Grand Clermont : d’un modèle l’autre (1)

Alors que le Conseil de Développement du Grand Clermont s’est réuni samedi 28  septembre afin de présenter les grands axes de son ambition métropolitaine pour 2020, notre quotidien régional s’ornait il y a peu d’un éloge manqué du projet de méga-métropole. Une authentique caricature  du gaspillage !
Jugez du peu : plein boom de l’aéroport, arrivée tant attendue d’IKEA, élargissement de l’A71… auxquels on peut ajouter le Carré Jaude II, le projet (repoussé) de LGV et un improbable Grand Stade.

Collier de perles de l’ambition métropolitaine, cette énumération de projets trace le portrait du fantasme ambiant, bâti sur un modèle de développement et de croissance strictement quantitative qui inspire une majorité d’élus et de responsables, toutes tendances confondues.

Assise sur ses grandes infrastructures, cette approche monumentale de la métropole s’inscrit dans la plus pure tradition des empires bâtisseurs. Elle conjugue quatre caractéristiques majeures :

  • le monumental : chaque époque ne demeure qu’à travers ses monuments. Si le Grand Clermont aspire à l’âge métropolitain, il lui faut se doter des monuments adéquats; de ceux qui l’identifient en tant que métropole. A Notre Dame-du Port et à la Cathédrale ont aujourd’hui succédé le Carré Jaude II et le parc IKEA !
  • l’image : de l’enseigne à l’image en passant par la marque, l’enchaînement semble cohérent. L’image du territoire précède l’investissement monumental qui crée lui-même de l’image… Plus que d’image, c’est de spectacle dont il s’agit ici, d’image et de narration. L’objectif étant d’habiller et d’offrir de la plus-value à un territoire considéré comme une vague réserve foncière offerte à l’investissement des capitaux. Si l’image et la mise en scène propre à la réalité urbaine sont constitutives de l’identité d’une ville et de ses habitants, on assiste aujourd’hui à la valorisation marketing de cette image, dans une optique dite d’attractivité.
  • la centralisation : les trois atouts métropolitains présentés sur cette double-page de la presse régionale constituent le meilleur exemple de cette centralisation : l’aéroport, l’autoroute et la zone économique des Gravanches. Pour que le monumental soit monumental, il faut des voies d’accès monumentales, qu’on va mutualiser pour partager les coûts ….Et donc de regrouper, de centraliser, tout ce qui consomme de l’espace et de la voirie : du monumental.
  • l’accès : conséquence du point précédent, le monumental a besoin d’accès. Et l’accès ne se justifie que par des visées monumentales. Un cercle vicieux confinant à la fuite en avant permanente dans des projets pharaoniques; surtout dans un contexte de concurrence européenne des métropoles.

 

Quelles sont les valeurs fondatrices de ce modèle ?
L’idée sous-jacente à ces quatre principes s’appuie sur un raisonnement économique : le développement du territoire réside essentiellement dans la captation de flux de capitaux. Une politique de développement vise donc à aménager le territoire et l’espace de façon à optimiser la circulation des biens et des capitaux; la réalisation des investissements et des profits.

 

Mais pourquoi les écologistes prétendent-ils que cette conception du développement est aujourd’hui inadaptée ?
Cette attente d’un ruissellement fertilisant des investissements venus d’ailleurs pour le maintien ou la croissance de la plus-value locale se fonde sur le postulat économique d’hypermobilité – et donc de flexibilité – des facteurs de production matériels (matières premières et énergie) et humains (le facteur travail et aujourd’hui, la fameuse matière grise).

  • la concurrence des territoires

Or un tel modèle est fondé sur une utilisation dispendieuse des ressources, notamment énergétiques : la « concurrence libre et non faussée » des territoires n’est possible qu’à la condition que le coût d’accès soit neutre dans le choix entre territoires. Si cela est possible avec un baril de pétrole à 1,8$ (1970), ce n’est plus le cas quand celui-ci tutoie les 100$ !!! Il est toujours possible de compenser la hausse des prix de l’énergie par la productivité du travail, en diminuant, par exemple, le nombre d’heures nécessaires pour accéder à un territoire (le nombre d’heures passées par un chauffeur pour atteindre le coeur d’une agglomération, par exemple) : on parle alors de désenclavement, d’autoroutes, d’aéroports.. et de compétitivité du territoire… Mais comme l’accélération et la croissance du trafic ainsi produits induisent une hausse de la demande, et par là des prix de l’énergie, les territoires se retrouvent pris dans un cercle vicieux.

  • la fracture spatiale

Quant au facteur travail, son hypermobilité ne concerne qu’une minorité de la population active mondiale, ces fameux « emplois à haute valeur ajoutée » que l’on cherche à attirer par des possibilités de consommation, de loisirs et de mobilité. Le reste de la population active (bien moins mobile) étant suspendu à la croissance normalement induite par la multiplication de ces emplois. Il en résulte un gâchis social et humain considérable.
La conjugaison de ces gaspillages conduit inéluctablement au creusement des fractures entre territoires et populations.

Mais un modèle alternatif de développement territorial est-il possible ? Oui. Il se construit néanmoins sur un profond changement de perspective.

[ A suivre…]

Remonter