Nicolas Hulot répond aux questions des Députés suite à l’annonce du Plan Climat

Mercredi 12 juillet, lors des traditionnelles Questions Aux Gouvernement (QAG), Nicolas Hulot a été interpellé à trois reprises par des Députés de tous bords suite aux annonces du Plan Climat. Il a été interrogé sur le Plan en lui-même, l’EPR de Flamanville ou encore sur la fermeture annoncée de 17 réacteurs nucléaires.

 

Plan Climat

le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Djebbari, pour le groupe La République en marche.

Jean-Baptiste Djebbari. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ma question porte sur le plan Climat que vous avez annoncé la semaine dernière, et qui, à bien des égards, affiche une ambition inédite. Ce plan prolonge la loi sur la transition énergétique ainsi que l’accord de Paris sur le climat – le Président de la République vient d’annoncer la tenue d’un sommet international visant à en garantir le financement. Saluons l’exemplarité et le volontarisme de la France en la matière. Ce plan s’engage résolument dans la préservation de l’environnement avec la fin de l’exploitation des ressources fossiles à l’horizon de 2040. Il vise à la fermeture de plusieurs réacteurs nucléaires. Il tend enfin à donner corps à la transition énergétique en intégrant durablement le prix du carbone dans l’économie. À cet effet, la fin annoncée de la vente des véhicules à diesel et à essence suscitera un cycle d’innovation qui, à terme, permettra de développer une filière de véhicules beaucoup plus propres.

Monsieur le ministre, si votre plan a été accueilli favorablement par un certain nombre d’acteurs, il suscite toutefois des interrogations quant à l’accompagnement de la filière industrielle notamment de la production d’énergie et du secteur des transports. Ce plan pose également la question du financement. À mon sens, tous les leviers du plan d’investissement ainsi que la fiscalité écologique devront être utilisés. Je rappelle que celle-ci doit permettre non seulement de financer les dépenses envisagées mais aussi d’influer sur le comportement des usagers dans un sens environnementalement plus vertueux. À ces conditions, monsieur le ministre, nous relèverons ensemble le défi de la décarbonation de notre économie.

le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Nicolas Hulotministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Oui, monsieur le député, la France a une responsabilité particulière en matière de climat, mais nous en avons aussi sur le plan individuel. L’accord de Paris ne vise pas seulement à protéger l’environnement. Je veux remettre les choses à leur juste dimension : son succès ou son échec ne déterminera ni plus ni moins que les conditions d’existence de nos propres enfants. Je vous le dis d’emblée : oui, il est ambitieux, parce qu’il ne triche pas avec la réalité. Mais sa réalisation ne dépend pas simplement de moi. Elle demandera la compréhension et la participation de chacun d’entre nous. Ce plan Climat est un cadre de mobilisation pour l’ensemble des ministres d’abord, mais également pour tous les Françaises et les Français, pour les entreprises et évidemment pour les collectivités territoriales. Vous me demandez très concrètement comment on peut en assurer la mise en œuvre : par trois principes.
Le premier est la prévisibilité : viser haut et voir loin. Le deuxième est l’irréversibilité, pour que les signaux envoyés soient clairs et que les règles du jeu ne changent pas en permanence. Le troisième est la cohérence : celle-ci est essentielle à la mise en œuvre du plan Climat. Être cohérent, cela veut dire notamment répondre à l’injonction de sortir des énergies fossiles. En ce sens, très concrètement, à l’automne, nous présenterons un projet de loi visant à interdire dorénavant toute nouvelle exploration et consécutivement toute nouvelle exploitation d’hydrocarbures. Nous vous en rendrons compte régulièrement, mais la réussite du plan Climat tiendra aussi à son acceptabilité sociale. Il faut donc qu’il soit solidaire, juste et équitable.
Enfin sur le plan diplomatique, nous avons un grand rendez-vous le 12 décembre prochain.

EPR de Flamanville

le présidentla parole est à Mme Mathilde Panot, pour le groupe La France Insoumise.

Mathilde Panot. Monsieur le ministre de la transition écologique et solidaire, notre question est une question de cohérence, cette cohérence que vous évoquiez tout à l’heure. Elle va vous plaire, puisqu’elle propose même une économie.

Nous avons pris note de votre engagement de fermer jusqu’à dix-sept réacteurs nucléaires d’ici 2025, même si cette décision a été tempérée, aujourd’hui même, par votre Premier ministre. Mais, dans le même temps, le groupe La France insoumise s’alarme de la décision du 28 juin de valider la mise en service de l’EPR de Flamanville. Faut-il vous rappeler les conclusions de l’Autorité de sûreté nucléaire – ASN – qui, en 2015, alertait sur un défaut de fabrication de la cuve du réacteur de Flamanville ? Les failles de sécurité, liées aux taux de carbone anormalement élevés dans la cuve, sont très préoccupantes. Les précédentes catastrophes nucléaires doivent nous interpeller : nous devons mesurer à cette aune notre responsabilité politique. Aujourd’hui, monsieur le ministre, c’est la vôtre.

Depuis 2005, l’ASN a averti EDF des défauts de fabrication des équipements produits par Creusot Forge, filiale d’Areva. Non conformes, donnant lieu à des soupçons de falsification de documents de la part de Creusot Forge, ils équipent de nombreux réacteurs du pays. La décision étonnante de l’ASN en date du 28 juin est assortie d’une recommandation qui souligne le caractère dangereux de ces équipements : il faudrait en effet changer le couvercle de la cuve d’ici 2024. Pendant six ans, et en pleine conscience, c’est au pays que vous ferez prendre un risque démesuré.

