Clermont-Ferrand : polluer l’air de rien

Après plus d’une semaine de conditions anticycloniques, Clermont-Ferrand n’en finit plus d’étouffer sous les pollutions répétées de son atmosphère. Particules fines, ozone et dioxyde d’azote s’accumulent dans la cuvette clermontoise au grès des flux et reflux automobiles quotidiens.

Pollution presque invisible, elle est subie dans l’impuissance, voire l’indifférence générale.

Au matin du lundi 16 décembre 2013, le seuil d’information pour la pollution au dioxyde d’azote était atteint, selon la préfecture du Puy-de-Dôme :

Journée du 16 décembre 2013 – Zone : Riom/Clermont-Ferrand/Issoire

Le niveau de pollution atmosphérique par le dioxyde d’azote a dépassé le seuil d’information de la population fixé à 200 μg/m3 en moyenne horaire

Ce seuil d’information oblige les pouvoirs d’État à se fendre de recommandations en direction des populations sensibles, « notamment les enfants, les personnes âgées, les insuffisants respiratoires chroniques, les insuffisants cardiaques, les allergiques ou asthmatiques […] »

 et à lancer des appels au civisme :

« Éviter d’utiliser son véhicule personnel, utiliser en priorité les transports en commun, différer les déplacements qui ne présentent pas un caractère de nécessité, faire les déplacements courts à pied ou à bicyclette, pratiquer le covoiturage en se regroupant à plusieurs dans un véhicule (famille, voisins, collègues de travail…).

Si le déplacement en véhicule personnel est indispensable : utiliser de préférence un véhicule peu polluant et s’assurer que le moteur est bien réglé, sinon le faire vérifier par son garagiste ; réduire la vitesse de circulation et adopter une conduite souple (sans à-coup, ni accélération brutale), éviter les heures de pointes. »

Autant de mesures certes nécessaires mais bien dérisoires, au regard des défis lancés par la pollution chronique de nos atmosphères urbaines. En effet :

  • Depuis octobre 2013, la pollution de l’air est classée parmi les cancérogènes certains par une agence de l’OMS.

  • On estime qu’elle entraîne près de 42 000 morts par an en France, 386 000 en Europe et quelque 2,5 millions dans le monde.

    PA MondeCarte des zones où l’on meurt le plus de la pollution automobile [Source : NASA, via Atlantico.fr]

  • Une étude, publiée le 9 décembre dernier dans la revue médicale The Lancet, établit qu’une exposition prolongée aux particules fines est néfaste, même lorsque les concentrations restent dans les normes européennes (25 μg/m3) : le seuil d’information est de 50 μg/m3 ; le seuil d’alerte à 80. L’air clermontois navigue entre ces deux valeurs depuis plus d’une semaine.

Cette étude estime qu’une hausse de 5μg/m3 induit + 7% de risque de mort naturelle.

La pollution de l’air serait à l’origine de 42 000 morts par an en France et 386 000 en Europe (données non actualisées depuis une dizaine d’années). Le problème n’est donc pas le pic de pollution mais l’exposition prolongée à des taux « relativement »  faibles.

Chaque année, l’air vicié coûte de 0,7 à 1,7 milliard d’euros par an au système de soins français.

– La France est à la traîne en Europe pour la politique de l’air. En remisant les ZAPA (Zones d’Action Prioritaires pour la Protection de l’Air) issues du Grenelle de l’environnement et qui laissaient la porte ouverte à des mesures drastiques de contrôle de la circulation automobile, le gouvernement s’est retourné, en février dernier, vers un renouvellement des PPA (Plans de Protection de l’Atmosphère) : vaste opération de coordination sans affectation de moyens, ni institutionnels, ni financiers.

– Le diesel reste l’une des principales sources de microparticules et d’oxydes d’azotes en tant que premier carburant utilisé par le parc automobile français. Cette flotte de véhicules ne diminue pas mais augmente.

Sinistre particularité française qui a vu l’État inciter les constructeurs à « diéseliser » et qui n’ose aujourd’hui pas reprendre l’avantage (fiscal) accordé de peur de fragiliser la filière automobile française.

Si le gouvernement recule sur l’écotaxe, ou taxe poids lourds, censée rééquilibrer le fret en direction de modes moins polluants que le transport routier, il a aussi reculé sur des propositions douces de rééquilibrage de la fiscalité des carburants au détriment du diesel.

***

Sur ce sujet, les écologistes avancent trois types de propositions :

1- Refonte des mobilités dans le cadre d’une AOMD (Autorité Organisatrice de la Mobilité Durable) :

  • Il s’agit de donner la priorité aux modes de déplacement doux ainsi qu’à un aménagement urbain harmonieux basé sur une double mixité, sociale et fonctionnelle.
  • des politiques d’incitation au covoiturage (via notamment des PDE / PDA, Plans de déplacement d’entreprises et d’administration)
  • un service public du vélo avec définition d’itinéraires, implantation de garages…
  • une intégration de la marche dans la définition des politiques de transport durable (pédibus notamment)
  • une régulation du transport de marchandises dans les centres urbains à partir de pôles logistiques créés en périphérie urbaine.

  2- Régulation et de la limitation du trafic automobile

– en limitant les vitesses de circulation en ville

– en fluidifiant le trafic (éviter les arrêts et redémarrages) via le réglage des feux et l’utilisation des ondes vertes ; en régulant les horaires des entreprises, administrations etc… de façon à éviter la congestion des axes et la sur-utilisation des infrastructures.

– en adaptant l’offre de transport en commun en période de pics de pollution.
3- Modernisation du parc automobile via notamment la disparition des véhicules les plus anciens et les plus polluants ainsi que par la réduction et, à terme, la suppression du parc automobile français fonctionnant au diesel.

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