[DOB 2015] Intervention générale de Jean-Philippe Magnen
Monsieur le Président, chers collègues,
Monsieur Dejoie fait remarquer que si la majorité n’était pas contente de sa gestion, il y aurait de quoi s’inquiéter. J’ai envie de vous répondre que si l’opposition n’était pas fortement mécontente de la gestion de la majorité, nous sortirions peut-être enfin des postures politiciennes habituelles que mettent en cause largement nos concitoyens. Aujourd’hui 88% des citoyens ne croient plus en la capacité des parties politiques pour améliorer leur quotidien. Et cela ne concerne pas que nous, majorité, mais également vous, opposition. Arrêtons les diatribes et les tribunes qui mènent à rien et n’apportent aucune solution concrète.
Session après session, aucun chiffre ou indicateur ne viennent contredire le dur constat auquel nous devons faire face : la crise est multidimensionnelle et structurelle. Il y a quelques jours encore l’INSEE publiait son portrait social de la France après 6 années de crise et voici les réalités auxquelles nous devons nous confronter :
-le chômage de longue durée a explosé : sur près de 3 millions de chômeurs en France 40.2% sont des chômeurs de « longue durée » (un chiffre qui a augmenté de 56% en 4 ans).
-les bénéficiaires de minima sociaux se sont multipliés. Augmentation de 26 % du nombre de bénéficiaires du RSA socle.
Et les derniers chiffres communiqués hier ne montrent aucune amélioration : une hausse de 1,3 % en Loire Atlantique et 0,9% en Pays de la Loire. Et pour autant, nous sommes la région française ayant le plus bas niveau de chômage mais nous ne nous en satisfaisons pas.
Cette situation conduit nombres de français et de française à subir la pauvreté de plein fouet et à douter de plus en plus de la capacité des institutions et des politiques à répondre à la crise. Et alors que cet état structurel demande des solutions innovantes, les vieilles recettes du 20e siècle ont encore bonne presse.
Les uns veulent déréguler le marché du travail en baissant son cout, les autres compenser les excès d’une économie trop libérale par des pansements sociaux et continuent à nous faire croire au mythe de la croissance créatrice d’emploi sans même penser à questionner les modèles alternatifs. Tout cela nous conduira droit dans le mur, de plus en plus d’économistes le disent et pas seulement les écologistes. On parle même d’un choc de l’ampleur de celui 2008/2009 en 2015/2016.
Prenons l’exemple de la crise du bâtiment qui touche particulièrement notre région. La crise a considérablement détérioré ce secteur du fait de la diminution du nombre de constructions. Et nombre d’emplois ont été touchés. Les chiffres publiés par la DREAL cet été sont sans appel : le secteur de la construction a perdu 3.2% de ses emplois salariés en 2013 et le chômage de longue durée a explosé de 25%. Sur une année les mises en chantier ont chuté de 11%. Les branches professionnelles du bâtiment nous demandent d’arrêter de former des salariés et des demandeurs d’emplois pour ce secteur car ils n’ont plus les capacités de les intégrer. C’est un vrai soucis alors que parallèlement nous parlons de la mutation de ce secteur pour assurer la transition écologique et la rénovation énergétique des bâtiments. Il faut arrêter de s’opposer sur des postures assez artificielles pour enfin aider ce secteur en crise, composé essentiellement d’artisans. Alors soit on se désespère et on reste les bras ballants, soit on agit. Et la Région agit : entre 2012 et 2013 +14 % de construction dans le logement social.
L’industrie doit aussi opérer sa mutation – j’étais hier à St. Nazaire invité par le PC à un débat sur les Etats généraux de l’industrie et nous avons fait ce constat et débattu des solutions. L’industrie française est en crise, même si les Pays de la Loire sont la 3e région industrielle et représentait 19.7% de l’emploi régional en 2010 (contre 14% en France) et que nous avons des secteurs fleurons : notre région est la première pour la construction navale, la 2e pour la pèche et l’agriculture, la 2e également pour l’aéronautique et le 3e (hors ile de France) en nombre de salariés dans le secteur innovants…
L’industrie est en crise comme nombre de secteurs et nous devons pousser à sa diversification ou reconversion vers des nouvelles filières selon les cas, filières en phase avec la contrainte énergie-climat et capables de répondre à des besoins émergents. Sans perdre de vue que les Pays de la Loire sont un territoire propice au développement d’une production d’énergies propres et donc d’une future autonomie énergétique.
