirs, j’étais tout content de constater qu’il me fallait quelques minutes pour franchir la Loire et gagner l’aéroport, alors que le trafic était bloqué dans l’autre sens. La situation n’a fait qu’empirer depuis. J’ai eu le malheur de dire cela au débat public, le mois dernier et de parler du merveilleux et dynamique tissu de PME du Sud-Loire et de Vendée qui serait pénalisé par NDL. Des élus un peu excités m’ont aussitôt accusé de connivences avec ces industriels. Je vous rassure, il n’en est rien.

En revanche, la condamnation de Nantes Atlantique me parait dénuée de tout fondement objectif. Les élus, toujours eux, se sont offusqués que l’on mette en doute les études de la DGAC. Il n’en est pas question et j’ai le plus grand respect pour cette institution que j’ai côtoyée pendant 50 ans. Mais, justement, je sais comment on peut jouer avec les faits. J’ai donné un exemple à Radio-France, l’autre jour. Celui des études sur Concorde. Un groupe de travail dont je faisais partie, présidé par le SGAC de l’époque, avait pour mission de faire taire les opposants au projet, ceux-ci disant que l’exploitation de l’avion serait ruineuse. Ce débat faisait écho à celui concernant le projet de SST américain qui allait être abandonné. On a pudiquement conclu que le Concorde serait un peu plus cher au siège-kilomètre que le B707. On a omis de dire qu’il serait deux fois plus cher que le B747, tout juste lancé, mais qui serait son véritable contemporain. Je pourrais citer bien d’autres exemples.

En attendant, on compare les 500 millions d’un projet de NDL correspondant à une capacité de 4 millions de passagers aux 800 millions qui seraient nécessaires pour faire de NTE un aéroport en or massif capable de traiter 9 millions de passagers en….2060. Cela frise le ridicule.

La DGAC a fait une étude fouillée et détaillée, mais sur des hypothèses contestables. Cette étude répond aux recommandations de la Commission du Dialogue qui, en mars dernier, posait de très bonnes questions et suggérait une approche contradictoire. L’étude de la DGAC a pris six mois. Les opposants ont eu quinze jours pour réagir et sont parvenus à mettre au point trois présentations préliminaires pour la réunion qui a eu lieu à la préfecture de Loire Atlantique, le 27 novembre dernier. Monsieur Schwach a eu la courtoisie et l’amabilité de qualifier ces présentations « d’honnêtes et constructives ». En revanche, le débat a été limité. Et le préfet d’indiquer, en fin de réunion, que le temps du dialogue était clos, faisant fi de la lettre du Ministre du 28 juin. Depuis, il semble bien que l’administration, avec la sortie de plusieurs arrêtés, fasse tout pour créer une situation de fait accompli et permettre le démarrage des travaux. Le moins que l’on puisse dire est que cela n’est guère dans l’esprit des recommandations de la Commission du Dialogue et de l’engagement du Ministre des Transports à les respecter.

Comme me le disait un ami hollandais : « Jamais, chez nous, administration ou élus n’oseraient procéder de façon aussi impudente ».

Mais revenons sur les grands thèmes de l’étude de la DGAC.

Il y a d’abord le bruit.

Les nuisances sonores sont incontestables. Mais la méthodologie utilisée par la DGAC aboutit à la conclusion qu’elles ne pourront qu’augmenter. Pour cela, on n’a pas tenu compte de l’apparition d’avions nouveaux et de la disparition d’avions de la génération 1990 ou plus anciens, de manière réaliste. Monsieur Schwach, un peu gêné, a qualifié les hypothèses de la DGAC de « simplificatrices ». En fait :

·          Les avions régionaux constituent 50% du trafic de NTE. On sait que les jets de moins de 80 sièges sont condamnés par leur économie. Ils disparaissent aussi vite que les compagnies comme Régional ou Britair sont capables de s’en débarrasser. Ils sont remplacés par des appareils turbopropulseurs ou des appareils plus gros avec une tendance accélérée à la diminution des mouvements.

