100 jours après l’élection… Le bilan de Geneviève Lebouteux

Geneviève LEBOUTEUX, conseillère régionale. Membre de la Commission du développement et des activités économiques, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Démarrage des éco-filières, le dossier Notre-Dame des Landes, l’apprentissage des commissions et du fonctionnement du Conseil Régional et un séjour en Chine, Geneviève Lebouteux revient sur ses premiers 100 jours en tant que conseillère régionale.


Le Conseil régional est une grosse machine, apparemment très bien huilée et efficace qui produit un nombre impressionnant de décisions et d’engagements financiers. Ces décisions sont préparées par les personnes travaillant dans les services (plusieurs centaines) avec normalement l’accompagnement des élus référents et dans la ligne des engagements politiques pris collectivement.

 

Au sein de ce fonctionnement, il ne m’a pas été facile de faire ma place et ce n’est pas encore totalement fait. Débarquant « d’un autre monde » et malgré ma bonne préparation du fait de mes fonctions à l’Insee et de mes activités militantes, il fallait sauter dans un train en marche. Je garde de ces trois mois un sentiment de précipitation car il faut aller très vite sur plein de choses et on manque cruellement de temps pour faire le tour des questions. Vis-à-vis de ce manque de temps, une chose est paradoxale c’est que chaque dossier de décision à prendre est « examiné » par les conseillers régionaux plusieurs fois de suite, en commission et en assemblée plénière (ou commission permanente).

 

Ce fonctionnement a l’air d’être commun à toutes les instances politiques élues (des communes au parlement…) car quand j’en parle autour de moi, c’est ce qu’on me renvoie. Je ne sais pas s’il est constitutionnel, en tout cas, je le trouve à la fois « réglo » et pesant. Il peut d’ailleurs s’avérer contre-performant pour un élu qui va voir son temps disponible pour le travail régional mobilisé par ces longues demi-journées de réunion alors qu’il manque de temps pour travailler à sa mission, rencontrer des acteurs, être sur le terrain… Cela m’intéresserait de savoir comment ça se passe dans d’autres pays démocratiques.

 

Je suis un peu déçue des débats au sein de l’institution. Les discours et les débats sont souvent convenus et la manière dont a été organisé le seul séminaire de la majorité auquel j’ai participé, ne laisse pas réellement la place à un véritable échange d’idées. Cela vise, à mon sens l’efficacité dans les prises de décisions mais aussi un moindre dérangement pour l’équipe dirigeante.

 

  • Au sein de ma commission, quelques petits pas pour commencer

 

A l’intérieur de la commission « Développement et activités économiques, enseignement supérieur, recherche et innovation », présidée par Christophe Clergeaud, notre premier travail à Emmanuelle Bouchaud et moi-même, a été de participer à la rédaction de la note d’orientation 2010-2014 de la commission, sorte de feuille de route collective. Nous avons veillé à ce que les orientations écologistes du programme de 2e tour soient présentes.

A cette occasion, j’ai touché du doigt la difficulté que nous aurons à bien nous comprendre au sein de notre majorité. C’est un défi à relever car nous sommes là pour travailler ensemble. En effet, nous portons des visions du monde et de l’avenir bien différentes et donc des priorités différentes. Pour caricaturer, je résume nos visions :

– Celle de nos partenaires socialistes : « L’avenir est dans le progrès technologique, diffusé dans le plus grand nombre d’entreprises (l’innovation), il faut être présent à l’international. Il faut continuer tous les efforts dans le sens du développement économique, mais le faire mieux qu’avant : avec les contraintes environnementales nouvelles. »

– La nôtre : « Notre modèle de développement est responsable des dégâts écologiques et humains en cours, il est temps d’en changer. Il est d’ailleurs en bout de course et produit les crises majeures actuelles, y compris économiques et financières. Nous avons la responsabilité d’anticiper les conséquences de ces crises sur les territoires et donc favoriser le plus possible leur autonomisation, ainsi qu’un mode économique basé sur de nouvelles valeurs : sobriété, durabilité, coopération… »

 

Au cours d’un atelier d’un séminaire sur les PME et les territoires organisé par le CESR et le CR, nous avons trouvé un certain écho aux positions que nous avons avancées : renforcer l’autonomie des territoires avec un réseau productif de proximité : artisanat, agriculture, isolation des bâtiments, circuits courts ; réduire notre empreinte écologique… Le monde des PME est par endroits déjà bien engagé dans cet état d’esprit.

