[DM2] Intervention générale de Jean-Philippe Magnen : « Faire couple »
Mes chers collègues,
Voici notre dernière assemblée plénière : dernière du mandat, dernière pour un certain nombre d’entre nous… et bien sûr cela lui donne une couleur particulière. Et bien que la période électorale soit plutôt signe de divorces et de séparations, je voudrais dans cette intervention nous inviter à « faire couple ».
« Faire couple »… Non pas nous unir autour de pseudos alliances ou d’un pseudo référendum où la communication politicienne (pour ne pas dire le marketing) l’emporte. Mais
Faire couple pour faire face aux urgences,
Faire couple entre le dire et le faire,
Faire couple entre l’Homme et la Nature.
Faire couple entre la démocratie représentative et la société civile
Il nous faut faire couple, rassembler nos forces et unir nos énergies, pour faire face aux urgences, humanitaires ou environnementales, qui nous interpellent.
À la veille de la COP 21, la nécessité de l’engagement s’affirme clairement. L’enjeu, c’est l’avenir de l’humanité, ni plus ni moins ! Pour les hommes et les femmes politiques de tout bord, l’intérêt général exige exige de se retrouver sur le fond. La COP 21 représente une dernière chance de limiter le changement climatique, et peut-être de limiter le désastre. Plus qu’une chance, c’est une nécessité ! Elle doit nous conduire à inventer une voie de transition, d’innovation écologique et sociale. C’est le sens du vœu COP 21 qui sera présenté en fin de session par notre majorité.
Et puis nous sommes face à une autre urgence, une dramatique urgence. Je parle bien sûr de ces dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient les guerres, les famines, les dictatures ou des territoires sinistrés. Chacun d’entre nous, à hauteur d’homme et de cœur, doit prendre sa part de responsabilité. Si la situation est éminemment complexe, elle nous appelle à un impératif d’humanité et non de comptabilité d’épicerie ! Elle nous appelle également à remettre en cause pour une bonne part notre modèle occidental, notre fantasme libéral.
Nous nous devons d’agir à tous les niveaux. Et nous pouvons au niveau régional être force de propositions, nous pouvons agir : des propositions nouvelles, créatives, différentes, pour faciliter l’accueil des réfugiés, et nous en avons formulé quelques-unes ces dernières semaines, mais aussi pour participer à l’accélération de la transition, pour dépasser et améliorer notre modèle actuel.
Et pour cela, il nous faut…
Faire couple entre le dire et le faire.
C’est notre première responsabilité de politiques : réaliser ce que nous avons affirmé, ce pourquoi nous avons été élu-e-s. Et si ce mandat a parfois été houleux, avec des divergences profondes sur certains sujets au sein de notre majorité, nous avons su travailler en intelligence, nous avons ensemble et en grande partie fait ce que nous avions dit.
Le bilan de cette mandature nous semble ainsi positif, et nous en sommes fiers : la présence des écologistes au sein de cette assemblée a permis des avancées certaines en termes de transition écologique et sociale. Même si cela n’a pas suffi à compenser les effets de la crise économique, notre région affiche de solides résultats en termes de création d’emplois (6500 créations nettes par an), avec un taux de chômage parmi les plus bas de France .
Je ne citerais que 5 axes principaux de bilan qui illustrent ces engagements tenus :
1er axe : l’Economie, l’emploi, la formation : exemple de St Nazaire avec compétences 2020 et diversification des chantiers navals vers l’éolien off-shore (1200 emplois directs et 2000 indirects à venir – avec une anticipation efficace grâce à un appareil de formation adapté et réactif) + lien avec la demande faite à l’état de délégation emploi
2eme axe, l’Education / l’Apprentissage : 5 nouveaux lycées dont Beaupreau et un plan ambitieux et tenu de rénovation énergétique des lycées + l’accompagnement des apprentis que ce soit via l’investissement dans les CFA (2,3 millions dans cette DM2) ou via les Actions Educatives facilitant la mobilité internationale des jeunes en apprentissage (502 000 euros pour cette DM2)
3eme axe, la Transition énergétique : engagement dans le 3X30 dont les AREEP 14 millions/an et + 2 millions complémentaires à cette DM2 ou encore le soutien à la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique globale des bâtiments publics
4eme axe, les Transports / malgré nos profonds désaccords sur projet d’aéroport et certains projets autoroutiers et routiers, développement réseau TER et sur cette DM2 une dotation de 1 940 000 pour enfin engager la modernisation de la ligne Nantes-Bordeaux. Projet hautement symbolique d’interrégionalité qui va commencer à se concrétise au profit des voyageurs des deux régions. Mais, comment ne pas condamner l’insuffisance budgétaire du CPER 2015/2020 sur ce projet, insuffisance qui ne permettra pas de terminer les travaux aussi rapidement que nécessaire ?
Enfin 5eme axe, l’Environnement et la Biodiversité : La Loire est la colonne vertébrale de la biodiversité de notre région. Le contrat Loire qui fait unanimité est le rassemblement d’actions fortes pour la biodiversité. Ainsi comme exemple la signature de 10 Contrats Nature, dédiés à la restauration des continuités écologiques pour 2 986 187 € et cela en amont du SRCE. SRCE, mis en œuvre sous la houlette de Sophie Bringuy et qui, travaillé en concertation large, fait la quasi unanimité
Mais il reste tant à faire pour prendre le virage de la transition. Il nous faut trancher et arrêter d’opposer ce qui n’est pas opposable : l’Homme et la Nature.
