DEBAT REGIONAL ENERGIE : INTERVENTION D’EMMANUELLE BOUCHAUD

Intervention prononcée par Emmanuelle Bouchaud, vice-présidente du Conseil Régional des Pays de la Loire, en charge de l’Énergie, à l’occasion du débat régional énergie qui s’est tenu à l’Hôtel de Région, le 14 novembre 2011.

Le SRCAE, comme vient de le dire Jean-Pierre, est un nouveau cadre que l’Etat veut donner aux territoires pour définir des objectifs régionaux, dans le domaine du climat de l’air et tout particulièrement dans celui de l’énergie.

Il se trouve qu’en Pays de la Loire, nous n’avons pas attendu le Grenelle pour mener des actions !

–          En effet, en 2004, le budget pour l’énergie était d’à peine 1 million d’Euros…

–        Mais dès 2007, sous l’impulsion de la nouvelle majorité, le Plan Régional d’Economie d’Energie est adopté. Son ambition est de décliner la maitrise énergétique dans l’ensemble des politiques publiques régionales. Pour ce faire, 80 millions d’euros ont été votés pour la période 2007-2013.

–     Lors des élections de mars 2010, de nouveaux engagements ont été pris, marquant la volonté du Conseil régional d’afficher des objectifs clairs et ambitieux en matière énergétiques.

Clairs parce qu’il s’agit d’une triple mesure : 30% de consommations énergétiques en moins, 30% de gaz à effet de serre en moins et 30% d’énergies renouvelables en plus.

Ambitieux car ils sont bien au-delà des objectifs réglementaires aujourd’hui fixés par l’Europe, qui se limitent aux 3×20.

Quant à la question du nucléaire, la nouvelle équipe régionale a également inscrit qu’elle ne voulait pas d’implantation de centrale nucléaire sur son territoire. Et en juin dernier nous avons voté un vœu qui dit notamment  que le Conseil régional des Pays de la Loire demande au gouvernement :

  • la tenue d’un véritable débat sur la stratégie énergétique de la France abordant toutes les questions, sans tabous, qu’il s’agisse de la question de la probabilité du risque, de la dépendance énergétique, du coût réel des différentes énergies, ou des modalités d’une transition énergétique. Ce débat conduira la France à envisager une sortie progressive du système actuel, et à un abandon programmé du nucléaire.

Nous voyons bien par ce bref historique le chemin déjà parcouru en Pays de la Loire.

C’est donc sur ces orientations que nous devons nous appuyer pour maintenir notre cap : assurer la transition énergétique de notre région.

 

En février, l’urgence de cette transition est devenue plus prégnante pour un grand nombre de français, à qui l’annonce du drame de Fukushima rappelle douloureusement les risques qu’ils encourent, dans un pays dépendant à 75% du nucléaire pour sa production électrique. Les sondages sont sans appel : 77% d’entre eux sont alors favorables à une sortie du nucléaire, qu’elle soit rapide ou sur 25/30 ans[1]

Mais, cette transition, faut-il le rappeler, est aussi indispensable pour répondre

–          à la fin d’un pétrole et des matières premières bon marché, aujourd’hui incontestée par nombre d’experts

–          au réchauffement climatique, lui aussi incontesté maintenant par l’ensemble des experts et des politiques.

 

Pour le conseil régional, cette transition énergétique se décline tout d’abord par un volontarisme fort d’agir pour l’efficacité et la sobriété, énergétiques.

 

La première action que je citerai à cet égard n’est pas un dispositif d’aide mais celle qui concerne le propre patrimoine régional à savoir l’ambitieux programme planifié par mon collègue Matthieu Orphelin, vice président à l’éducation qui consiste à améliorer la performance énergétique des 120 lycées de notre région.

Programme qui découle d’une volonté politique forte. Ceci a nécessité des arbitrages lourds, la mise en œuvre de moyens importants (78 millions sur 6 ans), des objectifs clairs déclinés avec pragmatisme.

