Session du Conseil régional du 18 novembre 2014 : Intervention liminaire de Pierre Pommarel
Par nicole rouaire le mardi 18 novembre 2014, 10:07 - Voeux, discours, communiqués - Lien permanent
Monsieur le Président, mes chers collègues,
« Nous donnons l’impression de ne plus porter un projet politique. Bien sûr être de gauche, c’est bien gérer l’argent public, maîtriser dettes et déficits. Mais aujourd’hui le moyen est devenu le but. Le cap est devenu une succession de courbes et de chiffres, 50 milliards, 41 milliards, 3%... Les Français ne voient plus à quoi servent leurs efforts ».
Oui Monsieur le Président, vous avez raison d’être enfin sorti du bois vis-à-vis de la politique du gouvernement, en cosignant la contribution de Martine Aubry à laquelle je viens de faire référence et en dénonçant « les vieilles recettes libérales, les reculs dont l’effet sur l’emploi est au mieux insignifiant, au pire inexistant. »
L'effet pour les collectivités est catastrophique, elles qui réalisent 70% de l’investissement public et à qui l’Etat ponctionne sans discernement 17 milliards d’euros de recettes au total sur la période 2015-2017, dont 440 millions par an aux Régions, elles qui ne représentent pourtant qu’1% du déficit de la France, elles qui subissent des transferts de charges mal compensées, et dont l’autonomie financière est réduite à la portion congrue, la faute à une réforme fiscale d’envergure passée aux oubliettes.
Oui Monsieur le Président, « pour ne pas faire rimer baisse des dotations et paiements en cessation », comme le souligne l’ARF, les Régions ont besoin de moyens financiers et de leviers fiscaux en cohérence avec leurs compétences principales, à commencer par les Transports, faute de quoi nous continuerons de foncer un peu plus chaque jour dans le mur en assistant à l’abandon, l’incurie et le sous-investissement de l’Etat en faveur du Rail. En témoignent encore dernièrement les tergiversations, les maladresses et les faux-fuyants autour du versement transport interstitiel dont les recettes auraient pu bénéficier dès janvier 2015 aux Régions, et d’autre part, les montants inacceptables pressentis pour l’Auvergne dans le cadre du CPER.
Avec des montants aussi faibles et la priorité donnée à la route, notre Région risque de devenir rapidement un cul-de-sac ferroviaire.
Oui Monsieur le Président, vous avez également raison de déclarer dans la Montagne « qu’il faut aider les entreprises qui s’engagent pour l’emploi et pour l’innovation, pas pour celles qui distribuent des dividendes ». Dès lors, une question se pose : pourquoi n’entendez-vous pas votre majorité quand elle tient le même discours et passe des paroles aux actes ?
En décembre dernier pour la Session budgétaire, notre groupe avait déposé un amendement visant à mettre un terme aux aides exceptionnelles de la Région qui profitent le plus souvent à des entreprises qui n’en n’ont pas besoin, qui appartiennent à de grands groupes et qui exercent du chantage à l’emploi auprès des collectivités. Malheureusement vous avez refusé, avec la Droite, de voter cet amendement.
Conséquence du maintien du dispositif, vous avez de nouveau lié vos forces au mois de juin avec la droite pour subventionner le projet Ecotitanium aux Ancizes, à hauteur de 1,9 millions d’euros de crédits régionaux et européens. Les socialistes du Conseil général du Puy-de-Dôme ont été moins unanimes que vous, mais ça n’a pas empêché le conseil général d’ajouter 500 000€ dans le panier du gaspillage d’argent public, auquel l’Etat s’est joint également.
Alors que notre « modèle de financement est à bout de souffle », comme le souligne à juste titre l’ARF, que nos investissements sont particulièrement contraints, vous avez fait le choix, en toute connaissance de cause, de soutenir un projet qui bénéficiera directement à l’entreprise Aubert et Duval, laquelle vient d’annoncer la suppression de plus de 200 postes dont 80 environ aux Ancizes, 100 mutations, et le regroupement des services centraux à Lyon.
Vous avez fait le choix de céder au chantage d’une entreprise qui a exigé une subvention mirobolante, qui a refusé une avance remboursable de la Région et de revoir son plan de financement, une attitude qu’aucun mécène n’aurait tolérée, puisque c’est bien comme ça que ce type d’entreprise nous considère. Et ceci alors que le groupe auquel elle appartient, le groupe ERAMET, a versé plus d’un milliard d’euros à ses actionnaires entre 2008 et 2013.
Nous ne comprenons toujours pas ce choix dans une période de contraction budgétaire sans équivoque, sans égal, qui impose des choix pragmatiques et économes.
