Une norme européenne pour répondre à l’obligation d’audits énergétiques des entreprises fin 2015

A l’occasion d’un séminaire organisé à Paris jeudi 23 mai, l’association française de normalisation (Afnor) a présenté la norme européenne, baptisée NF EN 16247-1, visant à répondre à l’exigence fixée par l’article 8 de la directive relative à l’efficacité énergétique (EE), entrée en vigueur le 4 décembre 2012 et instaurant un audit énergétique obligatoire dans les grandes entreprises. Cet audit devra être réalisé dans un délai de trois ans, soit avant le 5 décembre 2015 dans les grandes entreprises européennes de plus de 250 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 50 millions d’euros. Ce diagnostic énergétique devra ensuite être renouvelé tous les quatre ans, précise la directive 2012/27/UE.

Pour rappel : en matière d’efficacité énergétique, l’audit vise à présenter une approche globale des consommations énergétiques d’un organisme, d’un site ou d’un système, avec une analyse exhaustive concernant tous les types d’énergies et tous les usages énergétiques. L’audit énergétique constitue donc la première étape d’une démarche de management de l’énergie. Les données collectées ont pour objet d’identifier les gisements d’économies d’énergie et de proposer des solutions d’amélioration, a souligné Sylvie Fenandez, chef de projet normalisation à l’Afnor.

L’article 8 de la directive demande aux Etats de « veiller au fait que les clients finaux puissent recourir à des audits énergétiques rentables et de haute qualité. » Publiée en septembre 2012, la norme NF EN 16247-1 entend donc répondre à cette exigence et se veut être un outil d’aide à la réalisation de ces diagnostics. Cette norme donne une méthodologie commune concernant les aspects généraux d’un audit énergétique. Elle « précise les actions à mener tout au long de ses différentes étapes depuis la définition de son périmètre et de son objectif avec le client jusqu’au rendu final, en passant par les phases de collecte des données, de travail sur site, d’analyse, d’identification des solutions », explique Mme Fernandez. La norme s’applique à tous les types d’établissements (commerciaux, industriels, du secteur résidentiel et du secteur public), à toutes les formes d’énergie et à tous les usages énergétiques, à l’exclusion des maisons individuelles privées, précise l’Afnor.

Si la norme européenne NF EN 16247-1 est citée, dans la directive, comme document de référence pour la réalisation de ces audits, les systèmes de management de l’énergie certifiés par la norme EN ISO 50001 – prévoyant déjà des diagnostics énergétiques – seraient également en conformité et exemptés de l’obligation, d’après le texte.

Des normes spécifiques pour le bâtiment, l’industrie et les transports

La NF EN 16247-1 est la première partie d’une série de normes consacrée aux audits énergétiques élaborées par un groupe (le JWG 1) mis en place par le comité européen de normalisation (CEN) et le comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) et auquel participe l’Afnor en tant que représentant la France.

Les quatre autres parties de cette série, actuellement en cours de rédaction, sont des méthodologies spécifiques aux audits énergétiques pour les secteurs des bâtiments (projet de norme NF EN 16247-2), des procédés industriels (NF EN 16247-3) et des modes de transport (NF EN 16247-4). Une cinquième partie a également été lancée sur la qualification et les compétences des auditeurs : le projet de norme EN 16247-5.

Le projet sur les procédés industriels « reprend en partie le référentiel de bonnes pratiques BP X 30-120 sur le diagnostic énergétique dans l’industrie, lequel est inspiré du cahier des charges de l’Ademe », a rappelé de son côté, Sylvie Riou, ingénieur expert à l’agence. Idem pour le projet de norme sur le bâtiment qui s’appuie également sur un cahier des charges de l’Ademe sur le sujet. Quant à la norme sur les transports, « la flotte de transports ou encore la consommation de kérosène des aéronefs sont visées », a précisé Laurent Cadiou de la Direction générale de l’Energie et du climat (DGEC). L’élaboration de ces normes se poursuit : une réunion du groupe de travail est prévue en juin à Chypre pour étudier les commentaires de la consultation publique, menée d’octobre 2012 à mars 2013. L’objectif est de « parvenir à un projet de 3 normes sectorielles d’ici septembre ou octobre 2013 », a indiqué Sylvie Fernandez de l’Afnor. Leur publication interviendrait alors « au premier trimestre 2014 », table-t-elle.

En revanche, les travaux sur la norme relative à la qualification des auditeurs accusent du retard. Un premier document de travail sera examiné par les experts seulement en juin. Or, il est nécessaire de clarifier quel expert « indépendant, qualifié et/ou agréé », selon la directive, peut effectuer ces audits énergétiques (diagnostiqueur certifié par le comité français d’accréditation Cofrac, fournisseur d’énergie, auditeur interne ?…) et quel niveau de compétences est requis. Et le calendrier de mise en œuvre de la directive EE s’accélère : elle doit être transposée par les Etats membres d’ici le 5 juin 2014, soit dans un an.

Obligation d’audits dans le projet de loi « DDADUE »

En France, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’UE dans le domaine du développement durable dit « DDADUE », présenté en mars dernier, transpose l’article 8 du texte et instaure l’obligation d’audit énergétique. Près de 5.000 grandes entreprises françaises seraient concernées par ce dispositif. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, « en évaluant à trois semaines environ la durée d’un audit, cela nécessitera plus de 500 auditeurs à agréer, ce qui prendra de l’ordre d’un an ». Les entreprises devraient donc « avoir moins d’un an pour être auditées » dans les délais. L’étude d’impact du projet estime à « 15.000 à 20.000 euros » le coût pour chaque entreprise. Un coût qui serait « rapidement amorti » si les recommandations de l’audit sont appliquées. « Nous prévoyons de proposer des mesures d’accompagnement des entreprises, comme par exemple un système de tiers financement », a précisé en avril la ministre de l’Ecologie Delphine Batho devant les députés de la commission « Développement durable ».

Le projet de loi prévoit une exemption de cette obligation pour les entreprises mettant en œuvre un système certifié de management de l’énergie, conformément à la directive.
 Mais en France, « un régime transitoire pourrait être mis en place au cas par cas » concernant l’EN ISO 50001, a prévenu Laurent Cadiou. En cas de non-respect des dispositions, des sanctions sont prévues : une amende administrative serait plafonnée à 2% du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos en France voire 4% en cas de récidive.

Le projet de loi a été adopté par l’Assemblée nationale le 17 mai. Il doit encore être examiné en plénière par le Sénat ce lundi 27 mai. Si le texte est entériné par les sénateurs, « le décret d’application de la directive sera soumis à concertation en juin 2013 », selon M. Cadiou. Les seuils des entreprises soumises à cette obligation ainsi que les modalités opérationnelles et l’agrément des auditeurs, seront définis par décret et ses arrêtés, publiés pour mi-2014.

En France, avant la loi DDADUE, un décret du 27 janvier 2012 instaurait déjà une obligation de réalisation d’un audit énergétique d’ici le 1er janvier 2017 « dans les bâtiments à usage principal d’habitation en copropriété de cinquante lots ou plus », a rappelé David Desforges, avocat au cabinet Jones Day. Un arrêté du 28 février 2013 précise les modalités d’application des audits et les compétences requises.

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