L’avenir du nucléaire compromis ?

Après l’annonce récente du premier ministre bulgare Boïko Borissov de renoncer au projet de centrale nucléaire de Béléné au Nord du pays, c’est autour des énergéticiens allemands E.ON et RWE de signaler leur réticence à s’engager dans de nouveaux projets nucléaires en Grande-Bretagne. C’est un signal de plus que les priorités énergétiques changent et que le nucléaire n’en fait plus partie. De ce point de vue, cette annonce est à rapprocher de  la déclaration du ministre de l’économie japonais (METI), Yukio Edano, qui fixe dans une interview au Wall Street Journal l’objectif pour le Japon d’être aussi près que possible de zéro nucléaire en 2030 (à noter au passage l’intelligence politique dans la formulation de cet objectif).

Dans ce contexte de débandade du nucléaire mondial, l’entêtement d’EDF apparaît de plus en plus irréaliste et risqué. L’achat irresponsable de British Energy plombe déjà ses comptes. EDF n’a plus que le choix entre renoncer à investir dans des réacteurs EPR au Royaume-Uni (ce qui est inenvisageable pour l’instant puisque ce serait reconnaître l’erreur stratégique) ou bien réaliser cet investissement à moindre perte. D’où notamment la pression politique très forte, qui se joue en Grande-Bretagne mais aussi à l’échelon européen, sur la mise en place d’un tarif de rachat pour ces nouveaux réacteurs. Mais même de tels tarifs ne pourront jamais suivre l’augmentation continue des coûts du nucléaire. EDF est condamné à perdre.

Alors qu’en France les entreprises s’entêtent dans la voie du nucléaire futur, d’autres semblent avoir compris que le risque – écologique, sanitaire et dorénavant économique- n’en vaut pas la chandelle alors que des solutions moins risquées et plus profitables existent avec l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables.

C’est dans une interview au Handelsblatt allemand que le PDG du deuxième électricien allemand E.ON, Johannes Teyssen, a confirmé l’intention d’abandonner la société commune « Horizon Nuclear Power », créée avec RWE en 2009 dans le but de construire de nouveaux réacteurs en Grande-Bretagne. Jugeant ces projets trop coûteux et risqués en raison des délais de construction, il veut désormais utiliser le capital pour investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. Cette hésitation de la part de deux grands groupes capitalistes plus connus pour être des ardents défenseurs du nucléaire montre que le nucléaire n’a décidément plus le vent en poupe du côté des investisseurs.

Cette décision est d’autant plus étonnante que la nouvelle réglementation britannique prévoit d’octroyer un tarif d’achat garanti à toutes les sources d’électricité sobres en carbone, qui pourrait dépasser les 110 € par MWh selon les dernières informations. Le fait même que le gouvernement britannique décide d’inclure le nucléaire dans un mécanisme de soutien habituellement réservé aux sources renouvelables jugées « peu compétitives » donne un message assez clair du risque financier de ces projets. Et pourtant, nos champions nationaux s’entêtent à défendre la soi-disante compétitivité du nucléaire futur.

Communiqué de presse de E-On

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