Pour les écologistes, l’industrie de demain doit fonctionner de façon circulaire et éviter le gaspillage. Elle doit privilégier : l’économie du recyclage ou circulaire, l’économie de la fonctionnalité, l’économie de la réparation et l’écologie industrielle. Et nous souhaitons que l’on réfléchisse à un plan régional pour l’économie circulaire.
Malgré ce contexte très délicat et dégradé – y compris malheureusement de la classe politique – que je tenais à évoquer, ce DOB est réaliste et ambitieux. Notons que la capacité de désendettement portée à 6 années pour fin 2016 est proche des préconisations que les écologistes avaient formulées en début de mandat. Ces 6 années étaient pour nous un objectif atteignable, raisonnable, et nous nous félicitons qu’aujourd’hui nous y arrivions pour anticiper l’avenir même en période de crise importante.
Sur l’investissement ensuite. Préconisation du FMI à l’appui, le DOB insiste sur l’urgence de maintenir l’investissement et c’est très important voire primordial pour préparer l’avenir. Certes, mais rappelons que l’investissement est également une question de confiance en l’humain, au social. Nous l’avons fait en augmentant les rémunérations de 50€ des stagiaires de la formation des primo demandeurs d’emploi lors du dernier BS. Car mieux les rémunérer c’est prendre en compte la nécessaire sécurisation des parcours des plus éloignés de l’emploi. Je pourrais également parler des bourses ou des manuels scolaires et nous aurons encore à répondre dans un avenir proche à ces besoins sociaux.
Et de plus en plus souvent, des stagiaires de la formation professionnelle dorment dans leur voiture ou ne s’alimentent plus. Il y a donc une réelle urgence à laquelle il faut pallier !
Toutes ces mesures, même si elles apparaissent dans les dépenses de fonctionnement, souvent présentés comme des coûts par l’opposition, sont de véritables mesures d’investissement social pour sécuriser et aider nos concitoyens.
Face aux données prévisionnelles concernant la démographie à horizon 2025, la région a fait le pari ambitieux de miser sur l’éducation et la formation. 150 millions d’euros en investissement supplémentaires d’ici 2016 dont 120 millions en 2015, c’est un réel volontarisme pour les lycées et les CFA et, in fine, pour l’amélioration des conditions de vie et d’études des lycéens et apprentis.
Sur la formation, je rappellerai notre objectif d’accompagner plus de 22 000 demandeurs d’emploi et 2000 salariés et nous aurons à intégrer dans nos outils d’accompagnement, la mise en place du compte personnel de formation dès janvier 2015, première étape d’un droit universel à la formation tout au long de la vie. Et l’amplification du nouveau dispositif du Conseil en évolution professionnelle en lien avec le SPRO pourrait aussi être évoquée.
Mais hélas ces avancées sont atténuées voire pénalisées par le peu d’avancées de la loi de décentralisation et le résultat de la réforme territoriale. Il reste de nombreuses incertitudes sur les compétences qui seront celles des régions. Et puis, nous l’avons déjà dit : n’a-t-on pas tronqué le débat de la réforme territoriale en posant uniquement la question du découpage administratif ? Le débat n’aurait-il pas pris un peu de hauteur en se concentrant sur les compétences et responsabilités des régions, les moyens financiers, la fiscalité plutôt que de se consacrer quasi exclusivement sur des considérations strictement cartographiques. Alors disons le simplement, la réforme était mal préparée, le débat tronqué et l’on donne aujourd’hui aux régions des compétences sans leur donner les moyens de leurs nouvelles ambitions…
J’en arrive au CPER. On notera – comme l’a dénoncé l’ancien Premier Ministre – un large déséquilibre dans l’octroi des subventions aux régions, une diminution de l’enveloppe pour les Pays de la Loire et des coupes conséquentes pour l’enseignement supérieur et la recherche par exemple, malgré le rehaussement récent.
