Lettre du PG Melun aux camarades du PCF
Chers camarades du PCF Melun,
Chers sympathisants du Front de Gauche, écologistes et socialistes,
Avant tout merci d'avoir exprimé les arguments qui vous ont conduit à faire le choix de rallier la liste gouvernementale socialiste. Cela nous donne, en tant que Parti de Gauche, l'occasion d'expliquer tout aussi clairement notre désaccord sur les deux fronts de la politique locale et nationale, que d’ailleurs vous n’oubliez pas de mentionner dans votre lettre.
D'abord, nous sommes très fiers du soutien de Jean-Luc Mélenchon à la liste écologiste et citoyenne de gauche "Bien Vivre à Melun" conduite par Bénédicte Monville et soutenue par Europe Ecologie Les Verts et le Parti de Gauche membre du Front de Gauche.
Nous sommes convaincus de la nécessité de réinventer une nouvelle gauche qui ait l'ambition de gouverner les communes et le pays, qui participe d’une vision écologiste et socialiste courageuse, rompe avec les dogmes libéraux et la social-démocratie d'accompagnement. Une gauche novatrice qui introduise des éléments de radicalité concrète pour défendre les classes populaires des effets dévastateurs de la crise écologique et sociale du système capitaliste.
Ces options politiques fondamentales, nous amènent à prôner une approche renouvelée de la participation politique citoyenne et une refonte de la charte commune, vers une VI République. Les traditions et les tentations oligarchiques des classes et castes au pouvoir doivent être contrées par des contrepouvoirs qui permettent aux citoyens de se réapproprier la chose publique. Nous nous battons contre la monarchie de la V République qui confie le pouvoir à un seul homme, du président de la République au maire.
Par conséquent, dans ces élections municipales nous refusons la culture majoritaire qui voudrait faire croire que les compromis et les pré-accords, entre représentants des partis politiques et avant le premier tour, sont obligatoires.
Nous pensons que c'est aux citoyens de s'exprimer sur les différentes approches et visions générales présentes à l'intérieur de la gauche française. Nous pensons que l'hégémonie du Parti Socialiste sur la gauche française s’est construite sur ce système majoritaire du bipartisme et qu’elle n’est pas représentative de l’état du rapport des forces à gauche. Les prochaines élections européennes proportionnelles le montreront.
Ne serait-ce que pour cela, nous sommes fiers de présenter notre liste de renouvellement et pouvoir ainsi donner aux électeurs melunais la possibilité de choisir entre une gauche gouvernementale et renonciatrice, et une gauche novatrice et profondément ancrée dans les valeurs de répartition des richesses, d'écologie et pour un changement radical de modèle de société.
Les électeurs melunais sont les seuls à devoir trancher, personne ne peut le faire en leur nom. Nous leur faisons pour ça, pleinement confiance.
Nous sommes déçus, que vous n'ayez finalement pas eu le courage (et la vision) de partager cette expérience avec nous, même si nous pouvons entendre, sans les partager, les raisons qui vous ont récemment porté à rallier la liste socialiste. Votre choix à Melun est peu lisible au vu de celui que vous avez fait à Dammarie-les-Lys, seconde commune de l'agglomération, ou vous avez eu la même démarche que nous à Melun, une liste autonome soutenue d'ailleurs par EELV.
La valeur intrinsèque de notre démarche réside aussi dans la constitution d'un laboratoire politique de rénovation de la gauche qui parte de l'échelon local. Il est crucial en effet d'élaborer des visions générales à partir du concret des choix municipaux. Nous refusons toute approche gestionnaire "clés en main" et la personnalisation de la chose publique municipale. Nous sommes au contraire candidats à faire une politique locale qui rompe avec les schémas préconçus et les intérêts carriéristes et personnels.
En plus, nul ne peut nier les multiples valeurs nationales du scrutin municipal qui est caractérisé par trois axes principaux:
- les élus locaux sont les grands électeurs du sénat qui sera bientôt partiellement renouvelé.
- le caractère d'élection de mi-mandat cruciale pour les équilibres entre la majorité présidentielle et l'opposition
- et "last but not least" le rôle crucial pour déterminer les équilibres internes à la majorité en place et au sein du Parti Socialiste.
