Concertation « Refondons l’école », gardons l’ambition initiale !

Matthieu ORPHELIN, 15ème vice-président du Conseil Régional. Président de la commission Education - apprentissage.

Où est-en l’école ? Elle sort de 10 ans de casse méthodique et organisée par les gouvernements de droite. Les chiffres parlent d’eux même : 80 000 postes d’enseignants supprimés depuis 2002, avec une accélération depuis 2007 (- 16 000 par an). Mais, encore plus grave que ce triste bilan comptable, l’État Sarkozy/Fillon a eu une conception dégradante de l’éducation, considérée seulement comme un coût et pas comme un investissement nécessaire pour l’avenir de nos jeunes et de notre pays. Il a ignoré la gravité de la situation, et notamment le fait que le système scolaire français se dégradait et augmentait même les inégalités sociales au lieu de les réduire. Il a également réduit à néant le dialogue social, préférant la défiance avec les organisations syndicales et les acteurs de l’école. Il était urgent de changer, tout le monde en était conscient dans les établissements scolaires.

Mais comment veut-on concrètement faire évoluer l’école? Peut-on y arriver ? Et de quelle manière ? C’est toute l’ambition de la concertation « Refondons l’école de la République » qui est en cours. Les groupes de travail viennent de tenir leurs dernières réunions ; le rapport final, qui servira de base pour la loi de refondation, sera remis à Vincent Peillon mardi 9 octobre. Quelles sont, à ce stade, mes impressions d’élu local impliqué sur cette concertation ?

D’abord soulignons la réussite de la méthode, inhabituelle par son ampleur, son rythme –soutenu-, la volonté de traiter tous les thèmes. Ce n’est pas une concertation « de plus », une concertation « en trop ». Elle était essentielle. Les réunions ont associé l’ensemble des acteurs et se sont déroulées de manière constructive. Vouloir concerter n’est cependant pas simple, surtout sur l’éducation. Des difficultés ont parfois émergé, notamment en raison du nombre de participants (entre 60 et 80 par réunion) ou du manque de temps d’appropriation commune des sujets précis abordés sur chaque séance. Les postures globales et défensives de certains n’ont pas facilité les choses. Il faudra de l’énergie pour faire évoluer le système éducatif. Mais, j’ai eu le sentiment que, pour la majorité des acteurs, le temps (et la satisfaction) de l’écoute, de l’échange, de la construction commune, était revenu, après des années noires où l’affrontement et le dialogue de sourds était la règle. C’est déjà un point très positif à mettre au crédit de cette concertation.

Sur certains sujets, la « culture commune » doit encore progresser et le débat doit sortir des caricatures. Sur la valorisation de l’enseignement professionnel, les échanges ont parfois été trop simplistes. Comment dépassionner le débat ? Prenons un exemple qui nous tient à cœur en Pays de la Loire : l’équilibre et de la complémentarité entre lycées professionnels et apprentissage. Cette idée simple est pourtant difficile à partager, tant pour certains interlocuteurs l’apprentissage apparaît comme un repoussoir, et pour d’autres une solution miracle. Les lycées professionnels ne sont pas de gauche, l’apprentissage et l’alternance n’est pas de droite. Il faut « dépolitiser » cette question de l’enseignement professionnel.

La décentralisation fait peur et c’est dommage. Je souhaite un rôle renforcé des collectivités locales sur certains sujets stratégiques comme le pilotage du service public d’orientation ou de la définition de la carte des formations. Oui, j’ai affirmé avec force que prendre en compte les gisements d’emplois durables d’un territoire régional comme un paramètre parmi d’autres dans le processus complexe de l’orientation n’est pas de l’utilitarisme forcené mais un atout supplémentaire pour les jeunes. Oui, je pense qu’il faut sortir du flou et de l’absurdité actuelle qui fait que le rectorat décide des ouvertures de classes en lycée, la Région décidant de celles en apprentissage. Oui, je suis convaincu que la lutte contre le décrochage doit trouver des réponses dans les établissements de nos territoires, et que les collectivités doivent apporter leur appui à l’État pour y parvenir. La territorialisation, la décentralisation, ce n’est pas renoncer à l’équité, bien au contraire.

Tout ne s’invente pas à Paris, partons des expériences de terrain. La réussite des débats régionaux ou départementaux, a montré la formidable énergie des territoires où chacun veut participer à la refondation du système éducatif. La multitude des initiatives existantes ou passées, des réussites et des échecs, constitue un précieux gisement commun de bonnes pratiques. Il est pour l’instant trop peu exploité. Il y a un enjeu majeur à mieux faire partager ces expériences. Sur le déploiement du numérique et de ses nouveaux usages, sur les dispositifs de soutien aux familles, sur la lutte contre le décrochage scolaire, … ne repartons pas de zéro chacun dans son territoire, ne ré-inventons pas tout

Enfin, il reste encore parfois du chemin pour sortir des raisonnements traditionnels, et pour considérer enfin, collectivement, l’éducation dans sa globalité. Ainsi, sur la thématique « vie scolaire et citoyenneté », les travaux se sont limités aux aspects de l’ordre scolaire, du règlement intérieur, sans poser la véritable question plus large : comment accompagne-t-on enfin le jeune à devenir citoyen, à se préparer à être acteur de la société, acteur du monde ? Idem sur la volonté de faire une école attentive à la santé des élèves, la réflexion a été très axée sur les rythmes et sur la médecine scolaire ; d’autres sujets aussi importants ont été quasiment éludés : la relation alimentation/restauration scolaire durable/santé – ou encore la nécessité de soutenir les actions de prévention santé, notamment celles portées par les élèves ou par les équipes éducatives.

Cette concertation est, malgré ces points d’amélioration, une belle réussite. Elle aura permis de retisser la confiance, de repartir sur une logique positive, de poser des bases nouvelles, de remettre la jeunesse au cœur du débat. Nous ne sommes qu’au début, faire bouger les lignes demande de l’énergie, mais cette énergie collective est bien là.

 Matthieu ORPHELIN,

Vice-Président de la Région des Pays de la Loire en charge de l’éducation et de l’apprentissage.

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