Tabac, dépistage, place des malades,… mais ne pas oublier la santé environnementale.
Le président François Hollande a dévoilé mardi 4 février un nouveau plan cancer mettant l’accent sur la lutte contre les inégalités face à la maladie et se prononçant sur l’épineuse question du tabac comme la principale cause « évitable » de cancer.
Avec près de 150.000 décès par an, la maladie reste la première cause de mortalité en France, mais les spécialistes estiment que 40 à 50% des 350.000 nouveaux cas observés chaque année pourraient être évités par des mesures de prévention et d’éducation. Le 3e plan cancer porte sur la période 2014-2018, doté d’une enveloppe de 1,5 milliard d’euros.
L’ambition première du Plan est de guérir plus de personnes malades, en favorisant des diagnostics précoces et en garantissant l’accès de tous à une médecine de qualité. La lutte contre les inégalités en santé est au cœur des mesures nouvelles de prévention et de dépistage.
Ci-dessous : le dossier complet de présentation du Plan cancer 2014-2019.
Au-delà de l’amélioration des soins et des pratiques médicales, le Plan cancer propose une prise en charge globale de la personne dans le cadre d’un parcours de soins coordonné. Il créé aussi les outils pour conduire un combat pour la vie, en permettant aux personnes qui sont frappées ou qui ont été frappées par le cancer de poursuivre leur scolarité, de bénéficier d’aménagements dans leur vie professionnelle ou dans leur accès à l’emploi et de simplement conserver ou retrouver les conditions d’une vie normale. Ce combat pour la vie se mène pendant et après le cancer.
Ce plan entend lutter contre tout ce qui pourrait ramener ceux qui ont vaincu la maladie à leur statut d’ancien malade. A ce titre, le Plan institue un véritable « droit à l’oubli » dans l’accès à l’emprunt pour les malades guéris : avant la fin 2015, les personnes qui ont eu un cancer dans l’enfance ou l’adolescence, ainsi que les anciens malades dont les données scientifiques confirment la guérison n’auront plus à déclarer qu’ils ont eu un cancer.
Le Plan entend également marquer un pas décisif pour faire reculer le tabagisme, responsable à lui seul de près d’un tiers des décès par cancer. C’est pourquoi la présentation du Plan cancer s’accompagne du lancement d’un Programme national de réduction du tabagisme, destiné à dissuader l’entrée dans le tabac, notamment des jeunes, et à aider les fumeurs à s’arrêter.
Lutte contre le tabagisme
Le précédent plan prévoyait de faire passer la part de fumeurs réguliers de 30% à 20% de la population. Elle est finalement de 33%, malgré la hausse du prix du paquet. Fort de ce constat, le président a demandé à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, de lancer d’ici l’été 2014 « un programme national de réduction du tabagisme ».
Pistes évoquées : une meilleure prise en charge par la Sécurité sociale des substituts nicotiniques, ainsi que la création d’un numéro de téléphone unique pour joindre un tabacologue proche de chez soi. La hausse des prix sera également poursuivie et les recettes iront à un fonds dédié à la lutte contre le cancer.
Sur ce sujet, François Hollande a souhaité aussi mettre l’accent sur les adolescents. Un jeune sur deux qui fume à l’âge de 17 ans meurt avant 60 ans : « Cette phrase doit être répétée partout, et à tous », a martelé le président, rappelant que « le tabac détruit en 15 jours ce que la route, hélas, décime en une année ».
Dépistage plus rapide et généralisé
Pour le cancer du col de l’utérus. François Hollande veut rendre systématique le dépistage de ce cancer, responsable de plus de 1 000 morts chaque année. Pour cela, il insiste sur la généralisation du frottis tous les trois ans « pour [qu’il passe à] 80% des femmes contre 60% aujourd’hui ». Il a ainsi annoncé le doublement de la « couverture vaccinale » contre ce cancer d’ici 2021, « ce qui permettra son éradication à terme ».
Pour le cancer du colon. En cas de suspicion, une prise en charge de la coloscopie devrait être proposée afin de permettre au patient de ne plus avoir à avancer les frais.
Pour les cancers rares et peu fréquents. « Une double expertise sera requise » afin d’être sûr de bénéficier du meilleur avis possible.
Pour tous les cancers. « Tout retard est un risque », estime François Hollande sur le plan du dépistage. Le chef de l’Etat souhaite donc réduire le délai moyen d’attente pour passer une IRM à 20 jours pas plus d’ici 2017. Il faut actuellement patienter 27 jours environ.
Accent mis sur les traitements
Davantage d’essais cliniques. Pour favoriser la recherche de traitements, François Hollande souhaite multiplier les essais cliniques, qui impliquent à l’heure actuelle 25 000 patients. Son ambition ? Doubler leur nombre en cinq ans « pour qu’ils concernent tous les cancers (…) et toutes les régions » dont « celles qui sont aujourd’hui les moins concernées », comme l’outre-mer. Des essais thérapeutiques seront aussi effectués sur les 1 700 cancers des enfants.
Un site pour s’informer. En matière de traitements, les patients doivent pouvoir s’informer en comparant « les établissements et les services ». François Hollande a ainsi promis la mise en ligne du site national d’information en santé « que notre pays attend depuis de longues années ».
« Droit à l’oubli » pour l’après-cancer
Enfin, François Hollande souhaite permettre aux malades, s’ils le souhaitent, de continuer leur vie active. Un objectif qui passe parfois par « l’aménagement du temps de travail » et la sensibilisation des entreprises « sur les risques de discrimination« .
Sur ce point, le président a évoqué un « droit à l’oubli » pour les personnes ayant vaincu la maladie tôt dans leur vie ou ayant guéri d’une forme de cancer à faible récidive. Nombre d’anciens malades rencontrent en effet des difficultés pour contracter des prêts bancaires ou des assurances.
Quelle place pour la santé environnementale ?
Les députés écologistes félicitent le président de la République pour ce plan mais ils regrettent fortement qu’une fois encore, les questions de santé environnementale soient insuffisamment prises en compte. Ainsi, le député Jean Louis Roumegas a posé une question ce mardi à la ministre de la santé en soulignant l’essor fulgurant des maladies chroniques ces vingt dernières années, qui ne peut s’expliquer par les seuls tabac ou alcool. Il a rappelé « les facteurs environnementaux, notamment les contaminations chimiques, les perturbateurs endocriniens, les pesticides, les particules fines du diesel, les additifs de l’industrie agroalimentaire » et a invité le gouvernement à agir de manière plus déterminée sur ces facteurs de risques.
« L’OMS, dans la Déclaration de New York de 2011, a appelé les pouvoirs publics à réagir à cette épidémie qui menace la santé publique et les systèmes de protection de nos pays ».
« Une expertise collective de l’INSERM rendue en juin 2013 a repris l’ensemble de la littérature scientifique publiée depuis trente ans. Le constat est sans appel : le lien des pesticides avec certaines pathologies cancéreuses est avéré ».
« L’ANSES également, a rappelé dans son rapport d’avril 2013 que le bisphénol A est impliqué dans le cancer du sein. On peut citer d’autres perturbateurs endocriniens comme la dioxine, le chlordécone ou les phtalates qui contaminent la population ».
« Qu’attend le Gouvernement pour se saisir de cette question qui a déjà été exclue de la conférence environnementale ? Pourquoi la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens n’est-elle toujours pas adoptée ? La santé environnementale aura-t-elle la place qu’elle mérite dans votre future loi de santé publique ? »