BS 2011 : Intervention générale par Jean-Philippe Magnen
Intervention générale de Jean-Philippe Magnen, président de la commission Emploi – Formation continue et Métiers de demain, prononcée le 30 juin 2011, lors de la séance plénière du Conseil Régional des Pays de la Loire consacrée au Budget Supplémentaire 2011.
Une hirondelle ne fait pas le printemps, c’est le titre d’un article du magazine Alternatives Economiques du mois de juin pour nous dire que la crise n’est pas finie.
En effet, malgré la hausse de l’activité industrielle (les carnets de commande se remplissent, le taux d’utilisation des capacités de production est à un niveau de 87%, taux le plus élevé depuis 3 ans ce dont nous nous réjouissons bien sûr) et la légère hausse de l’emploi salarié privé (1,6 % sur un an en Pays de la Loire), nous sommes encore loin d’être sortis de la crise. Le plan de relance a eu son effet relatif mais le plan de rigueur, l’augmentation des prix des matières premières et la crise agricole actuelle n’augurent rien de bien positif. Pour récupérer sur leurs marges fortement diminuées depuis 2008, les entreprises et les industries notamment qui voient leur activité de nouveau s’accroitre vont vouloir augmenter leur productivité, c’est-à-dire faire plus avec moins d’emplois… A cela, nous ajoutons, « rigueur oblige », l’impact de la réforme de la retraite, le non-renouvellement d’1 fonctionnaire sur 2, la disparition des dispositifs d’accompagnement des salariés suite à un licenciement économique, baisse drastique des contrats aidés… Les économistes estiment qu’en 2011 et 2012 le nombre de postes vacants pourrait augmenter de 130 000, et c’est tant mieux ! Mais les mesures gouvernementales que nous venons d’évoquer ne font qu’augmenter le nombre de personnes actives en recherche d’emploi, les mêmes économistes estiment qu’elles seraient 150 000 de plus en 2011… Le taux chômage est donc loin de diminuer ou même d’être réellement stabilisé… La crise économique et financière nous a entrainés dans une spirale infernale que nous aurons du mal à enrayer si l’on ne change pas radicalement nos modes de production et de consommation, si l’on n’investit pas pleinement sur les activités d’avenir et si nous n’opérons pas une refonte complète de notre système économique, fiscal et financier spéculatif. Or aujourd’hui, notre gouvernement joue les girouettes, les priorités et les objectifs changeant à chaque nouvelle statistique, chaque action lobbyiste, je pense notamment à la question énergétique ou agricole. J’en veux pour preuve les annonces récentes et contradictoires du gouvernement ; je pense notamment à l’autorisation sur l’utilisation du Cruiser
Cette rigueur imposée ne répond pas à l’urgence et montre déjà des effets pervers à moyens termes. Elle impacte directement les collectivités qui se retrouvent dans une situation financière extrêmement contraignante.
Alors à partir de cela, dans quel contexte avons-nous à examiner ce budget supplémentaire ? Nous sommes dans une situation financière très contraignante : la baisse des dotations de l’Etat (- 6 M€ sur la prévision initiale) était prévisible. Un rappel alors : lors du DOB, Thierry Pradier avait proposé d’augmenter à 37 euros/cheval fiscal les cartes grises au lieu des 35 que nous avons finalementt décidés. Nous aurions dégagés ainsi près de 17 millions€ supplémentaires. C’était bien entendu en prévision de cette baisse de dotation à laquelle malheureusement nous devions nous attendre de la part du gouvernement, une manière de pousser à la fois l’achat de véhicules propres (exonérés) mais aussi en prévision d’une situation financière et économique nationale qui ne s’améliorerait pas – certes c’est la crise mais c’est aussi la question cruciale de la réforme fiscale importante portée par le gouvernement. Les régions sont particulièrement touchées par cette réforme. Il nous faut donc inventer une autre fiscalité, plus juste, plus équitable et en lien direct avec les grands défis de notre société et notamment la multiple crise sociale, environnementale, économique et financière que nous vivons. C’est d’ailleurs le sens de la proposition de loi d’avril 2009 des députés Europe Ecologie Les Verts sur la « contribution climat-énergie »
Dans ce contexte, la stratégie régionale est sage. Elle porte à 3,1 années la capacité de désendettement et à 299 M€ l’épargne brute. Solidité de la région. La région a décidé de maintenir son cap d’investissements malgré les contraintes qui pèsent. Et on peut féliciter notre rapporteur du budget et les services de ce travail fin, intelligent et réaliste.
