Déchets 63 : un plan pour presque rien (3)

Les élus écologistes de Clermont-Ferrand se sont toujours mobilisés en faveur d’une politique ambitieuse de réduction, de collecte et de traitement des déchets, politique alternative à celle centrée sur l’incinérateur de Clermont-Ferrand.
Sans surprise, moins de dix mois après la mise en service de cet équipement, le projet de plan départemental de prévention et de gestion des déchets est tout entier construit autour des 150 000 tonnes de capacité annuelle d’incinération.

Partie 1

Partie 2

Un plan à l’ambition limitée

La finalité de ce plan en explique largement le manque d’ambition. Mais au-delà des simples annonces, il n’est pas inutile d’en remettre les ambitions en perspective.

1- La réduction du volume global de déchets envisagée à l’horizon 2025 est de 25 000 tonnes soit -2,2% par rapport à 2010.

2- On vise – 12% d’OMA (par habitant) soit – 30 kg en 2025 quand l’ADEME estime que le potentiel de baisse est de 150kg soit -30 %. En tenant compte de la hausse du nombre d’habitants d’ici à 2025 sur le département (+5,3%), il ne s’agit tout au plus que d’une très légère prévention.

3- On vise également + 17 % de DMA échappant à l’élimination (enfouissement et incinération) en 2025 pour atteindre un taux de 55,5 %. Un taux bien faible lorsqu’on le rapporte à ceux pratiqués dans des collectivités plus ambitieuses qui atteignent jusqu’à 80 %. Cette absence d’objectif ambitieux est la conséquence directe du choix d’investissement : les sommes consacrées à l’incinération ne sont tout simplement plus mobilisables pour des méthodes plus durables.

4- Comme dans le plan national, la stabilisation globale envisagée des quantités de DAE (71 % des déchets produits dans le département) est insuffisante. La tâche est ardue mais l’ambition serait ici d’envisager un travail fin à mener filière par filière sur des stratégies d’écologie industrielle. Ces stratégies nécessitent

  • de la volonté et un pilotage politiques au plus près des bassins de vie (question de gouvernance)

  • des moyens dédiés que les sommes englouties dans l’incinérateur réduisent drastiquement : une stratégie de détournement sans recours à l’incinération aurait permis de valoriser tout en créant un fonds de soutien à l’économie circulaire et locale. Une initiative politique, éventuellement coordonnée par le département, permettrait d’enclencher un mécanisme gagnant-gagnant, gagnant pour l’environnement et le cadre de vie, gagnant pour les entreprises qui, en valorisant certains de leurs déchets, pourraient retrouver des marges de manœuvre en termes de fonds de roulement.

5- Une sous-valorisation des biodéchets : ce plan envisage

  • un prolongement du système existant sur Clermont Communauté concernant le compostage individuel et semi-collectif de la FFOM (Fraction Fermentescible des Ordures Ménagères)

  • une réduction à la source des déchets verts (apportés en déchetterie).

Or les ressources locales en biodéchets devraient nous inciter à l’ambition : moyennant un programme ambitieux de lutte contre le gaspillage alimentaire, il serait intéressant de valoriser, en plus des ressources citées précédemment, les rejets de toutes les sortes de cantines, ceux des grandes et moyennes surfaces, ainsi que les boues de STEP. Une étude réalisée en 2012 par l’ADUHME en partenariat avec le Conseil général 63, l’ADEME et GrDF a établi que le gisement potentiellement méthanisable sur le département pourrait produire jusqu’à 9 millions de mètres cubes de méthane, soit 99 GWh.

A rapprocher des 120 GWh d’électricité promis par l’incinérateur, et indissociables des 150 000 tonnes de CO2 qu’il relâchera dans l’atmosphère.

99 GWh représentent 9 % de la consommation finale de gaz de ville sur Clermont Communauté et 6 % de celle enregistrée sur le Puy-de-Dôme. Même en produisant un peu moins d’énergie que l’incinérateur, cette solution présente de nombreux avantages :

  • le fait que le biogaz est une énergie plus modulable que l’électricité (facilité de stockage, faible perte en ligne, polyvalence de ses usages, etc.)

  • le fait qu’il se substitue avantageusement à du gaz naturel importé massivement

son bilan environnemental : quand l’incinérateur produit 120 GWh en émettant 150 000 tonnes de CO2, ce plan de méthanisation évite l’émission de 6,1 millions de tonnes de méthane (alors captées par les méthaniseurs mis en place, et aujourd’hui relâchées dans la nature) ; le méthane est un gaz dont l’effet de serre est 24 fois plus important que celui du CO2. Le gaz issu de biodéchets ou biogaz dégage, lors de sa combustion, une quantité de Co2 équivalente à ce que la matière organique, devenue biodéchet, a capté de carbone (et donc de CO2) lors de sa croissance : son utilisation est donc tout à fait neutre en termes de CO2. Contrairement au méthane d’origine fossile en provenance de Russie ou d’Afrique du Nord.

Avec quelque ambition, ce plan de méthanisation pourrait être mis en œuvre parallèlement à l’incinérateur. Mais il est à craindre que la lourdeur des investissements consacrés à cet équipement n’en rendent la perspective un peu plus lointaine.

Là encore, l’ambition d’une politique de déchets ne se décline pas qu’en termes quantitatifs mais aussi sur tous les bilans possibles, notamment environnementaux et énergétiques.

A suivre

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