A Bruxelles pour découvrir la politique de la pêche et les institutions européennes
Chaque député européen peut inviter jusqu’à 100 personnes chaque année à Bruxelles. La plupart invitent surtout des scolaires, ce qui est intéressant pour former la culture européenne de la jeune génération. Quand ce sont des adultes engagés qui sont invités c’est très intéressant aussi (1).
Cette fois, j’ai bénéficié de l’invitation de Catherine Grèze, euro-députée Europe Ecologie de la région Sud Ouest (Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées). Elle a invité des militants associatifs, politiques et professionnels sur le thème de la politique européenne de la pêche (2). Nous étions une vingtaine pour une journée à dans les bâtiments de l’Union européenne, le 27 octobre. Je fais partie des conseillers régionaux qui siègent dans les instances régionales sur la pêche et donc intéressée.
La pêche illégale et les bancs de maquereaux à la Commission pêche
Nous avons participé à une réunion de la Commission pêche. Isabella Lövin, euro-députée Verte de Suède, présentait un rapport d’initiative parlementaire pour combattre la pêche illégale dans le monde. Celui-ci a été apprécié et la représentante de le Commission européenne a dit tout son intérêt : il va donc être repris par les services pour déboucher sur des décisions.
Par ailleurs, le Ministre des affaires étrangères des îles Féroé (3) était présent pour justifier la décision de son gouvernement d’augmenter unilatéralement le quota de pêche des maquereaux : « il y a eu de grands changements dans les mouvements de ces poissons et maintenant on en trouve beaucoup plus dans nos eaux. » D’accord pour discuter avec la commission européenne mais il faut d’abord lancer de nouvelles études pour voir où sont les stocks de poissons… qui n’arrêtent pas de bouger ! Bref j’ai compris que c’est un jeu pour gagner du temps…
A savoir : les décisions de l’Union européenne sur la pêche se prennent par co-décision entre la Commission (fonctionnaires) et le Parlement (députés), sauf pour les quotas qui sont décidés par le Conseil européen (les chefs d’Etat) : sujet stratégique !
Tout sur l’anguille !
Nous avons ensuite rencontré Isabella Lövin et le collaborateur des élus écologistes spécialiste de la pêche. Isabella est une journaliste qui, à la suite d’une enquête sur la pêche en Suède, s’est rendu compte qu’un désastre majeur de disparition des poissons était en cours, que les acteurs et décideurs étaient au courant et que tout le monde se taisait. Elle a écrit un livre (4) sur le sujet et les Verts de Suède l’ont sollicitée pour être sur leur liste aux élections européennes. Elle suit donc particulièrement ce domaine au parlement européen. Elle a créé un site pour suivre la politique commune de la pêche de l’UE, plein d’informations, en plusieurs langues : www.cfp-reformwatch.eu
Pour illustrer la disparition en cours des espèces de poissons, nous avons eu un exposé sur l’anguille (99 % du stock disparu en 30 ans). C’est une espèce peu favorisée par son cycle de reproduction : se reproduit à l’âge de 30 ans après avoir fait deux traversées de l’Océan Atlantique ! En outre, sa chair est appréciée à l’âge très jeune (civelles).
Les enjeux sur la pêche sont énormes pour l’Union européenne. En Europe, les mers sont vidées de leurs poissons du fait des pêches excessives. 70 % des poissons consommés dans l’UE sont importés. L’UE est le 1er marché mondial de poissons et le 2e pêcheur mondial. Il n’y a pas eu de débat public sur le sujet. Les journalistes sont pour l’instant très mauvais (le site internet d’Isabella leur est particulièrement destiné).
La nécessité de réduire la pêche
La vision des écologistes sur la pêche est la suivante : la pêche soit être réduite, parfois jusqu’à 50 %. La flotte doit être réduite de 50 % (dans notre région, le mouvement de réduction de la flotte et du nombre de pêcheurs est en cours depuis plus de 10 ans… cela veut sans doute dire qu’il doit encore se poursuivre…). Il faut décider ce qui doit rester/partir pour une pêche soutenable : critères environnementaux et sociaux ; quotas ; meilleurs pratiques ; critères de contribution à la consommation humaine (et non aux poissons d’élevage carnivores) et de contribution à l’économie locale ; développement des pays du Sud.