 

  • Un démarrage de ma mission sur les éco-filières

 

Je suis chargée de « suivre plus particulièrement les politiques régionales favorisant l’émergence des éco-filières (hors filière énergie qui est du ressort d’Emmanuelle Bouchaud), ainsi que toutes les actions de soutien aux éco-projets contribuant à la prise en compte du défi environnemental au sein des entreprises de filières classiques ». Cette mission a fait l’objet d’une note de cadrage précise à laquelle nous avons été plusieurs à collaborer. Elle est officielle depuis début juillet, ce qui va me permettre de rencontrer les personnes des services en charge de ces sujets… Je suis impatiente de m’investir dans cette mission. J’ai pris un premier contact courant juillet mais là aussi je me suis heurtée à certaines lourdeurs : il faut que le chef du chef assiste à cette première rencontre, ce sera pour septembre…

 

Les éco-filières constituent un projet très intéressant mais je ne le connaissais pas particulièrement. J’ai donc passé du temps à me documenter sur ces vastes sujets (déchets, éco-construction, dépollution de l’eau des sols, éco-conception…) avec le souci de privilégier les activités permettant d’éviter les pollutions et les gaspillages plutôt que celles traitant et donc « se nourrissant » de ces pollutions et gaspillages ! Tout en sachant que tout n’est pas blanc ou noir. Vaste programme ! Je suis aidée dans ces recherches par l’une des collaboratrices du groupe Europe Ecologie, Clotilde Sers, pour une part de son temps.

 

Pour cette mission, j’ai défini mes priorités pour les mois à venir :

– participer à la définition des critères pour l’appel à projet régional pour des éco-activités innovantes (mise en place de plates formes régionales d’innovations). Un budget de 400 000 euros a été voté lors de la dernière séance du Conseil ;

– participer à l’appel à candidature pour une étude régionale sur les éco-activités

– Rencontrer des acteurs déjà en réseaux : éco-recycleries, isolation de l’habitat, éco-construction…

 

  • Mon apprentissage des délégations

 

Chaque conseiller régional représente la Région au sein d’un certain nombre d’organismes (plus de 500 en tout dont 200 lycées), sans compter les représentations ponctuelles pour des cérémonies. Pour ma part, je suis déléguée titulaire dans 11 organismes (dont 4 lycées) et suppléante dans 5 autres (dont 3 lycées).

Je suis déléguée dans plusieurs organismes traitant de la pêche et de l’aquaculture. Pour l’instant, la seule réunion à laquelle j’ai participé m’a permis d’approcher un peu le désarroi profond de la profession et les plans successifs qui essaient de «rationnaliser » , de « restructurer» l’activité…

 

Je suis déléguée dans quelques établissements d’enseignement supérieur : très intéressant de constater le dynamisme et les projets en cours, en particulier sur les énergies renouvelables. L’action de la Région parait appréciée.

 

Idem dans les lycées où je suis allée. Et puis, une action dont je suis fière : un conseil de lycée s’apprêtait à adopter un système de contrôle et de paiement pour la cantine à partir du contour de la main du lycéen. J’ai exprimé ma profonde réticence vis-à-vis de ce procédé car, en termes d’éducation, c’est pour moi inculquer aux jeunes l’image d’une société « à la 1984 d’Orwell », tout le contraire de ce que je souhaite. J’ai fait remonter ces éléments à Matthieu Orphelin, notre vice président responsable de la Commission Education et apprentissage, qui a interrogé le cabinet de la Région : nous partageons la même façon de voir. J’ai demandé à ce que les services de la Région aident ce lycée (et d’autres) à trouver une solution intéressante et acceptable pour le contrôle et le paiement de la cantine. Affaire à suivre…

 

  • Sur le front du projet d’aéroport à Notre Dame des Landes

 

Le combat pour l’abandon de ce projet reste bien sûr dans mes premiers objectifs. J’anime un groupe de travail pour faire avancer nos positions sur le sujet de Notre Dame des Landes au sein du Conseil régional. Cela nous a permis de préparer certains votes et de rester très vigilants sur le sujet. Il est crucial de faire respecter notre accord de second tour sur le sujet. La signature récente d’un accord général de financement des 3 principales collectivités, sans processus démocratique, a fait émerger de vives tensions. Christophe Dougé, notre président de groupe, et Jean-Philippe Magnen sont actuellement en première ligne sur le sujet. J’apprécie beaucoup la détermination et la solidarité qui existent au sein du groupe Europe Ecologie, en particulier sur ce sujet. C’est essentiel pour la vie du groupe.

