Discours d'Agnès Mollon - Session du 8 novembre 2011
Par nicole rouaire le jeudi 10 novembre 2011, 13:10 - Voeux, discours, communiqués - Lien permanent
Monsieur le Président, Chers Collègues,
Il y a eu, il y a et il y aura Fukushima. C’est la 4ème fois que je
vous le dis, et certainement pas la dernière !
Depuis la session de septembre, nous avons eu l’épisode 2 de l’accident de
Marcoule.
Dans le premier épisode, rappelez-vous, qui avait déjà fait 1 mort et 4
blessés tout de même, la filiale d’EDF et l’IRSN s’adonnaient à des
déclarations à l’emporte pièce pour rassurer leur petit monde : une
radioactivité très très faible, pas de contamination environnementale bien
sûr…Bref, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes
nucléocrates !
Néanmoins, dans le deuxième épisode, la réalité devient plus fumeuse, le
monde nucléaire plus opaque… Comme à chaque fois finalement !
Grâce au travail d’investigation de la CRIIRAD, la vérité éclate au grand
jour, et on se retrouve avec un seuil de radioactivité finalement 476 fois
supérieur à ce qui avait été annoncé au départ. 476 fois supérieur, vous avez
bien entendu !
La suite, on la connaîtra dans un troisième épisode, que je n’aurai aucun
plaisir à vous conter.
Je reprendrai simplement les dernières déclarations de Jean Luc Mélenchon,
qui marquent je l’espère un tournant dans l’esprit de la gauche française, mais
aussi auvergnate ! : « Nous connaissons aussi les risques et les
servitudes liés à l’utilisation de l’énergie nucléaire. Nul parmi nous ne les
nie ». Risques et servitudes ! C’est bien cela que nous répétons sans
cesse, et qui nous vaut trop souvent d’être perçus comme des politiciens
dogmatiques!
Si personne à Gauche ne nie ces risques et cette servitude, alors il faut engager en urgence un programme de sortie du nucléaire, en préparant une transition énergétique capable de répondre au double défi climatique et énergétique.
C’est la même chose pour l’agriculture ! Toute la gauche vante
les mérites du bio, constate les dégâts environnementaux et sanitaires
provoqués par les pesticides et l’agriculture intensive. Alors au-delà
des déclarations d’intention, il faut maintenant des actes suivis d’effets
!
La production et la consommation de produits bio augmentent partout en
France mais les objectifs du Grenelle ne seront pas atteints. C’est une
habitude malheureusement avec ce Grenelle, bien que le président Sarkozy vante
imperturbablement son bilan. Enfin, sauf quand il déclare que
l'environnement ça commence à bien faire…
En France, seules les régions PACA et Languedoc Roussillon dépassent les 6%
de surface agricole utile dédiée au bio. Comment la Région Auvergne peut-elle
expliquer son retard ? Nous avons pourtant prétendu à devenir la 1ère
région bio de France, et la qualité de nos terroirs et de notre environnement
nous autorisaient cette ambition.
Comment vous est-il possible, Monsieur le Président, de demander au sein des
instances européennes lors de la réforme de la PAC, des avancées plus
importantes sur l’environnement et de ne pas œuvrer plus fortement en Auvergne
pour soutenir et structurer les filières bio et de qualité ?
La problématique écologique ne peut pas être simplement traitée par des solutions purement économiques, des ajustements mineurs. Les activités les moins polluantes, les énergies renouvelables, les circuits courts offrent plus d'emplois, tout le monde le sait ici, et c’est un élément décisif aujourd’hui en période de crise et de montée du chômage. Remettre en question nos modes de vie, c’est franchir un pas déterminant pour traiter globalement la question écologique : la gestion des déchets, l’épuisement des ressources, les atteintes irrémédiables à la biosphère, …
Nous souhaitons que le Fonds d’Investissement Auvergne Durable soit
fidèle au choix sémantique, de sorte que le terme « durable » ne soit
pas un simple déguisement.
Le FIAD doit réellement être un outil au service du développement durable,
où les entreprises subventionnées respecteront des critères
d’éco-conditionnalité, tant sur leur fonctionnement que sur les produits et les
services délivrés. Nous souhaitons retravailler tous ensemble sur ces critères
d’évaluation, pour soutenir les entreprises les plus ambitieuses, qui ne se
contentent pas uniquement de respecter la loi. C’est la condition sine qua non
pour éviter le greenwashing et développer une économie vertueuse en
Auvergne.
Inciter les entreprises à s'approprier les critères développement durable,
c'est leur permettre de se préparer pour l'avenir, ce n'est pas leur imposer
des contraintes insupportables. Monsieur le président, vous qui reprenez notre
slogan "penser global agir local", sachez que le développement durable est
l'outil qui permet de mettre en œuvre cette belle maxime.
C’est pourquoi nous avons souhaité intégrer le VP chargé de la prospective et du développement durable dans la commission ad hoc. Nous souhaitions réfléchir à des critères d’évaluation sur les produits et les services des entreprises, et non plus seulement sur la façon dont elles les produisent. En effet, nous ne souhaiterions pas, par exemple, soutenir en Auvergne la fabrication de mines anti-personnel, même si celle-ci se fait dans des conditions respectueuses de l'environnement et socialement vertueuses !
A ce propos, il y a visiblement encore confusion dans l'esprit de nombreux membres de cette assemblée, entre les termes environnement et développement durable. En témoigne ce nouveau concept trouvé p.55 du DOB, le "développement humain et durable", dans lequel le développement humain semble correspondre au pilier social du développement durable, tandis que le développement durable lui-même est réduit à l'environnement… Ecoutez, nous sommes dans la partie lycées : "Dans le cadre du développement humain et durable, plusieurs plans d’équipement vont concourir à améliorer les conditions de travail des agents des lycées (laveries etc….) tout en améliorant la prise en compte du développement durable (pompe à chaleur et baisse des consommations d’eau, etc…)."
