Rencontre avec P. Lamy : «Ce sont maintenant les logiques de protection de la santé et de l’environnement qui serviront de référence »
Eric Alauzet a participé ce mardi à une rencontre avec Pascal Lamy qui fut notamment Directeur général de 2005 à 2013 de l’Organisation Mondiale du Commerce*, huit ans à la direction de l’OMC après une expérience à la commission européenne aux côtés de Jacques Delors puis comme commissaire européen au commerce.
Ainsi Pascal Lamy définit « l’Etat comme solide, l’Europe comme liquide et l’international comme gazeux ». Précisant « qu’en dehors de l’OMC qui dispose d’instruments juridiques contraignants, les autres organisations internationales évoluent au gré d’alliances à géométrie variable ».
Pour Pascal Lamy, le débat sur l’équilibre aura de moins en moins d’intérêt, sans doute en raison des implantations internationales des personnes comme des entreprises, ainsi que des composants multinationaux des produits, voire des services.
Il précise que les règles du commerce international prennent en compte la situation défavorable des pays en voie de développement et que l’OMC accepte « une forme de dumping social proportionné ».
Cet apparent déséquilibre dans les relations commerciales n’a d’ailleurs pas empêché l’ensemble des pays européens d’améliorer leur balance commerciale de 300 milliards d’Euros en dix ans. Ceci s’explique par le fait que la main d’œuvre bon marché des pays à bas coût souffre d’une productivité faible. Et en même temps que leur productivité progressera, les salaires augmenteront ce qui conduira à une relative stabilisation de différentiel de compétitivité.
Et la France serait, selon Pascal Lamy, pénalisée par un déficit de compétitivité « coût » et « hors coût ». Le terme « coût » signifie coût salarial ; et de déplorer une augmentation trop importante des salaires au regard de l’inflation ainsi qu’un coût de la protection sociale trop lourd au regard de son efficacité. La notion de « hors coût » fait référence notamment à l’innovation et à la qualité des produits. La France serait, selon lui, tributaire de produits trop peu qualitatifs. Là on comprend pourquoi tout le débat tourne aujourd’hui autour de la question des salaires car c’est le plus facile et le plus rapide. La montée en gamme des produits peut prendre des années.
Dernier point de taille : à la différence des logiques anciennes qui indexaient les taxes aux frontières sur la base d’un franchissement de frontière, il est maintenant admis que ce sont les logiques de protection de la santé et de l’environnement qui serviront de référence. Et de préciser que si aucune organisation internationale ne gère la question de l’environnement, cette problématique est très prégnante dans les relations internationales à travers de nombreuses règles environnementales thématiques.
*L’Organisation mondiale du commerce (OMC, ou World Trade Organization, WTO, en anglais) est une organisation internationale qui s’occupe des règles régissant le commerce international entre les pays. Au cœur de l’organisation se trouvent les accords de l’OMC, négociés et signés en avril 1994 par la majeure partie des puissances commerciales du monde et ratifiés par leurs assemblées parlementaires. L’OMC a pour but principal de favoriser l’ouverture commerciale. Pour cela, elle tâche de réduire les obstacles au libre-échange, d’aider les gouvernements à régler leurs différends commerciaux et d’assister les exportateurs, les importateurs, et les producteurs de marchandises et de services dans leurs activités (Wikipédia).