Au-delà du maintien du cap des investissements, la stratégie de ce BS porte sur les
choix de ces investissements en lien direct avec les orientations des schémas régionaux: cohérence, donner du sens aux choix et respecter nos engagements électoraux.
On pourrait cependant penser que ces 3,1 années de capacité de désendettement sont presque trop prudentes par rapport à la moyenne des régions françaises et que l’on pourrait prendre un peu plus de risques en termes d’investissements notamment dans le sens de la transformation écologique de l’économie et de l’urgence à mettre en œuvre la transition. Urgence, notamment énergétique, relevée dans les schémas et plus particulièrement le SREED. C’est un équilibre à trouver entre ce redéploiement des dépenses de fonctionnement que nous avons entamé et un investissement un peu plus poussé encore sur nos priorités. Plus d’investissement entraine immédiatement plus de fonctionnement c’est vrai. Mais c’est aussi à moyen et longs termes la garantie d’économies directes. Par exemple, c’est le cas sur les charges des lycées dans le cadre de leur rénovation thermique. La région, lors du BP, a décidé de maintenir le cap et même augmenter légèrement ses autorisations de programme, mais face à l’impératif de mutation, il nous faut aller plus vite.
C’est donc un budget empreint de responsabilité et cela d’autant plus qu’il est accompagné du schéma directeur de la dette. La région a su éviter les emprunts toxiques alors que d’autres collectivités sont prises à la gorge et ont été piégées. Et la charte déontologique est un pas supplémentaire, notamment avec l’intégration de critères sur la question des Paradis fiscaux judiciaires mais j’y reviendrai.
Je voudrais souligner parmi d’autres quelques points, quatre, qui démontrent de la responsabilité de la région et de la prise en compte des grands enjeux sociétaux :
o le plan bio : un rappel d’abord pour chasser les idées reçues : la bio peut nourrir le monde. C’est une question de répartition et d’adaptation des ressources. Face à un gouvernement qui continue de soutenir une agriculture à bout de souffle, destructrice et inégalitaire, la région sait répondre par un rapport d’orientations sur l’agriculture biologique qui marque un changement de posture, une volonté de mettre en œuvre la transformation écologique et sociale sur le secteur agricole. Ainsi, notre ambition est claire : doublement des surfaces agricoles utiles en bio, aides à l’installation, conseil et accompagnement et enfin nous nous réjouissons qu’enfin la question du foncier soit prise en compte.
o la charte déontologique dans son ensemble et notamment l’article 6 (garanties déontologiques des partenaires). Cet article a été porté à bout de bras par le groupe EELV via notre collègue Sophie Bringuy, sur le même principe que ce qui a été voté en IDF il y a un an. Pour notre groupe, il était indispensable que cette question soit intégrée et que cette charte passe par une délibération. Il est en effet de notre devoir de participer à la lutte contre la criminalité internationale et contre l’emprise financière de quelques uns sur notre économie. La délibération qui valide cette charte est loin d’être symbolique, c’est un signal politique fort au gouvernement français vis-à-vis de sa gestion de la crise financière.
o la troisième mesure qui a retenu notre attention ce sont les 2 000 000€ en faveur de la réhabilitation thermique des logements sociaux : même s’il est difficile d’estimer les gains énergétiques directs, on peut estimer qu’après travaux, la consommation d’énergie et les émissions de CO2 seront divisées par 2 : un gain financier pour les ménages, un gain environnemental pour la planète, de l’activité économique supplémentaire pour le secteur du bâtiment plus particulièrement. Les travaux de ce type touchent ainsi à la solidarité, à la lutte contre la crise énergétique et climatique, bénéficient à notre économie en créant de l’activité et des emplois. C’est la transformation écologique en acte qui crée des emplois dès aujourd’hui. Une preuve également que l’éco-conditionnalité porte ses fruits…
o enfin, la quatrième mesure que je souhaitais évoquer est le renforcement des fonds propres des entreprises et notamment ESS (+500 000 € Fonds de capital solidaire « pays de la Loire solidaire2 » ou encore le nouveau dispositif d’aide aux salariés-associés (aide à la constitution de capital social d’une SCOP ou SCIC) + 300 000€ donc pour la reprise en SCOP par les salariés.