Vous pouvez trouver cela anecdotique, je crains que cela ne reflète au contraire une méconnaissance profonde de la façon dont nous devrions concevoir notre action. Entendrons-nous un jour ici même, à l'instar de l'envolée du président Sarkozy sur l'environnement, "le développement durable ça commence à bien faire !" ?
Concernant les orientations budgétaires, nous remarquons avec le CESER qu'elles sont construites sur la base des contraintes financières (notation oblige) plutôt que sur la réponse aux réels besoins du territoire auvergnat. Comme il le note, la Région n’a plus de force de frappe et les choix politiques manquent d'ambition. Cela est dû non seulement aux baisses des dotations de l'Etat, mais aussi à vos choix, Monsieur le Président. Entre le refus d'augmenter la capacité de désendettement de la Région à 4,5 ans, et le report à 2013 de la hausse du tarif des cartes grises, les orientations que vous nous proposez pour 2012 marquent forcément un retour aux fondamentaux : le développement économique et l’innovation, la formation et la jeunesse, le Très Haut Débit et le ferroviaire, essentiellement appréhendés comme des outils d’attractivité du territoire. Espérons que les mauvaises surprises annoncées hier dans le Plan de rigueur ne vous feront pas regretter ces choix.
Quoi qu'il en soit, l’environnement ne fait pas partie des priorités. Nous ne sommes pas les seuls à le remarquer, le CESER jugeant les orientations régionales « insuffisamment offensives ». Je le cite : "Le secteur de l’Environnement devrait constituer une préoccupation transversale adaptée à l’ensemble des programmes de la Région."
Plus de trois semaines après le lancement du débat public sur le
POCL, nous constatons également sans surprise que les enjeux environnementaux
autour des tracés inquiètent la population.
Nous tenons à rappeler que notre soutien à la LGV POCL est très largement conditionné. Nous ne sacrifierons pas les milieux exceptionnels de la forêt de Tronçais et du Val d’Allier notamment au profit de la grande vitesse ! Nous serons ainsi très vigilants quant au choix du tracé et au financement de cette LGV. Elle ne devra pas se faire non plus au détriment des réseaux ferroviaires classiques de la Région qui constituent pour nous la vraie priorité. Régénérer les voies ferrées, moderniser le réseau, rouvrir les lignes fermées là où le trafic potentiel le justifie… Voilà les enjeux du Plan Rail auxquels la Région devra faire honneur avec fermeté et conviction !
Quelques mots sur les mesures proposées par le ministre/maire du Puy
en Velay ! La droite sociale, toute une affaire ! Après avoir
déjà dénoncé les « dérives de l’assistanat », proposé de remettre
au boulot les bénéficiaires du RSA, considérés comme de véritables fainéants,
« un cancer » pour la société, Laurent Wauquiez a trouvé une nouvelle
lubie ; réserver une partie des logements sociaux à ceux qui
travaillent... Ben voyons ! La méritocratie n’a plus de limites… Et quand
leur entreprise délocalise en Roumanie, faisant d'eux des chômeurs, on les vire
aussi de leur logement ? Le maire d'une ville aussi pieuse les invite à
boire le calice jusqu'à la lie…
On dirait bien que le projet de l’UMP pour 2012 s’affine. Pour justifier la crise et l’inefficacité des mesures du gouvernement, il faut bien trouver des boucs émissaires ! Pendant ce temps, on peut continuer tranquillement à geler les dotations des collectivités, à appliquer des exonérations fiscales aux nantis de ce pays, à faire des cadeaux aux grandes entreprises, et à recapitaliser des banques à tout va ! Tout en s'indignant que les enfers fiscaux n'aient pas encore disparu, terrorisés par les magnifiques effets d'annonce de 2008, "les paradis fiscaux c'est terminé !".
Enfin, notre groupe vous présentera aujourd’hui deux vœux.
Le premier relatif à la reconnaissance comme « crime d’Etat » du massacre des immigrés algériens à Paris, le 17 octobre 1961. La France ne peut plus continuer aujourd’hui d’ignorer ce crime, totalement contraire aux valeurs humanistes de la République. Elle se doit d’ouvrir totalement ses archives pour faciliter le travail des historiens et des chercheurs, et ne plus se contenter d’un bilan officiel insultant pour les algériens.
Le second concerne la généralisation des compteurs Linky en
France. L’expérimentation auprès de 300 000 foyers avait soulevé de
nombreuses critiques, en particulier l’incapacité de ces compteurs à modifier
les habitudes de consommation électrique des ménages. Même le médiateur
national de l’énergie n’est absolument pas convaincu de leur intérêt
!
Alors que les collectivités locales sont propriétaires du réseau de
distribution d’électricité depuis plus d’un siècle, le Ministre de l’industrie,
de l’énergie, et de l’économie numérique n’a même pas pris la peine de nous
consulter !
Ainsi, nous demandons avant tout déploiement de ces compteurs :
premièrement une concertation approfondie entre les collectivités et le
ministre, et deuxièmement, le réexamen du cahier des charges des compteurs
communicants.
Les écologistes ne peuvent se satisfaire d’un compteur communicant ne
prenant pas en compte :
1) l’intérêt des usagers et les enjeux de précarité énergétique sur le
territoire ;
2) l’urgence de maîtriser les consommations d’énergie ;
3) la confidentialité des données ;
4) les risques sanitaires potentiels de ces compteurs ;
5) enfin, les enjeux de fracture numérique.
Je vous remercie.