Il n'est pas nécessaire dans ce contexte et avec vous militants de gauche et communistes, de rappeler combien la majorité actuelle a profondément trahi le mandat donné par les français et surtout par les électeurs déterminants du Front de Gauche grâce auxquels Hollande a été élu. Inutile d'insister sur le fait que certaines mesures phares de ce gouvernement comme le CICE, le pacte « d'irresponsabilité » avec le patronat, le recul effectif de l'âge de la retraite, les coupes budgétaires aux services publics etc… constituent, avec les choix de continuer les politiques mises en place par Sarkozy (loi Hôpital, flux migratoires, université …) et avec le renoncement total à des politiques écologistes, un vrai tournant réactionnaire et néolibéral du principal parti de la gauche française et avec lui de notre pays.
Il se trouve que dans cette majorité, parmi les écologistes mais aussi parmi les socialistes une bonne fraction est très critiques face à ces choix et l'expriment de plus en plus fort, et c’est le cas de Bénédicte Monville. C'est à eux d’en tirer des conséquences dans les modes et les temps qu'ils choisiront. Nous respectons et regardons attentivement la maturation de cette opposition interne que nous souhaitons devenir majoritaire un jour pour nous rejoindre dans la nouvelle gauche que nous construisons.
Mais Francois Kalfon, tête de la liste à Melun que vous soutenez, est dans les faits à la droite du PS et dans la droite ligne des choix gouvernementaux. En effet, mis à part des éléments de langage utilisés dans les médias et dans les tractations locales avec vous où il dit être d'accord avec le programme "l'humain d'abord", FK n'a par exemple pas signé la motion de la gauche du PS critique envers le « pacte de responsabilité ». Autrement dit, FK défend, dans les faits, "la politique du gouvernement et l’austérité". Dans le passé aussi FK, était dans la mouvance de DSK et Cahuzac. FK est un lieutenant de Manuel Valls et prend publiquement parti en sa faveur et en faveur de sa ligne politique. Pour nous et en principe pour vous aussi, cette ligne incarnée par une posture autoritaire droitière se substituant à une approche inclusive des problèmes sociaux et par un soutien au libéralisme économique de Hollande, représente ce qu'il y a de plus lointain du Front de Gauche et s'apparente essentiellement à une vision politique de droite.
Soutenir Kalfon à Melun, au vu du poids qu'un maire peut avoir dans un parti politique, signifie contribuer au renforcement au sein du PS de la dérive droitière et libérale du gouvernement actuel. Dans les rapports de force à gauche cela revient à amoindrir les possibilités pour les sujets critiques de la majorité de s'opposer au cours actuel des choses. On ne veut même pas imaginer le scénario catastrophe pour la gauche entière, d'un PS qui après les élections municipales et européennes sera globalement sanctionné mais à l'intérieur duquel la frange de Valls dont Kalfon fait partie, prendrait les commandes...
D’un point de vue éthique, un problème ultérieur se pose. Les actes et prises de positions de François Kalfon renvoient à une culture politique que nous ne partageons pas : l' auto-parachutage en zone "prenable", le cumul des mandats et indemnités d'élu (communal et régional), son apparent absentéisme reporté par la presse, la présence récurrente sur les plateaux télé pour discuter de n'importe quel sujet avec les pires personnages de la droite, les points de vue exprimés qui flirtent avec la technique de triangulation "à la Blair" et use d’éléments de langage et de thèmes de tradition droitière. Autant de points faibles qui font de FK un contributeur au phénomène d'éloignement de nos concitoyens de gauche de la politique, et alimentent le discours ambiant du "tous pareils". Et comme la méthode de la liste PS est une forte personnalisation il est évident que sur le personnage se concentrent les critiques.
Voilà mieux développée, dans toute sa complexité l'articulation et la cohérence entre choix locaux et nationaux, les rapports de forces en présence à gauche et notre rôle localement. Ce qui permet aussi d'expliquer le concept de "leçon" aux forces gouvernementales évoqué par Jean-Luc et de répondre à ton objection "partout où nous ferons reculer la droite, les idées de droite reculerons". Il est évident que tu te trompes. Nous avons fait reculer la droite lors de la dernière élection présidentielle et le résultat est une gauche divisée avec un parti hégémonique au pouvoir qui est en train d'opérer une mutation néolibérale et droitière dont la France et la gauche subiront les conséquences pour longtemps.
Venons donc aux thèmes municipaux qui nous sont chers et voyons pourquoi nous avons choisi pour ces raisons aussi de porter une liste autonome du PS, en toute cohérence avec la ligne générale décrite précédemment.