 

Mais le patrimoine régional reste, malgré tout, une part infime des bâtiments du territoire ; c’est pourquoi, les aides à la maitrise de l’énergie (via le financement de diagnostics et de travaux) ont été renforcées :

–          vers les particuliers : plus de 3000 foyers ont été soutenus depuis septembre 2009 pour un montant total de 13,8 millions d’€.

–          L’aide à la réhabilitation du parc locatif social (16,5 millions depuis 2009) a, elle aussi, été revue dans ses critères d’attribution et également complétée par le soutien aux bailleurs privés, pour un montant de 11 millions depuis début 2010

–          Enfin, ce sont 3 millions qui ont été alloués depuis 2010 pour 150 équipements publics.

 

En outre, si l’efficacité énergétique concerne majoritairement la question du bâti, il nous faut aller chercher bien au-delà, les économies d’énergie. Tous les secteurs seront touchés par la hausse du cout des matières premières et il nous faut nous en prémunir dès aujourd’hui.

C’est pourquoi une nouvelle délégation consacrée aux éco-filières, et pilotée par Geneviève Lebouteux, a été créée en mars 2010.

 

L’idée de faire des économies d’énergie doit être vue sur le long terme et nécessite des dépenses immédiates pour pouvoir réaliser ensuite des économies financières. Pour faire le parallèle, un ménage qui décide la réhabilitation de son habitation pourra faire baisser sa facture énergétique de 20 000 € sur 20 ans !

De la même manière, il est de notre responsabilité publique de faire les bons choix pour économiser demain. Aussi, une évaluation de l’ensemble des politiques publiques, au regard des 3×30, va être amorcée afin que nous puissions réajuster nos actions si nécessaire et dès que possible.

 

Toutefois, bien que l’efficacité énergétique soit un préalable indispensable, nous savons aujourd’hui qu’il ne sera pas suffisant pour atteindre les objectifs fixés. Nous devons être plus ambitieux encore et nous lancer dans la lutte contre le gaspillage énergétique.

En effet, un français consomme aujourd’hui 2.500 kWh en moyenne dans le résidentiel, contre 1.700 pour un Allemand[2]. Soit 30 % de plus, nous avons donc des marges de progression très importantes…

Or la sobriété énergétique est la condition sine qua non d’un accès pour tous à une énergie saine et utilisée de manière juste.

Cette prise de conscience est la première étape des changements de comportements à adopter tant au niveau individuel que sociétal.

Accompagner les initiatives citoyennes telles que Virage Energie Climat, qui vous sera présentée tout à l’heure, est de notre responsabilité. En effet, le travail ici fourni, dont je souhaite saluer la qualité et l’expertise, montre que des citoyens sont prêts au changement, qu’ils le modélisent même, se l’approprient pour mieux se préparer à de nouvelles conditions de vie.

Accompagner les initiatives mais aussi irriguer, informer sur ce thème pour peut-être faire émerger de nouvelles actions : c’est le sens du colloque « Les citoyens et l’énergie : usages, comportements et marchés » que le conseil régional organise et qui aura lieu le 2 décembre prochain.

 

Si au niveau des citoyens, la transition énergétique est en marche, elle l’est tout autant dans le secteur industriel où elle est vue comme une véritable opportunité de conversion et de diversification de l’activité.

Et d’ailleurs la reconversion écologique de l’économie est indispensable à toute action d’économies d’énergies d’ampleur et au développement des énergies renouvelables.

 

Par exemple pour reprendre le cas de l’aide régionale aux particuliers citée plus haut, cela crée un effet de levier important puisque ce dispositif a généré 68 millions de travaux. Travaux d’isolation par l’extérieur, de pose de chaudières bois, de pose de panneaux solaires thermiques etc… qui nécessitent forcément un nouveau savoir-faire des professionnels du bâtiment et une formation ad hoc. Il faut également souligner que ce sont autant de réalisations effectuées par des artisans locaux et donc activité non délocalisable.

 

Dans un autre domaine, qui fait régulièrement l’actualité, celui des Energies Marines Renouvelables, nous voyons concrètement jour après jour, comment une reconversion industrielle se traduit et se décline localement.

