[DM2] Intervention générale de Jean-Philippe Magnen pour le Groupe EELV

JPM

Monsieur le président, cher-e-s collègues,

Dans ce contexte socio-économique très inquiétant, cette DM2 est historique.

Elle est d’abord une étape décisive dans la reconnaissance de la région comme acteur clé de nos politiques publiques. Pour la première fois, cette assemblée va voter des engagements opérationnels de fonds européens. Par cet acte, la région devient officiellement autorité de gestion du FEADER, du FEDER, et d’une partie du FSE, se substituant ainsi majoritairement à l’Etat.

Ce succès tranche, je ne vous le cache pas, avec l’amateurisme avec lequel a été menée la réforme territoriale. Ayons le courage de le dire aujourd’hui : la décentralisation appelée de nos vœux ne se fera pas. Elle ne se fera pas parce que l’État n’a pas mis en œuvre les moyens de ces ambitions et n’a pas voulu trancher entre le réformisme et l’immobilisme. On a vu lors de la récente venue de Madame la Ministre Lebranchu, se réveiller les tentations conservatrices. Les « touche pas à ma région, à mon département, à ma commune » étant les leitmotiv de la plupart des responsables de collectivités présents ce jour-là. Du coup, comment s’étonner que le statu quo soit en train de l’emporter sur le mouvement, l’évolution, le changement, que les lobbies des barons tant nationaux que locaux l’aient emporté.

C’est regrettable !

Pour leur part, les écologistes sont et resteront toujours du côté des réformateurs. Nous ne nous résoudrons pas au statu quo. Nous continuerons le combat pour des régions plus fortes, avec des compétences accrues et des ressources propres, car la France figure toujours en queue de peloton des autres pays européens.

Nous militerons donc pour la simplification réelle du mille-feuille, et un renforcement du couple régions / intercommunalités pour réussir les transitions sociale, économique et écologique fondamentales pour notre pays. Cela passera aussi par une réforme des communes (si l’on veut faire des économies, il n’est pas possible de rester à 36.000 communes), par une réduction du nombre ou une suppression des conseils généraux, mais également par une réforme profonde de l’Etat. Ayons un véritable débat sur la suppression des conseils généraux ! Ayons cette audace-là ! L’audace d’aller au bout du projet de décentralisation. Je prendrais un exemple concret d’incohérence que je vis au quotidien dans mes fonctions, celui lié à la compétence emploi, qui reste compétence d’État alors que l’orientation, la formation deviennent encore plus fortement compétences des territoires. Avec un chômage fort et des politiques publiques nationales qui n’arrivent pas à résorber ce phénomène structurel, il aurait été cohérent – et madame Lebranchu l’a dit – de régionaliser le service public de l’emploi. Aujourd’hui, il serait plus efficace et lisible pour le citoyen que l’ensemble de ces services publics sur l’axe emploi formation – orientation soit territorialisé. Et cohérent aussi avec la décentralisation de la gestion des fonds européens objet de cette DM2, j’y reviens justement :

Au total, ce sont 837 M€ de fonds communautaires mobilisables sur 6 ans pour le développement des Pays de la Loire. C’est une preuve, si l’en était besoin, de l’action concrète de l’Europe pour nos territoires.

Avec une enveloppe de 457,6 M€, le FEADER représente un levier crucial pour accompagner la nécessaire transformation de notre modèle agroalimentaire régional vers des pratiques plus durables, ainsi que le préconise le désormais incontournable scénario Afterres. Si certains verrouillages du vieux monde ont sauté, beaucoup reste encore à faire pour réussir la transition alimentaire.

Concernant les fonds FEDER et FSE, nous disposons pour la même période d’une enveloppe respective de 302,7 M€ et de 76,7 M€, la région inscrivant dès cette session une dotation globale de 127 M€. Il est encourageant de voir que ces fonds européens participent à la mise en place de la transition énergétique, de la prévention des risques et de la préservation de l’environnement. Toutefois, nous constatons que l’excellence, la performance et la compétitivité, restent encore et toujours des horizons indépassables, moteurs supposés d’un système de croissance pourtant à plat aujourd’hui.

Ces fonds doivent donc selon nous surtout servir à la cohésion de notre territoire et permettre d’accélérer les transitions que j’évoquais et non de perpétuer un système qui ne marche plus et nous amène dans le mur.

Et je nous invite chers collègues à mettre en application une expérimentation menée par notre région précurseur en la matière sur les nouveaux indicateurs de richesse.

Enfin, tout comme le CESER, nous restons préoccupés par les difficultés que rencontrent les petits porteurs de projets pour accéder à ces fonds. Nous devons réfléchir à une solution qui permettrait de lever cette difficulté devenue structurelle qui met à mal la gestion de trésorerie des petites structures notamment associatives. De nombreuses associations attendent toujours le versement de l’ancien FEDER : certaines ont dû mettre la clé sous la porte, les autres hésitent à revenir dans ce programme.

