Loi d’avenir agricole : une loi ambitieuse qui devra guider la suite de l’action du Ministère
L’Assemblée nationale a adopté ce mardi 14 janvier par 332 voix pour contre 205 le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Le groupe écologiste a salué « une avancée essentielle vers l’indispensable transition écologique du modèle agricole français ».
Débats et projets de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/avenir_agriculture_alimentation_foret.asp
Article de présentation : http://ericalauzet.eelv.fr/projet-de-loi-il-faut-engager-les-acteurs-dans-un-changement-ecologique-et-economique/
Ce projet de Loi a pour ambition de faire évoluer notre agriculture vers une meilleure capacité à répondre aux grands enjeux de lutte contre le changement climatique de la planète, de durabilité de notre agriculture en liant réussite économique, sociale et environnementale, tout en assurant une alimentation saine et sure à notre population.
Si la compétitivité a été défendue tout au long des débats par le ministre, le texte a été largement enrichi dans ses dimensions environnementale et sociale.
Un des principaux objectifs du projet de loi est de soutenir les filières d’élevage. Si certains secteurs comme les vins et spiritueux, ou les céréales, sont de grands exportateurs, les filières de la viande rencontrent plus de difficultés, notamment face à la concurrence allemande. Pour améliorer leur compétitivité, le texte veut redonner du poids aux producteurs face à la grande distribution, qui limite les marges et pousse les prix vers le bas. La loi prévoit l’instauration d’un médiateur des relations commerciales agricoles pour « favoriser » une meilleure application des contrats. Le projet de loi veut aussi mettre en place des programmes stratégiques par filière « afin d’assurer leur développement et leur compétitivité« , principalement pour le porc et la volaille.
Outre la compétitivité des secteurs agricoles, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll veut encourager le tournant vers l’agroécologie, lui qui est convaincu de la nécessité d’allier à la fois performances économiques et écologiques. Les agriculteurs qui changeront leurs modèles de production seront incités à se regrouper dans les GIEE (groupements d’intérêt économique et environnemental) où ils bénéficieront « d’une priorité ou d’une majoration des aides publiques« . Autre mesure en faveur de l’écologie, le recours aux pesticides dans les champs et aux antibiotiques dans les élevages sera limité. Le texte prévoit un meilleur encadrement de la délivrance d’antibiotiques et un contrôle continu des impacts de l’usage des pesticides sur l’environnement et la santé.
Par ailleurs, la loi s’attaque à un certain nombre de sujets de société qui préoccupent les consommateurs, notamment après le scandale sur la viande de cheval en février dernier. Par exemple, les résultats des contrôles sanitaires dans les cantines, restaurants et usines seront désormais rendus publics.
Enfin, les députés ont accru la protection des appellations d’origine et indications protégées, en votant la création d’un droit d’opposition au dépôt d’une marque pouvant les léser.
À l’issue des débats, Brigitte Allain, cheffe de file des écologistes, affichait sa satisfaction : « Nous allons redonner un sens au métier d’agriculteur et recréer le lien au territoire qu’il n’aurait jamais dû perdre. Le Contrat Alimentaire Territorial que nous avons inscrit dans ses objectifs confèrera aux acteurs des territoires les moyens de leurs ambitions. »
(voir article sur le Contrat Alimentaire Territorial : )
D’autres avancées ont été obtenues par les écologistes notamment sur la place des semences paysannes afin de faciliter leur échange et utilisation, l’orientation de la formation vers l’agronomie et l’agriculture biologique.
Au terme de cette première lecture, les député-e-s écologistes – qui se sont mobilisés en nombre sur ce sujet – ne peuvent que se féliciter de l’audace dont la majorité a fait preuve, et l’attitude constructive du ministre de l’agriculture.
Douze amendements écologistes ont été adoptés relatifs notamment à la création du contrat alimentaire territorial (http://ericalauzet.eelv.fr/contrat-alimentaire-territorial-adopte-nous-allons-redonner-un-sens-au-metier-dagriculteur-et-recreer-le-lien-au-territoire-quil-naurait-jamais-du-perdre/), à la promotion de la conversion à l’agriculture biologique, à la reconnaissance du rôle des territoires dans la politique agricole, à la valorisation des aménités (services écosystémiques), à la promotion de l’agroécologie et l’agriculture biologique dans l’enseignement agricole. Par ailleurs le recours à des semences paysannes hors commercialisation est protégé de l’obligation de déclaration de celles-ci et un rapport d’évaluation de la création de l’IAVF est demandé deux ans après celle-ci.
Le seul vrai regret est lié au statu quo sur la méthanisation.
Les députés EELV et Eric Alauzet, présent une grande partie des débats, compte poursuivre, avec leurs collèges sénateurs et en seconde lecture, le travail d’amélioration du texte sur cette question de l’encadrement de la méthanisation mais également du contrôle des structures pour l’accès au foncier – afin de favoriser l’installation et les projets écologiquement et socialement positifs -, les enjeux énergétiques, biomasses, méthanisation et agro carburants. Les écologistes souhaitent que le gouvernement aille plus loin sur l’azote (pour éviter les marées vertes) et sur les pesticides et leurs alternatives (PNPP) ; et enfin des progrès restent à faire sur la représentativité de la société civile dans les décisions « agricolo-agricoles » ainsi que dans la promotion de la recherche participative en agriculture.