À l’heure où, comme d’habitude, votre gouvernement nous prie de bien vouloir nous serrer la ceinture, nous savons que le coût initialement prévu de 3,4 milliards d’euros a été multiplié par trois. Rien ne nous dit qu’il ne va pas encore augmenter. Ce chantier, qui prendra fin en 2018, alors que la date prévue initialement était 2011, est un gouffre financier. Celui-ci n’est pas sans rappeler l’échec vers lequel court EDF après l’obstination de M. Macron à encourager, lorsqu’il était ministre de l’économie, le projet calamiteux d’Hinkley Point, qui menace désormais cette entreprise stratégique pour notre pays.

Nicolas Hulotministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la députée, ai-je besoin de vous dire que, sur un certain nombre de points, je partage de longue date vos inquiétudes mais en l’état je fais confiance à l’Autorité de sûreté nucléaire – je recevrai son président.S’agissant de la transition énergétique, si j’ai, volontairement ou non, soulevé une question, il y a quelques jours, dans une interview c’est parce que je pense que la pire chose, en la matière, consiste à se cacher derrière son petit doigt. Une loi a été votée et certains s’évertuent à refuser d’en voir les conséquences, notamment ce qu’ implique l’objectif de parvenir à 50 % d’électricité d’origine nucléaire en 2025. Ma question est de savoir comment on fait si on veut éviter tant la brutalité sociale que l’impasse économique.Il faut qu’ensemble, on ne dissimule rien, que l’on étudie la faisabilité : tel sera le cadre de la future loi pluriannuelle de l’énergie. Il y va de cela comme du plan climat : il faut que l’on sache où veut aller et comment on entend y parvenir, au moyen de trois stratégies : réduction de notre consommation, diversification de notre bouquet énergétique et, mécaniquement, baisse de la part du nucléaire, mais cela doit être anticipé, notamment via les contrats de transition écologique et sociale.

 

Fermeture de réacteurs nucléaires

le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe Les Républicains.

  1. Julien Aubert. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et solidaire.M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, vient de déclarer, lyrique : « L’industrie, c’est l’avenir de notre nation. » Ma question est donc simple, monsieur le ministre : combien de réacteurs nucléaires exactement prévoyez-vous de fermer d’ici à la fin du mandat d’Emmanuel Macron, suivant quel calendrier, pour quel coût budgétaire ? Surtout, parmi les cinquante-huit en activité, quels sites ciblez-vous ?Aucun des acteurs de la filière, notamment nos jeunes ingénieurs, qui hésitent à poursuivre leurs études dans le domaine nucléaire, ne peut se satisfaire du flou artistique qui règne actuellement au sommet de l’État. La Cour des comptes affirme que pour appliquer la loi sur la transition énergétique il faudrait fermer entre dix-sept et vingt réacteurs, tandis que vous annoncez, volontairement ou involontairement, que vous fermerez peut-être jusqu’à dix-sept réacteurs d’ici à 2025. Quelques jours plus tard, le Premier ministre dit à l’inverse qu’il veut attendre l’avis que l’Autorité de sûreté nucléaire doit rendre en 2018 – c’est ce qu’on appelle un gouvernement « En même temps » ! Enfin, le candidat Emmanuel Macron s’était engagé à augmenter de l’équivalent de six réacteurs la production d’énergie renouvelable, ce qui, en toute logique, veut dire fermer six réacteurs d’ici à 2022, et les onze autres dans les trois années suivantes. Vos successeurs vous remercieront.La fermeture de dix-sept réacteurs pose un vrai problème de substituabilité. Pour une production d’électricité équivalente, il faudrait construire 17 000 éoliennes, c’est-à-dire faire en huit ans le double de ce qu’on a réussi péniblement à faire en deux décennies, et simultanément couvrir la moitié des toits de France de panneaux photovoltaïques pour une superficie totale équivalente à celle des départements du Val-de-Marne, de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine réunis !Fermer dix-sept réacteurs à 250 millions d’euros l’indemnisation, si on reprend le montant prévu pour Fessenheim, cela suppose de trouver quatre milliards d’euros : cela ne va pas enchanter M. Darmanin ! Et c’est sans compter le financement du plus grand plan social jamais vu dans le secteur public et les pertes d’EDF.

    Dix-sept réacteurs, ce sont très exactement 8 300 personnes qui attendent de savoir à quelle sauce elles vont être mangées. J’ai entendu que le groupe La France insoumise ne défendait plus les travailleurs ; pour notre part, nous le faisons. Je vous pose donc à nouveau la question, monsieur le ministre : pensez-vous vraiment que c’est faisable techniquement et budgétairement ?

  1. le président. La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
  2. Nicolas Hulotministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député, je suis un tout petit peu étonné que la représentation nationale ne se pose cette question que maintenant. La loi sur la transition énergétique ne date pas d’aujourd’hui. Quant à l’objectif de 50 %, je suis le premier à avoir mis en exergue ses conséquences. Mais la question vaut d’être posée, car si on improvise et si on n’anticipe pas, je ne vois pas quelles solutions nous allons trouver et selon quelles modalités nous allons y parvenir. Je pense qu’en début de quinquennat, la priorité est bien de mettre cette question sur la table, car à force de se masquer la réalité, nous en arrivons à une forme de brutalité. Or la transition énergétique ne pourra se faire ni dans la brutalité ni dans l’improvisation.Je vous rejoins sur un point, monsieur le député : fermer Fessenheim, ce n’est pas une stratégie, ce n’est pas une politique. Anticiper, regarder ce qu’il en est effectivement, territoire par territoire, selon des critères sociaux, économiques et de sécurité, c’est l’objectif de la programmation pluriannuelle de l’énergie. J’ai engagé ces travaux fin juin et fin 2018 je pense qu’ensemble nous pourrons répondre à cette question.

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