Cette DM2 marque aussi une nouvelle étape en termes de développement et d’aménagement du territoire. Plus que jamais, nos territoires doivent bénéficier de façon égalitaire des projets de déploiement et de raccordement numériques, qui ne doivent pas rester l’apanage des grands bassins urbains. C’est pour assurer une telle égalité des territoires que la région s’est engagée à investir 100 M€ sur 6 ans pour développer un accès pour tous à la fibre optique. Pour autant, le développement de la fibre ne solutionne pas tous les problèmes d’accès. Si nous ne prenons pas également en compte les moyens financiers, la formation de nos concitoyens et leur maîtrise des outils numériques, le développement technique du numérique risque de renforcer les clivages dans notre société : clivage générationnel, clivage social, clivage culturel…

On notera enfin l’effort supplémentaire de 4 M€ en faveur des économies d’énergies réalisées par les particuliers (AREEP). Certes, le projet de loi de transition énergétique apporte de nouvelles mesures (comme le nouveau crédit d’impôt et le fond de garantie nationale pour la rénovation énergétique), même si nous aurions souhaité des mesures plus contraignantes et des aides conditionnées à des performances énergétiques plus ambitieuses. Mais la région doit continuer la dynamique amorcée depuis cinq ans, notamment dans l’accompagnement des particuliers et le soutien aux ménages les plus modestes.

Mais nos avancées en région ne doivent pas nous faire oublier que cette DM2 s’inscrit aussi dans un contexte de stagnation économique, de désengagement de l’Etat.

Le projet de Loi de finances pour 2015 propose ainsi une baisse des dotations de l’État aux collectivités locales de 11 Milliard € sur les trois années à venir ! Ce sont 22 M€ de recettes en moins pour le budget 2015 de notre région.

A cet égard, comment ne pas mentionner la baisse des dotations prévues dans le futur contrat de plan État-Région 2015/2020 ? L’enveloppe globale prévue par l’Etat se situe à hauteur de 336,4 M€, soit 155 M€ de moins que la période précédente !

A ce stade, je m’interroge donc sur notre capacité future à financer certains investissements relevant de nos compétences propres. Et ce ne sont pas les ressources spécifiques dévolues aux Régions (TICPE, cartes grises…) qui nous permettront de compenser !

Je laisserai Matthieu orphelin décliner plus précisément les conséquences de ces choix sur les politiques publiques régionales lors de notre échange avec le préfet.

Mais, comment, dans ces conditions, allons-nous pouvoir répondre aux nouveaux besoins d’accueil des lycéens ? Comment, avec une enveloppe contrainte de 84,2 M€, allons-nous mener les travaux ferroviaires indispensables pour notre région ? D’investir dans la recherche et l’innovation pour accompagner les fameuses transitions incontournables pour sortir de la crise.

Et que dire des 100 millions d’euros dédiés à la construction d’une 2×2 voies et d’une desserte routière consacrées à un aéroport… qui n’existe pas et n’existera surement pas. Gaspillage d’argent public alors que nous n’en avons pas assez pour des investissements fondamentaux pour nos territoires.

Et ce n’est malheureusement pas la seule aberration autour de ce projet d’aéroport, ou plutôt devrais-je dire, de ce non-aéroport.

On sait désormais que les équipements prévus par le permis de construire de VINCI sont en réalité plus petits (je parle là de l’aérogare et non pas des surfaces commerciales qui elles triplent) que ceux de l’aéroport de Nantes Atlantique, et bien en deçà des recommandations du Service Technique de l’Aviation Civile ! Pour un projet qui veut pallier à la supposée saturation de Nantes Atlantique, cherchez l’erreur!

Et que dire de ce qui s’est passé cette semaine aux Conseils généraux du 44 et 35 qui viennent de voter sur le tracé de la liaison ferroviaire Nantes-Rennes en ne prenant en compte que les scénarios intégrant une desserte de l’hypothétique aéroport, sans même attendre le résultat des études complémentaires réclamées par les écologistes et commandées par le Comité National de Débat Public. C’est un passage en force et un déni de démocratie. Voter avant un débat public, c’est une bien curieuse vision de la démocratie surtout sur un sujet qui parle de la cohérence de l’aménagement du schéma ferroviaire de l’ouest de la France. J’invite donc notre collectivité à respecter quant à elle ce processus démocratique et à prendre en compte tous les scénarios possibles, avec ou sans NDDL avant de se positionner : c’est une question de démocratie et de responsabilité.

Ceci est grave, car ce sont aussi ces méthodes qui contribuent à éloigner les citoyens de l’action politique.

Le regretté Stéphane Hessel disait « indignez-vous »! Et dans ce cas précis, il y a de quoi…

Aujourd’hui, j’ai plutôt envie de vous dire en conclusion de cette intervention… Réveillons-nous !

Les citoyens doivent retrouver des raisons d’espérer dans la capacité du politique à agir concrètement pour à la fois améliorer leur quotidien et anticiper l’avenir.

Et c’est avant tout cela qui doit guider notre action quotidienne au-delà des clivages partisans et des luttes pour la conquête du pouvoir.

 

Je vous remercie

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