Analyse critique de l’étude de la Commission énergie 2050
par Benjamin Dessus et Bernard Laponche
Le site Mediapart nous a demandé de faire l’analyse critique d’une version non encore définitive, mais manifestement très avancée et qu’il s’est procurée très récemment, du rapport de la Commission Energie 2050 mise en place par le ministre Eric Besson et qui doit lui être remise dans les jours qui viennent.
Cette version provisoire du rapport de la Commission Energie 2050 ainsi que cette analyse critique sont présentés aujourd’hui sur le site de Médiapart.
Les rapporteurs de la Commission se proposent d’examiner les différentes trajectoires possibles du système énergétique français d’ici 2050 en comparant des scénarios contrastés produits par différents acteurs. Il apparaît cependant très vite que la question centrale qui intéresse le gouvernement est celle de l’électricité et plus particulièrement la production d’origine nucléaire.
Le rapport est donc très marqué par une approche presque exclusivement « offre » de la question énergétique, avec une insistance permanente sur le « mix énergétique », considéré comme beaucoup plus important que la demande d’énergie, et bien évidemment la place de l’énergie nucléaire dans ce mix. Ce biais, manifeste dès le début du rapport, en réduit considérablement l’intérêt comme outil de prise de décision en matière de politique énergétique globale.
L’analyse du corps du rapport qui comporte 5 chapitres principaux nous conduit à mettre l’accent sur plusieurs points.
Du point de vue méthodologique, l’étude exclut de façon incompréhensible l’analyse des seuls scénarios contrastés établis sur une base commune, ceux d’Enerdata, pourtant utilisés officiellement par le gouvernement dans les négociations européennes, au profit de notes et scénarios produits dans la hâte par des des acteurs du nucléaire. Elle privilégie ouvertement l’analyse du seul mix électrique au détriment du système énergétique, laissant ainsi à l’écart les questions qui concernent 75% de l’énergie finale du bilan français, ne prend pas en compte les marges de manoeuvre ouvertes par les économies d’électricité et exclut corrélativement toute discussion sur le coût d’accès à ces mesures d’économie d’électricité .
Elle réduit le concept de transition énergétique à la question des émissions de CO2 et fait l’impasse totale sur les risques environnementaux associés aux filières non fossiles, et très particulièrement nucléaires en faisant l’hypothèse que le suivi des recommandations du dernier rapport de l’ASN règlent définitivement ces questions.
Elle réduit enfin le débat à la seule question du coût unitaire du kWh électrique associé à différents mix électriques, en « oubliant » que le coût pour l’usager et la collectivité dépend aussi des quantités d’électricité distribuées.
S’ajoutent à ces critiques des erreurs factuelles telles que l’oubli du rôle prépondérant des économies d’énergie dans les scénarios bas carbone (450 ppm) de l’AIE , ou sur la définition même de grandeurs comme l’énergie primaire ou l’indépendance énergétique.
Nous considérons donc que le document dont nous disposons aujourd’hui est un exercice de médiocre qualité, biaisé par des erreurs factuelles, des non dits, des hypothèses implicites et des omissions majeures, sans aucune analyse de cohérence, ni aucun recul par rapport aux études analysées. Il distille ça et là des affirmations non étayées qui relèvent plus de partis pris ou d’opinions subjectives que de jugements objectifs. Cette complaisance et cette médiocrité méthodologique nuisent gravement aux conclusions qui sont ainsi suggérées, sinon proposées aux pouvoirs publics pour une politique énergétique à long terme de la France.
Nous avons pensé que vous pourriez être intéressés par la mise à votre disposition de notre rapport critique détaillé de ce rapport provisoire de la Commission Energies 2050 . : Analyse critique de l’étude de la Commission énergie 2050
Lire également le communiqué de presse publié par Global Chance : la manipulation