Comme vous le voyez, nous sommes globalement satisfaits des orientations prises par ce BS. Mais il reste encore un point, une verrue dans ce paysage, je parle bien évidemment de Notre dame des Landes. Le conseil régional va accorder une subvention, et je dis bien subvention, alors que nous avons tant à faire ailleurs : économie maritime, conversion de l’industrie, agriculture durable…
Nous avons en plus de notre opposition connue d’autres sujets d’inquiétudes : on gaspille plus 40 M€ en avances remboursables ou plutôt dites remboursables car en effet quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur ce remboursement ? A l’examen du contrat de concession entre l’Etat et Vinci, il est impossible de voir comment les collectivités pourront être remboursées et quand ? Nous sommes donc très inquiets sur le montage financier qui est proposé mais ma collègue samira El Alaoui vous le détaillera demain.
Le dégagement de ces 40M ne signe pas la fin des débats. Les 8, 9 et 10 juillet vous le savez, le territoire de NDDL sera de nouveau en résistance. Le 09 juillet c’est l’ensemble du conseil fédéral national d’Europe-Ecologie qui sera délocalisé et présent sur le site, Cécile Duflot, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie les Verts, sera également présente. Nous marquerons une nouvelle fois notre détermination sans fin.
NDDL n’est pas seulement une infrastructure, c’est le symbole d’une politique de développement dépassée et bien trop coûteuse face aux urgences de solidarité, face au défi énergétique qui exige de dégager des moyens importants. Et je reprendrais pour cela vos mots, Monsieur le Président, dans un document publié dernièrement dans la presse : « La catastrophe de Fukushima a relancé le débat public sur l’énergie. Je pense que l’issue de ce débat conduira la France à envisager une sortie progressive du système actuel et à un abandon programmé du nucléaire» : nous faisons nôtres ces propos.
Il s’agit bien là de choix énergétiques qui passent par un développement massif des enr. Le gouvernement s’était engagé avec le Grenelle sur une production de 6000 MégaW en éolien off-shore à l’horizon 2020. Les investissements annoncés ne représentent au final que 3000 MW… incohérence, inconsistance, insouciance de l’Etat face aux enjeux. Les 2 parcs éoliens que nous espérons représentent une production d’environ 1200 mégaW, soit près de 17% de la consommation de la Loire-Atlantique, industries comprises et un peu plus en Vendée. L’Etat saura-t-il répondre à cette exigence et à l’impératif d’investissement ? Nous pouvons en douter.
Ces choix énergétique passent aussi par la sobriété, en faisant évoluer nos comportements consommateurs vers maitrise puis la baisse radicale de nos consommations ; cela passe bien sûr en grande partie par l’efficacité énergétique (et je reprends comme exemple les rénovations thermiques des logements et des lycées) et donc l’innovation technologique au service de l’écologie
Le travail est immense mais porteur d’espoir tant sur les questions écologiques mais bien évidemment aussi sur l’emploi, l’innovation, la recherche, la réindustrialisation.. Et chassons une nouvelle fois les idées reçues : plus d’écologie ce serait moins d’industrie, comme si nous étions opposés à l’industrie. Bien au contraire, la nécessité de développer les énergies renouvelables par exemple permet la réindustrialisation. Il nous faut concentrer nos moyens sur ce défi
Cette nouvelle voie que cette année nous commençons à prendre ensemble dans notre diversité est à explorer : les schémas comme ce BS nous le montrent enfin concrètement. Je voudrais terminer, Monsieur le Président, cher-es collègues, et ce n’est pas mon habitude par une citation d’Edgar Morin dans son ouvrage La Voie : « Tout est à réformer, tout est à transformer. Mais tout a déjà commencé sans qu’on le sache encore. Des myriades d’initiatives fleurissent un peu partout sur la planète. Certes, elles sont souvent ignorées, mais chacune, sur sa voie, apporte reliance et conscience. Travaillons à diagnostiquer, à transformer. Travaillons à relier, toujours relier ».
Je vous remercie
Jean-Philippe MAGNEN