·          L’essentiel du trafic résiduel est fait par les compagnies traditionnelles et surtout par les low-costs dont la politique est d’utiliser les avions les plus performants. Les avions équipés de moteurs de technologie GTF ou LEAP sont déjà commandés par milliers, qu’il s’agisse d’Airbus ou de Boeing ou d’avions régionaux de 80 places et plus (Bombardier, Embraer, Mitsubishi). La diminution du bruit sera spectaculaire. Le C-series sera en service en 2016. Les autres suivent de près. L’absence totale de ces appareils dans les simulations DGAC, jusqu’au-delà de 2030, est choquante. Bien plus, les gains en bruit, au décollage comme à l’approche, sont nettement sous-estimés alors que les constructeurs se sont engagés sur des chiffres connus, précis et contractuels.

·          On a forcé sur les long-courriers, même si leur présence à Nantes reste confidentielle. Le trafic de NTE sera, selon toute probabilité, limité à des biréacteurs, les A350 et B787 venant encore diminuer le bruit des A310, A340 et B767 qui auront disparu.

·          On a renforcé le trafic de nuit et accentué le nombre de mouvements en QFU 21 sans tenir compte d’aucune amélioration de procédure au prétexte que les contrôleurs ne sauraient pas faire du fait de l’augmentation du trafic. Comment font ceux de Gatwick, de Lisbonne, de San Diego ou de Genève pour tirer, de leur piste unique, jusqu’à six fois plus de mouvements, avec des contraintes d’environnement beaucoup plus sévères et, pour certains, aucun mouvement de nuit ?

·          On ne tient compte ni des promesses des accords de Grenelle (appliquées à Paris et qui devaient l’être dans les dix premiers aéroports français), ni de la politique de la DGAC explicitée dans le rapport PBN (Performance Based Navigation) et reflétant l’avance des travaux  du ciel unique européen (SESAR).

En conclusion, la DGAC conclut à une augmentation des nuisances là où toutes les mesures faites sur Londres, Paris et bien d’autres aéroports, montrent une diminution constante et accélérée des niveaux de bruit malgré l’augmentation du trafic. Conclusion qui est aussi celle du cabinet international  d’expertise, contracté par les opposants et qui a pu présenter ses travaux à la réunion tenue à la préfecture le 27 novembre. La DGAC a concédé que cette tendance semblait avérée mais a trouvé que le nombre d’habitants concernés par une courbe de bruit donnée devait doubler à Nantes ! En tenant compte de quels projets immobiliers ?

Il est en fait troublant que la perspective de l’ouverture de NDL semble avoir arrêté tout effort pour diminuer le bruit sur Nantes. On a l’impression qu’il y a là une volonté de ne rien faire qui puisse semer le doute s’agissant du bien-fondé du transfert du trafic sur un nouvel aéroport.

L’un des exemples les plus flagrants est la tarification. S’il y a gêne et nuisance, pourquoi ne pas prendre exemple sur Zurich, Londres, Francfort ? Pourquoi ne pas rendre dissuasifs les mouvements de nuit et plus pénalisants les mouvements tard le soir ; pourquoi ne pas charger les avions qui ne respectent pas le « chapter 4 » de l’OACI et ne pas prévoir une incitation pour les avions qui vont bientôt apparaître en nombre, avec leurs moteurs GTF et LEAP, et qui seront quasiment inaudibles sur l’Ile de Nantes, facilitant ces projets d’urbanisation attendus avec tant d’impatience ?

La seule mesure positive notable est l’utilisation la plus fréquente possible du QFU 03. Elle est significative et épargne tout survol de Nantes, 60% des jours de l’année.  Certes on sacrifie St Aignan. Car on oublie toujours de le dire. Si la piste, utilisée dans un sens, représente une pénalité pour Nantes, elle a, dans l’autre sens, un avantage rare, grâce à la présence du lac de Grand Lieu où les oiseaux n’ont jamais été perturbés par le bruit des avions. Survol et absence d’urbanisation sont au contraire une garantie de protection. En revanche, je compatis de tout cœur avec le sympathique maire de St Aignan. C’est vrai que sa petite commune est sacrifiée. Mais elle est constituée en grande partie, comme cela arrive partout autour des aéroports, comme on l’a vu à Roissy-CDG, vaste plaine vide d’habitations à l’ouverture de l’aéroport, de maisons construites alors que l’empreinte bruit de l’aéroport était déjà bien établie. Et là encore, on ne parle pas du trafic de Heathrow ou de CDG, mais du quart de celui de Lisbonne.