Les combats contre les délégations et privatisation des services publics municipaux tels que l'eau, les cantines scolaires, les parkings :
Tu n'es pas sans savoir que nous sommes engagés dans ces batailles depuis des années, EELV Melun ayant eu un rôle moteur et déterminant, pas une fois le PS n'a contribué ou seulement participé aux initiatives organisées. Nous sommes donc certains de nos convictions mais nous doutons de la suite que les socialistes pourront donner à ces batailles une fois élus. À cela s’ajoute le bilan de François Kalfon, en tant que maire adjoint à Noisiel pendant 6 ans. Il ne s’est jamais battu pour remunicipaliser l’eau pourtant déléguée au privé, là aussi, et chère comme à Melun. Et pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? Au fond, c’est un choix cohérent avec la vision politique des hommes et des courants dont il est proche au sein du PS. Ceci étant dit, s'il a avancé et changé d'idée, c'est tant mieux. Ici à Melun la gauche de gauche, et d’abord EELV en l’occurrence, ne l'a pas attendu pour lutter contre toutes les DSP dans le souci du bien collectif et comme construction pratique d'un bouclier contre les politiques austéritaires de la droite et du PS.
Le nouvel hôpital en partenariat privé-public:
On n’oublie pas, non plus, la joie et l'autosatisfaction exprimée par Kalfon et partagée par la droite quand le COPERMO a définitivement approuvé le projet de plate-forme hospitalière en partenariat public-privé. De la part de la droite c'est un choix cohérent. De la part de Kalfon c'est un choix motivé par le fait que les porteurs de ce projet sont ses collègues socialistes à la région, ARS, département et députés PS du 77. Nous sommes opposés au principe du partenariat public-privé, surtout pour un bien universel tel que la santé, et d’autant plus que nous voyons les dérives, au profit du privé, d’une telle pratique. Prétendre "tout faire pour défendre l'hôpital public" quand par ailleurs on offre les secteurs les plus rentables au privé relève de la pure incantation électoraliste. La seule chose à faire est de demander un moratoire sur ce projet et sur la spéculation immobilière sur le site de Marc Jacquet qui l'accompagne. Aucune crédibilité n’est possible sans cohérence entre les principes généraux et les choix locaux. Comment faites-vous pour penser que les choses vont dans le bon sens ? Revenons à un peu de sain matérialisme, pourquoi le secteur privé investirait dans ce projet si ça n'était pas lucratif ? Croyez-vous encore à la fable du gagnant-gagnant ? Le PPP hôpital est une ligne de fracture importante qui marque une profonde différence de vision entre nous et la liste du PS. Nous prônons la reconstruction sans interruption de service de l'hôpital actuel et la création de Centres Municipaux de Santé complémentaire pour les soins de ville.
Et encore, le projet TZen:
Là aussi la rhétorique électoraliste de Kalfon est évidente quand il vient soutenir en novembre ce grand projet coûteux de bus en site propre pour connecter Melun au centre commercial Carré Sénart alors même que ce projet s’inscrit dans une vision d'étalement urbain rétrograde et polluant. Il suffit de réfléchir deux minutes et non pas seulement quand on est en pic de pollution, pour comprendre qu'il faut tout faire pour re-localiser les activités économiques et commerciales et redonner une vie au centre ville de Melun plutôt que de nous transformer en banlieue d'un temple du consumérisme.
Je passe mais je pourrais continuer sur l'approche sécuritaire des malaises sociaux, exprimée plusieurs fois par la tête de liste socialiste ou encore sur la question du droit de vote des étrangers qu'il considère comme un chiffon rouge repoussant pour l'électorat modéré ou de droite auquel il s'adresse aussi.
En conclusion nous essayons de porter dignement un projet et une démarche qui rallie une vision générale de renouvellement de la gauche à des radicalités concrètes localement. Notre but est de reprendre en main la chose publique en restituant la parole aux citoyens en commençant par une campagne électorale ouverte et courageuse ou les positions des uns et des autres sont discutées en toute transparence. Nous croyons aussi dans la valeur d'une gauche qui se reconstruit à l'échelon local et qui sait élaborer des solutions novatrices pour le futur, voir notre programme.
Il y a un fort besoin de projets à long terme, de cohérence entre les principes et les choix à faire. C'est un travail compliqué qui nécessite énormément d'énergie et de conviction. Nous sommes prêts!
Nous saluons donc le soutien de Jean-Luc Mélenchon à notre démarche, à la liste « Bien Vivre à Melun » et à notre tête de liste Bénédicte Monville, pour leur cohérence avec les valeurs de écosocialisme et avec la stratégie d’autonomie du Front de Gauche.
Nous proposons à tous les citoyens de gauche qui partagent notre vision de soutenir la liste "Bien Vivre à Melun" et de rejoindre ce beau projet collectif et pluriel.
Sandro De Cecco
Christian Bourdet
– pour le Parti de Gauche Melun et le comité « André Léo » Sud 77
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