Cette loi d’orientation sera un levier important dans les négociations à venir sur la scène européenne, afin de faire de l’agroécologie une réalité partagée sur l’ensemble de la chaîne de production et de consommation de l’Union.
Principales mesures du texte
– Titre préliminaire réécrivant les grandes orientations de la politique agricole : nationale, européenne, et territoriale (ECOLO), souveraineté alimentaire, sécurité sanitaire, respect de l’environnement, de l’emploi, des normes sociales (ECOLO) en luttant contre le CC, caractère familial et recherche d’autonomie des exploitations, information des consommateurs, diversité des produits, circuits courts, conversion à l’agriculture biologique (ECOLO), économies d’énergie, aide alimentaire, solidarité internationale (ECOLO), démarches collectives, protection des terres agricoles, tient compte des spécificités des zones de montagne, des outre-mer, …
– Définition de l’agro-écologie (AE) (sur incitation des ECOLOS): « Les systèmes de production agro-écologiques privilégient l’autonomie des exploitations agricoles et l’amélioration de leur compétitivité en diminuant la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques. Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l’utilisation des potentiels offerts par les agro-écosytèmes. Ils utilisent les ressources naturelles, en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l’air, en les préservant du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à la lutte contre le changement climatique et à l’adaptation à ses effets. »
– Création des Groupements d’Intérêt Economique et Environnemental (GIEE), bénéficiaires des aides du 2e pilier de la PAC et bras opérationnels de l’AE
– Elargissement du bail environnemental à tout le territoire
– Réforme des GAEC et de la gouvernance des coopératives
– Protection des terres agricoles (dont extension des missions des CDCEA, EPCI compétents pour les PAEN réclamés par les ECOLOS dans ALUR)
– Réforme des SAFER et extension de leur droit de préemption aux parts sociales, aux démembrements de sociétés + clarification de la notion de « terrain nu »
– Installation : Elargissement de la définition de « jeune agriculteur » et des critères d’assujettissement au régime des non-salariés agricoles, dispositifs d’encouragement à l’installation progressive, contrat de couverture sociale, …
– Limitation de l’utilisation d’antibiotiques en médecine vétérinaire
– Suivi post AMM des phytos et interdiction de la publicité pour le grand public
– Transfert de la délivrance des autorisations de produits phyto à l’ANSES
– Nouvelles missions pour l’enseignement supérieur et la recherche pour promouvoir l’agro-écologie (dont propositions ECOLO)
– Création d’un fonds stratégique bois – forêt
– Création des GIEEF
– Intégration dans le code forestier de mesures pour éviter la mise sur le marché de bois et de produits issus d’une récolte illégale
Principaux amendements écologistes adoptés (118 déposés en séance, 12 adoptés)
– Création du contrat alimentaire territorial : « projets alimentaires territoriaux visant à rapprocher les producteurs, les transformateurs, les distributeurs, les collectivités territoriales et les consommateurs dans une relation partenariale ou contractuelle, conciliant des objectifs de développement de l’agriculture sur les territoires et de qualité de l’alimentation répondant aux attentes des consommateurs. »
– Priorité à la conversion à l’agriculture biologique
– Exclusion des semences de ferme de la législation sur la propriété intellectuelle sur le vivant
– Reconnaissance de la dimension territoriale des politiques agricoles
– Valorisation des aménités environnementales et des spécificités régionales
– Promotion de l’AE et de l’AB dans l’enseignement et la formation
De plus, sur incitation des écologistes des amendements gouvernementaux sur la définition de l’AE et le conditionnement de l’accord du bailleur à la mise à disposition d’un bail rural par le preneur pour les associations à vocation rurale.
Amendements écologistes prioritaires et non satisfaits
Encadrement du plan de méthanisation :
– fléchage des aides aux méthaniseurs sur les projets collectifs (GIEE)
– interdire l’introduction des produits comestibles dans les digestats et/ ou interdire les cultures dédiées
Azote :
– instauration d’un plafond d’azote organique et minéral
– obligation de déclaration de l’azote commercialisé dans les zones vulnérables
Politique de l’installation :
– mettre en place une surface maximale d’agrandissement
Gouvernance :
– la plupart des amendements relatifs à l’extension du droit de pré-emption des SAFER ont été classés irrecevables au titre de l’art. 40. Les autres rejetés.
Santé environnementale :
– co-responsabilité de l’ANSES, et des Ministères en charge de l’environnement, de l’agriculture et de la santé pour les AMM de produits phytosanitaires
– Interdiction d’avantages et remises commerciales sur les antibiotiques
– sont reconnues comme contribuant à la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires, à la préservation de la biodiversité naturelle et cultivée et à la lutte contre le changement climatique (redéposer sous forme d’un rapport)
Enseignement supérieur et recherche
– soutien à la recherche participative
– soutien à l’immersion à la ferme
Bonjour, on constate peu de chose sur la forêt et préservation des sols
On peut l’expliquer de plusieurs manières
1) le nombre d’articles sur l’agriculture était bien supérieur à celui qui concernait la forêt
2) on a fini par les articles sur la forêt, en fin de semaine
3) l’agriculture est bien plus polémique que le bois ; le débat sur l’agro-écologie a été plus vif
Mais les sujets sur la forêt restent bien entendu d’une pertinence absolue !
Eric ALAUZET