Sur le volet mobilité : l’enveloppe annoncé de 197 millions, dont seulement 84,2M sur le ferroviaire, ne permettra pas d’amorcer tous les travaux nécessaires dans notre région. Et la plus grosse partie serait dédiée à la construction de la desserte routière d’un aéroport imaginaire. (97,7 M€ pour 11 kilomètres).
Un aéroport de plus en plus hypothétique mais qui, portant, est au cœur du débat LNOBPL. Les écologistes ont dénoncé cette approche du débat le jugeant prématuré. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons demandé (et obtenu) une expertise complémentaire pour la prise en compte de toutes les liaisons possibles sans prendre en compte le projet d’aéroport. Le débat public aurait en effet dû porter sur l’amélioration de la liaison ferroviaire Nantes/Rennes et de l’ensemble du réseau Ouest Bretagne et non sur la desserte de Notre Dame des Landes! On notera aussi, est c’est hélas peu étonnant, qu’aucun élément sur l’amélioration de NA et de ces dessertes n’est mis en avant dans les 3 scénarios proposés.
Et vous aurez toutes et tous entendu hier, les déclarations de François Hollande en marge de la conférence environnementale. Remettant la démocratie participative au cœur des débats concernant les grands projets, afin d’éviter – je cite – « les formes inacceptables de violence », le président de la république redonne enfin toute sa valeur et toute sa force à la parole citoyenne. Alors profitons de cette occasion pour enfin remettre à plat le dossier de NDDL et étudier toutes les alternatives… Il en est encore temps !
Une mise à plat qui doit s’appliquer au projet d’autoroute A831 : Nous ne nous répéterons jamais assez notre opposition à ce projet d’autoroute. Alors saluons le Conseil régional Poitou Charente qui vient de provisionner près de 15 millions d’euros de son volet mobilité du CPER, pour le contournement routier de Marans. N’est-ce pas là une étape importante dans la mise œuvre d’une alternative concrète à l’autoroute A831 dont devrait s’inspirer la région ?
La situation nécessite des réponses d’urgence mais également de préparer l’avenir. Pour cela la Région doit être audacieuse et doit généraliser des pratiques innovantes qui ont été expérimenté avec succès à petite échelle.
Je pense ici au travail qu’elle a mené en lien avec les associations et les acteurs économiques sur les nouveaux indicateurs de richesses ; pour dépasser nos classiques indicateurs économiques comme le PIB ou le taux de croissance par exemple. De nouveaux indicateurs qui pourraient à termes optimiser nos outils et en mesurer l’efficacité…
Je pense aussi au Texte d’orientations partagées pour le développement culturel en région, fruit d’une nouvelle forme de démocratie et de co construction des politiques publiques avec les acteurs du secteur. Un texte et une méthodologie de travail –la CRCC – qui ont inspiré d’autres territoires pour leur caractère innovant. Et l’on sait combien l’emploi culturel est fragilisé, le premier touché, dans une période de crise…
Il est temps aujourd’hui de passer à l’intégration de ces expérimentations, de les généraliser ou de s’inspirer des territoires en transition : Nous devons multiplier les territoires d’innovation sociale et vitrine d’une transformation écologique de l’économie portée par des collectifs d’habitants et d’élu-e-s volontaristes, pour faire rimer création d’emplois et proximité, développement local et solidarité.
Je pense aux Pôles territoriaux de coopération économique qui face à la crise proposent d’innover, de mutualiser les compétences, les biens, les savoirs et de promouvoir une économie juste, stable et solidaire… Cinq Pôles existent en région et sont les terreaux d’une nouvelle économie relocalisée de circuit court et coopérative.
Nous traversons une période de grave crise économique, environnementale et démocratique qui fragilise considérablement les modèles. Elle les fragilise d’autant plus que nombre d’entre eux ne sont pas adaptés au XXIe siècle.
Mais des citoyens, partout dans les territoires, choisissent d’agir et de ne pas subir. Partout des citoyens ont décidé de mettre en actes une dynamique de changement, proposent, innovent et créent…
L’espoir est là.
Je vous remercie