A cet égard, votre annonce, Monsieur le Président, de sortir 3 à 5 M€ sous les sabots d’un âne pour l’agrandissement de la Grande Halle d’Auvergne nous a interpellé fortement, même si vous nous proposerez finalement aujourd’hui d’attribuer « uniquement » une subvention de 1,3 M€ pour l’extension de l’esplanade d’exposition, que certains qualifieront certainement de soutien au rabais.
Plusieurs questions se posent :
- La première bien sûr, pourquoi un tel revirement et une telle précipitation, laquelle apparait d’ailleurs dans le rapport de Session que vous nous présentez : ce rapport est tout à fait muet sur les éventuels co-financeurs du projet, les retombées économiques attendues par ces travaux en dehors du Sommet de l’élevage, les détails techniques et cartographiques ? Aucun projet impliquant une telle somme d’argent n’aurait pu passer dans cette enceinte avec un niveau d’information aussi ridicule. Je n’ose pas imaginer le poids de certains lobbies agricoles dans cette affaire…
- Deuxième question : Comment et où trouver aussi rapidement cette somme et au détriment de quels secteurs d’intervention de notre collectivité ? Les travaux de rénovation des lycées et des internats qui mériteraient une enveloppe budgétaire déjà bien supérieure à celle d’aujourd’hui ? Le service TER 2015 où on nous annonce déjà des évolutions particulièrement inquiétantes, notamment des transferts sur route ? La culture, la vie associative, la protection de l’environnement, l’économie sociale et solidaire ?
- Troisième question, et pas la moins importante : Tout simplement quelle est l’utilité d’engager une telle dépense alors que la fréquentation du site, le nombre de journées d’occupation du bâtiment, le chiffre d’affaire par évènement et les recettes d’exploitation stagnent ces dernières années, en témoigne le rapport annuel du délégataire ?
La priorité pour la Grande Halle, c’est sa desserte en transport en commun lors des évènements accueillis. Si une vraie accessibilité en transport collectif existait, les parkings et les alentours du site ne seraient pas saturés lors du Sommet, et les exposants auraient la place qu’il leur faudrait.
Autre équipement régional, Vulcania, autre choix éminemment politique.
Vous nous proposerez aujourd’hui d’approuver le principe de délégation de service public par affermage pour assurer l’exploitation du Parc Vulcania. Jusqu’ici nous sommes d’accord même si l’étude d’une délégation par concession n’aurait pas été saugrenue et que le délai de 15 ans pour cette DSP nous semble particulièrement long. Un tel délai signifie-t-il qu’il est particulièrement difficile pour le futur délégataire de rentabiliser ses investissements à Vulcania ? Certainement puisque tous les efforts consentis par la Région depuis 10 ans, à hauteur de 50 millions d’euros environ, n’ont permis que d’arriver à un petit équilibre financier du Parc.
Vous nous proposerez également d’approuver les caractéristiques des prestations que devra assurer le futur délégataire et les objectifs poursuivis par la Région. Et là nous sommes déjà moins d’accord.
Il est prévu qu’un nouveau bâtiment de 3 000 m² soit construit à la charge de la Région. Le but est de tenter d’augmenter significativement la fréquentation du site par de nouvelles animations. Allons-nous réentendre d’ici peu dans cette enceinte les chiffres de fréquentation complètement délirants annoncés dans son temps par VGE pour justifier ce projet dont nous payons encore le lourd tribut aujourd’hui ?
Quant à l’impact financier pour la Région, une fois encore ce sujet pose la question de nos priorités d’investissement et de leurs retombées socio-économiques locales. Nul doute que les investissements de notre collectivité dans la rénovation des lycées profiteraient bien plus au tissu local d’entreprises du Bâtiment qui peinent aujourd’hui à remplir leur carnet de commande.
Autre point d’inquiétude, le manque de souplesse de cette future DSP. D’emblée, le Conseil régional impose l’esprit du futur Vulcania au délégataire, impose la modernisation à la charge du délégataire du bâtiment dédié aux Sciences de la Terre, impose également la construction d’un bâtiment « à frissons » qui permettra, je cite, « de rivaliser avec les grands parcs », etc. En fin de compte, quelle latitude est laissée aux délégataires ?
Enfin, quitte à imposer, il est tout de même particulièrement étonnant qu’aucune réflexion, qu’aucune orientation ne soit mentionnée sur une stratégie touristique d’ensemble, en partenariat avec d’autres sites attractifs de la Région, en particulier le train touristique menant au Sommet du Puy-de-Dôme qui a attiré cette année 480 000 visiteurs. Allons-nous continuer à assister à des campagnes de communication isolées pour chaque site ? N’avons-nous pas intérêt à réunir les partenaires autour d’une table pour imaginer une politique tarifaire intégrée, voire un parcours touristique durable permettant d’accentuer la fréquentation de ces deux sites notamment ?
Monsieur le Président, vous l’aurez compris, vous n’aurez le soutien de notre Groupe ni sur la Grande Halle ni sur Vulcania.
Je vous remercie.
Commentaires
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