Nous avons aussi rencontré un fonctionnaire de la Commission, spécialiste de la pêche. En 2011, l’UE lancera un travail pour une réforme de la politique de la pêche (pour 2012, tous les 10 ans). Plusieurs problèmes sont sur la table : les quotas et leur fonctionnement, les rejets, la chaine des intermédiaires, le pouvoir donné aux régions…
La sécurité alimentaire et José Bové
Nous avons assisté à une petite partie d’une réunion de la commission Agriculture où se discutait un rapport sur la sécurité alimentaire présenté par José Bové. J’ai capté quelques informations.
En Europe et aux USA, 50 % des produits agricoles sont détruits avec le mode de consommation-gaspillage. Il faut donc être assez critique avec la position de la FAO qui annonce le besoin d’accroitre la production alimentaire de 70 %. Il convient de beaucoup mieux utiliser et partager nos ressources et de rendre notre agriculture moins dépendante du pétrole.
L’Europe doit trouver des réponses pour empêcher la spéculation sur les prix de l’alimentaire. Si la prochaine PAC n’est pas interventionniste, on aura de nouvelles crises.
Un peu de sens dans la complexité des institutions européennes
Nous avons eu une présentation des institutions européennes, pas inutile. Dans l’UE il n’y pas de séparation stricte du législatif et de l’exécutif (et même pas de séparation du tout me semble-t-il), mais chaque institution représente un intérêt particulier :
– La Commission européenne (plus de 20 000 fonctionnaires, ce qui n’est pas si énorme comparé à nos pays) représente l’intérêt général : monopole de l’initiative des propositions de lois, responsable de l’exécutif. Toutes les propositions de la Commission doivent obtenir le consensus des 27 Commissaires avant d’être proposées au Parlement. Les 27 Commissaires ont un mandat de 5 ans et sont choisis par les gouvernements.
– Le Parlement européen représente l’intérêt des groupes politiques. Les parlementaires travaillent en commissions thématiques et celles-ci peuvent faire des rapports d’initiative parlementaire (cf celui sur la pêche illégale). Il devient très difficile à la Commission européenne de ne pas en tenir compte.
– Le Conseil de l’Union européenne (5) (les ministres des différents pays) représente l’intérêt des pays.
A retenir enfin :
– le droit d’initiative citoyenne : une pétition recueillant 1 million de signatures, celle sur les OGM qui a recueilli le million de signatures (6) , sera la première examinée par la Commission.
– les pétitions sans nombre fixe mais relatives au non respect de la législation européenne, sont possibles. Une récente concernant les marais de Guérande a été jugée recevable et passe au tribunal prochainement (7).
Conseillière régionale, membre de la Commission du développement et des activités économiques, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, membre de la Commission permanente.
(1) Dans la précédente mandature, Marie Hélène Aubert avait invité des militants pour la sauvegarde de Notre Dame des Landes, qui ont pu rencontrer des membres des commissions Transports et Environnement.
(2) Précédemment, elle avait invité des personnes engagées dans le soutien aux Roms, avec notamment une rencontre avec l’euro-députée de notre région, Nicole Kiil-Nielsen
(3) Ces îles appartiennent au Danemark. Depuis 1948, elles ont un gouvernement autonome dans toutes les affaires à l’exception de la Défense.
(4)« Mer silencieuse », ed Ordfront, cf article du Monde :
http://isabellalovin.com/wp-content/uploads/2008/08/isabella-le-monde-2008-08-20.pdf
(5) Ne doit pas être confondu avec Conseil européen (chefs d’Etats) ou Conseil de l’Europe (organisation intergouvernementale qui chapeaute la Cour européenne des doits de l’homme).
(6) Lire l’article: « La premieère initiative citoyenne a atteint le million de signatures.
(7) Lire l’article: « Contournement autoroutier d’Orléans et marais salants de Gurérande »