 

Le débat est, de fait, ré-ouvert, c’est l’occasion de le vivre pleinement au sein de la majorité, en conformité avec nos engagements programmatiques. Nous souhaitons un débat contradictoire dans lequel nous présenterons le diaporama de Solidarités Ecologie et de l’Acipa.

 

  • La Chine et le positionnement de la Région à l’international

 

Je me suis retrouvée participer à la mission de la Région en Chine, fin juin. Mission à Shanghaï et dans la province du Shandong avec laquelle la région a une coopération décentralisée. Première fois que j’allais en Chine et même en Asie. Je n’ai vu que la partie riche et développée du pays, celle-ci n’a apparemment rien à envier aux pays occidentaux en termes de niveaux de vie ! On estime que 300 millions de Chinois (20 % de la population) ont un niveau de vue correspondant au niveau de vie moyen des Européens.

 

Ces personnes adoptent la voiture, les déplacements, le consumérisme et, pour les plus riches d’entre eux, le bateau, les produits de luxe… Cette situation fait rêver beaucoup d’entreprises occidentales qui y voient un marché énorme. En outre, le pays s’est lancé dans un grand programme d’infrastructures : travaux publics, bâtiments, centrales à charbon, centrales nucléaires (380 nouvelles centrales nucléaires sont prévues). J’ai réalisé à quel point ce pays était puissant et en « expansion ».

 

Son modèle de développement est très semblable au nôtre, ce qui me parait très inquiétant (une illustration du livre d’Hervé Kempf : « Comment les riches détruisent la planète »). Ce mode de développement va aggraver et accélérer tous les problèmes écologiques et humains auxquels nous sommes déjà confrontés. Mais à court terme, nos entreprises voient leur intérêt, bien sûr.

 

Notre groupe EE devra se positionner sur le sujet de la position de la région à l’international : un sujet qui sera mis en débat au CR avant la fin de l’année.

 

  • Manque de temps

 

Sur un plan personnel, je suis passée à mi temps à mon travail et j’ai donc dégagé 2 jours et demi par semaine pour le travail à la Région. Ce n’est pas du tout suffisant et je n’ai presque plus pu trouver de temps personnel pendant ces 3 mois ! Pas évident ! Heureusement que ce nouveau mandat d’élue me plait et qu’il est dans l’ensemble très intéressant, cela m’a permis de supporter un rythme à bien plus que 100 %. J’ai toutefois repéré récemment que je peux disposer de par la loi de bien plus de temps sur mon temps de travail que ce que je pensais. Je vais donc utiliser davantage ce temps « de décharge » (en espérant que mon travail n’en pâtira pas trop).

 

J’ai veillé à ce que mon activité de conseillère régionale ne soit pas source d’enrichissement personnel (ni d’appauvrissement) et j’ai donc calculé mes versements associatifs de façon à ce que mon revenu actuel (mi-temps + indemnité d’élu) correspondent à ce que je gagnais précédemment.

 

J’ai fait attention à conserver l’essentiel de mes engagements associatifs et mes activités de détente, même si j’ai dû réduire. J’ai publié un article dans le bulletin de Solidarités Ecologie pour présenter ma nouvelle fonction (juin). Deux réunions de l’association ont eu lieu. L’une publique, avec d’autres élus locaux, où les échanges ont beaucoup porté sur les liens entre les élus et ceux qui ne le sont pas ; l’autre, une assemblée plénière, au cours de laquelle un échange a eu lieu sur le retour de ma mission en Chine.

 

Je suis invitée aux réunions des élus de gauche de la CCEG. Je suis allée à une pour l’instant, intéressante.

Avec tout ça je n’ai pas le temps de tout faire, en particulier la réponse à tous les courriers !

 

Geneviève LEBOUTEUX

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