Et il y aura toujours un St Aignan. Le prochain pourrait s’appeler le Temple de Bretagne sans doute ? Il n’y a pas de désert en France. En revanche, le bruit des avions est aujourd’hui 75% plus faible qu’il y a trente ans et, à Londres, on estime que la population touchée a été divisée par huit ! Les avions qui arrivent à partir de 2016 vont encore réduire les nuisances de plus de 50%. Alors comment croire à des chiffres qui supposent une densification des habitations autour de NTE, maintenu en activité mais pas un habitant de plus autour de NDL ?

Il y a ensuite les travaux d’extension des installations terminales.

Là, on a tout entendu. Le mépris pour les installations low-costs de Marseille et de Bordeaux. On voudrait pour NTE, du standing ! Pourquoi ? Pour les low-costs qui représentent la quasi-totalité de la croissance du trafic ? Tout expert peut imaginer des solutions du type Marseille ou Bordeaux qui coûteront une bouchée de pain. Les grandes surfaces savent faire des parkings pour un prix modique. Bien plus, le tramway arrive déjà tout près et son prolongement coûterait une bagatelle à côté de ce que représenterait un moyen de transport en site propre desservant NDL. Bref, les investissements, à l’horizon correspondant à celui où NDL serait disponible, devraient être de l’ordre du dixième de ce qui est indiqué dans l’étude de la DGAC. En tout état de cause, ils seraient progressifs et adaptés à l’évolution du trafic.

Ce qui permettrait à l’aéroport et à Vinci de faire de très bonnes affaires et de continuer à satisfaire les compagnies aériennes clientes qui ont sacré l’aéroport de Nantes Atlantique, meilleur aéroport européen 2012.

Enfin, il y a la piste.

Elle présente certes des creux et des bosses et devra être refaite tôt ou tard. Je ne suis, là encore, nullement expert. Je ne peux que constater que les aéroports n’ayant qu’une seule piste sont légion. Et qu’ils trouvent toujours une manière de résoudre les problèmes de rectification et d’entretien. Les ondulations de la piste ne gênent absolument pas le trafic, même pour les plus gros appareils. Il suffit de le demander aux pilotes qui fréquentent NTE, comme je l’ai fait. Certes on ne construirait pas une piste comme celle-là aujourd’hui. Mais les exceptions aux normes idéales OACI se négocient. Et je ne doute pas que Vinci soit à la pointe du progrès et ne puisse trouver des solutions, avec un minimum de bonne foi, pour résoudre ce problème dans des délais convenables, sans tomber dans les extrêmes chiffrés par la DGAC : une fermeture de six mois avec le manque à gagner qui en découle ! Brest l’a fait il y a déjà quelque temps, en quelques semaines. Je n’ai pas la durée précise. C’est devenu, parait-il, un secret-défense…

Quant au besoin de prolongation de la piste qui devrait, on ne sait pourquoi, être plus longue que celles de NDL, il ne semble vraiment être là, lui aussi, que pour alourdir la facture à tout prix. On veut peut-être s’inspirer de Ciudad Real avec sa piste de 4000 mètres ?

Bref, on ne construit pas un aéroport vaste comme Heathrow avec ses 70 millions de passagers, premier d’Europe, pour seulement 7 à 9 millions de passagers quand on a un instrument aussi valable que Nantes Atlantique. C’est une aventure politico-administrative sans aucun fondement économique ou commercial.

Je ne m’attends pas à ce que vous vous déclariez d’accord avec tout cela. Je pense malgré tout que les grands professionnels que vous êtes, s’honoreraient d’expliquer au monde politique que la poursuite du projet de Notre Dame des Landes n’est pas forcément une solution souhaitable et surtout pas par les temps qui courent.

Et j’estime que, dans l’esprit de la Commission du Dialogue, il serait judicieux qu’on laisse le temps aux opposants au projet de désigner un expert et d’aller au fond des choses, en reprenant les hypothèses que la DGAC a développées pendant six mois. Oserais-je suggérer que cette contre-expertise se fasse dans le cadre d’une coopération et d’un dialogue ouvert entre experts nommés par les opposants et vos services ? Cela satisferait tout le monde. Cela peut être décidé aujourd’hui. Je me tiens à votre disposition pour aider à mettre cela en place.

Je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de toute ma considération.

Jacques Bankir

 

 

 

Laissez un commentaire

Remonter