Concernant l’éolien off-shore, voilà maintenant deux ans que le conseil régional joue son rôle de fédérateur aux cotés de ses partenaires, publics et privés.

Nous nous sommes engagés et avons bataillé pour la défense des projets des zones d’éoliennes au large de nos côtes.

Nous nous sommes engagés sur le développement d’une ingénierie et d’une offre de formation liées aux énergies marines.

 

 

Nous nous sommes engagés par un soutien massif aux projets de recherche et développement liées aux énergies marines renouvelables avec notamment le centre d’essai au large du Croisic.

 

Nous nous sommes engagés par un appui aux stratégies de diversification conduites par les industriels.

Entre les aides accordées au projet Technocéan, à SEM REV, pour le site bord à quai, aux projets de diversification de STX et à Alstom, c’est au total 95 millions que le conseil régional consacrera à l’horizon 2025 pour la filière des énergies marines.

Il faut savoir que la filière éolienne off shore à elle seule générera à terme environ un millier d’emplois.

 

 

Parallèlement, nous souhaitons que continuent à vivre et à se développer les autres filières d’énergies renouvelables.

Au niveau du photovoltaïque, après avoir aidé financièrement la pose des panneaux, nous soutenons maintenant les professionnels malmenés par les nouveaux dispositifs du gouvernement actuel.

D’ailleurs les données sur le potentiel photovoltaïque en région Pays de la Loire montre à quel point le contexte administratif et financier est capital pour le développement de la filière.

En effet, pour la production chez les particuliers, nous avons un potentiel physique et technique très important en région PDL qui peut atteindre 1800 MW à l’horizon 2020. Mais si on projette ce qu’il se passe de puis les modifications réglementaires du gouvernement, c’est à dire la baisse significative de demandes de raccordement depuis le début de l’année, on descend à un dixième de ce potentiel.

(Si on se base sur l’évolution des raccordements qui ont eu lieu entre 2006 et 2010 ce potentiel descend à une puissance de 1241 MW mais avec le système tarifaire actuel, on n’atteint plus que 180 MW à l’horizon 2020 étant donné la baisse spectaculaire de demandes de raccordement depuis le début de l’année).

 

Autant dire que le contexte actuel est très loin des beaux discours que l’on peut entendre sur le développement des énergies renouvelables et ne va pas dans le sens d’une conversion écologique de l’économie. Cette conversion écologique de l’économie doit se faire sur des orientations politiques fortes et claires qui assument des choix budgétaires pris en toute transparence.

Il en est de même pour l’éolien terrestre. Nous avons mis en place avec d’autres une formation pour la maintenance éolienne terrestre. Mais il faut que les implantations de parcs puissent se faire alors qu’aujourd’hui beaucoup de ces projets ont été rendus impossible par, c’est un comble, la loi Grenelle 2.

Il faut que l’éolien terrestre puisse se développer comme le off-shore.

Ce n’est pas l’un ou l’autre mais l’un et l’autre.

Ce qui se passe dans le domaine des EMR montre à quel point le domaine des énergies renouvelables est porteur. C’est un secteur d’avenir pour une industrie morose, victime des délocalisations massives. Le potentiel de développement économique et de création d’emplois dans les renouvelables de façon générale est considérable et surtout il correspond à une activité soutenable qui peut réconcilier l’activité humaine avec son environnement.

 

Bref, pour conclure, nous connaissons aujourd’hui les données du problème. Ce diagnostic fait l’objet d’un assez large consensus. Dans ce cadre, nous avons souhaité que le conseil régional soit un acteur de premier plan et que notre rôle, au-delà, de nos propres actions, soit de fédérer. C’est pourquoi nous organisons ce type de débat. Je fais le vœu qu’aujourd’hui soit la première étape vers un projet de territoire soutenable, en terme énergétique, et surtout partagé et défendu par tous.


[1] Sondage IFOP pour le Journal du Dimanche, effectué du 1er au 3 juin auprès d’un  échantillon de 1.005 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

[2] Selon les calculs réalisés par Bernard Laponche dans un rapport intitulé « La consommation d’énergie en Allemagne et en France »

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