Il faut donc …
Faire couple entre l’Homme et la Nature
La nature est notre matrice. Sans nature, il n’y a tout simplement rien. L’impasse dans laquelle nous nous trouvons découle directement de la déconnexion entre l’Homme et la Nature, de cet acharnement à vouloir tout produire industriellement et à consommer sans aucune limite.
Il ne s’agit pas d’être « contre l’industrie » ou « contre les transports » mais plutôt d’être « pour, mais pas n’importe comment ».
Ce n’est pas être contre la voiture que de réclamer depuis des années des mesures de rattrapage fiscal sur le diesel. Enfin, le gouvernement annonce des bonnes mesures en ce sens. Il s’agit de mesures d’économie, mais aussi de protection sanitaire, qui pourront aider les industries à accélérer leur transition écologique et à créer de nouveaux emplois, mais aussi favoriser des structures plus petites mais plus nombreuses et pérennes : dans l’agriculture bio, la transformation fermière, les circuits courts, la rénovation énergétique des bâtiments, l’économie circulaire et l’ESS…
La réconciliation entre l’être humain et son environnement naturel est un impératif, une urgence. Et il s’agit surtout de la seule voie d’un vrai « développement durable »… enfin !
Ça ne signifie pas – comme je l’ai trop souvent entendu dans cet hémicycle et ailleurs – d’opposer croissance et décroissance, progrès et régression, innovation et retour à la bougie. Il s’agit de promouvoir un nouveau modèle qui construit, qui relie, qui génère et régénère ; un nouveau modèle qui ne détruit pas, qui ne pollue pas parce qu’il respecte avant tout les ressources humaines et naturelles.
Un seul exemple pour illustrer mon propos, et je sais que je vais vous surprendre, celui du biomimétisme. Le biomimétisme considère la nature comme une source illimitée de connaissance et pas seulement de matières premières qui par définition sont des ressources finies.
Le credo du biomimétisme, c’est que la nature est une bibliothèque qu’il faut lire plutôt que brûler. Dans la nature se trouvent des matériaux parmi les plus performants, notamment pour l’industrie ou la santé. La peau de requin est ainsi le meilleur revêtement anti-turbulences que nous connaissions : on trouve aujourd’hui sa structure sur l’Airbus A350. , La nacre de l’ormeau est sans doute la meilleure céramique du monde, à la base d’un blindage qu’on exploite aujourd’hui dans l’industrie aéronautique. Et enfin, le Byssus, cette fibre collante avec laquelle les moules s’accrochent au rocher : c’est la meilleure colle du monde, mais aussi le meilleur fil de suture en chirurgie.
Le biomimétisme adapté à l’industrie, c’est entre autre la « Blue Economy », où demain les usines produiront comme la nature, de façon plus rentable, sans pollution ni déchets. C’est déjà une évidence pour les chercheurs, et pour quelques entreprises pionnières.
Avec le biomimétisme, l’utopie de la réconciliation de l’Homme et de la Nature est donc réaliste, elle est déjà en marche.
Je vais maintenant vous lire une phrase dont l’auteur m’était cher et qui malheureusement nous a quitté. « Je considère que personne ne devrait être propriétaire de la terre. Elle est à tout le monde. On devrait en disposer mais ne jamais en être propriétaire ». Ce sont les mots de Michel Tarin, dont la famille est installée sur les terres de NDL depuis 1838, qui exprimait toute la douleur de voir ces terres amenées à disparaître sous le béton. Mais qui surtout exprimait la droiture paysanne et la surdité des décideurs.
Car oui, il nous faut refonder le couple démocratie représentative/société civile.
La démocratie représentative se délite. Les espaces de débat et de concertation actuels ne suffisent pas. Il nous faut trouver d’autres outils. Car, permettez-moi d’y revenir, mais ce que révèlent les oppositions, parfois violentes, engagées autour des grands projets, ce n’est ni plus ni moins qu’une absence d’écoute de ce que les populations sur les territoires concernés ont à dire, à proposer.
Bien sûr, nous sommes tous pour le respect de l’État de droit, et l’état de droit c’est d’aller au bout des recours et on en est loin – n’en déplaise à M Valls. Mais ne nous réfugions pas derrière cet argument. Comment faire vivre ce respect si tout n’est pas sur la table, si toutes les informations, toutes les propositions ne sont pas accessibles et explorées ? Quand la vérité objective démontre leur inutilité, voire leur impact négatif, soyons honnêtes et ayons le courage de dire stop aux fameux grands projets, ayons le courage d’écouter, de nous écouter et de définir ensemble ce qui relève de l’intérêt général, ce qui fait l’opportunité objective et réelle d’un projet.
S’obstiner, c’est laisser le radicalisme et la violence s’installer, creusant plus encore le fossé entre les citoyens et les politiques. L’Etat a su dire stop à l’A831. Gageons que le projet d’aéroport à Notre Dame des Landes suivra le même chemin.
Ne perdons plus de temps. Intéressons-nous à une humanité à taille réelle.
Pour terminer, permettez-moi une rapide et souriante allusion à un dernier couple…Celui que nous formions, socialistes et leurs alliés communistes et nous, écologistes, aux manettes de cette Région.
Bien sûr nous eûmes des orages… Mais nous pouvons être fiers des fruits de notre alliance !
Notre couple fut une histoire complexe et heureuse, riche et compliquée, sous la houlette parfois nerveuse mais aussi un peu rude de Jacques Auxiette – M. Le Président, cher Jacques !…
Mais ensemble, comme un vrai couple qui regarde dans la bonne direction, il est sûr que nous avons bien travaillé au service de cette Région et de ses habitants.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons beaucoup fait.
L’autre bonne nouvelle, c’est qu’il reste beaucoup à faire !