Collectif RN126

RN126 : L’autoroute CASTRES TOULOUSE

 

Au Collectif RN 126

 

Chers ami(e)s,

 

J’ai bien reçu votre demande concernant notre position par rapport au projet d’autoroute Castres-Toulouse.

 

Comme vous le savez, je me suis personnellement opposé au projet d’autoroute Castres-Toulouse, et ce à plusieurs titres : président de Lauragais Nature, porte-parole du Collectif « Lauragais sans autoroutes », porte-parole du groupe Lauragais d’Europe Ecologie-les Verts et maintenant comme candidat EELV/POC pour la 10 éme circonscription de Haute-garonne, ainsi que le mentionne explicitement ma profession de foi.

J’ai pris d’ailleurs part à de nombreuses reprises au débat public pour exprimer cette position.

 

 

Notre opposition à ce projet de liaison autoroutière ne tient comme d’autres au caractère privé de la concession. Mon opposition à ce projet, comme celle d’Europe Ecologie-les Verts, se résume en une phrase : « pas de 2 x 2 voies gratuites ou concédées entre Castres et Toulouse » . Pour nous, c’est le principe même d’une liaison autoroutière que nous contestons : absurdité économique, destruction de terres agricoles, extension de l’urbanisation, destruction de l’environnement, erreur d’aménagement du territoire…la liste est longue des raisons que nous opposons à ce projet. Cette infrastructure autoroutière dans la vallée agricole du Girou constitue à l’évidence le premier maillon d’un grand contournement de Toulouse, véritable couloir à camions Espagne, Méditerranée, Castelnaudary, Revel, Puylaurens, Gragnague (A68), Castelnau d’Estretefons, Eurocentre appelé également Le port sec de Barcelone, puis les autoroutes Bordeaux , Paris.

Cette infrastructure autoroutière éloignée des pôles de développement retenus (InterScot), de l’aire urbaine toulousaine, éloignée des lignes ferroviaires, amènera dans les riches terres agricoles, habitat, zones commerciales, étalement urbain. Ces nouveaux habitants du Girou ne disposeront ni des équipements nécessaires , ni de gares ferroviaires, et seront condamnés au seul « tout voiture ».

L’incohérence de ce projet au regard du modèle d’aménagement retenu aggravera l’artificialisation des sols et terres agricoles, phénomène 2 fois plus fort en Midi-Pyrénées que dans les autres régions françaises (chiffre 2000-2006). L’équivalent d’un département français de terres agricoles disparaît sous une urbanisation diffuse tous les 7 ans en France métropolitaine.

Bien entendu, la concession autoroutière ajoute encore une injustice sociale par le péage au profit des multinationales mais une liaison gratuite aurait les mêmes conséquences environnementales.

De même, nous trouvons scandaleux que des fonds publics servent à la rentabilisation de ce projet et c’est la raison pour laquelle, nos élus régionaux, départementaux et européens se sont opposés et s’opposent encore à toute subvention publique, y compris déguisée par la rétrocession des ouvrages publics déjà construits. L’argent public doit servir à la sécurisation du réseau routier, y compris secondaire, et au développement de transports collectifs.

Lors du débat public, Europe Ecologie-les Verts avait contribué par un cahier d’acteur à dénoncer ce projet :

Un vrai problème, une mauvaise solution

 

Les difficultés économiques du Sud-Tarn et en particulier de l’agglomération Castres-Mazamet sont une réalité prégnante. En effet, depuis les délocalisations des industries du textile et du cuir, pour des raisons de profit immédiat, l’essentiel des emplois est concentré autour d’une seule entreprise. Les services publics, autre source d’emplois importante, sont fortement tributaires des rigueurs budgétaires et de la volonté gouvernementale de concentration sur la métropole toulousaine.

Il est donc urgent de trouver des solutions à la hauteur de l’enjeu et des conditions du 21ème siècle.

 

La Liaison Autoroutière Castres/Toulouse, présentée comme « la bouée de sauvetage », voire la panacée du développement économique et humain de cette région, constitue une mauvaise solution, tout comme une 2×2 voies sur la totalité du parcours.

 

Depuis plusieurs années, les experts montrent qu’une autoroute ne crée pas d’emplois mais les déplace : des zones périphériques vers les échangeurs, des zones à faible dynamisme vers les pôles d’activité. En revanche, elle augmente la population sans que soient solutionnés les équipements collectifs nécessaires à cette augmentation.

 

Cette autoroute aurait en outre de nombreuses conséquences négatives sur l’environnement, l’étalement urbain, la destruction de terres agricoles. En augmentant la part trop importante de la voiture dans les déplacements, elle est source de nombreux autres méfaits (pollution, longueur des temps de transport, insécurité routière, santé, coût).

 

A la vue de ces résultats incertains sur l’emploi, déstructurant pour l’habitat, catastrophique pour l’environnement, une liaison autoroutière n’améliorerait en rien le désenclavement de ce secteur géographique du Tarn et pourrait même avoir l’effet contraire.

Cette autoroute vise à faire supporter aux usagers les frais de l’absence d’une véritable politique de transports logique dans l’aire urbaine Toulousaine.

Déjà opposés et mobilisés dans un combat victorieux contre la Translauragaise, et contre le « Grand Contournement Autoroutier de Toulouse », les habitants du Lauragais n’acceptent pas de voir ressurgir à travers ce projet le maillon caché d’un nouveau« Grand Contournement ».

 

Peut-on parler de solution quand le coût pour tous les citoyens est aussi prohibitif : il faut inverser la tendance et penser au futur.

 

1/ « Développement économique » et  « désenclavement autoroutier » : un lien discutable

 

Le dossier du maître d’ouvrage relativise lui-même les apports positifs de ce projet autoroutier, sur le développement économique du bassin Castres –Mazamet : la DREAL prévoit seulement un gain de 1400 emplois en 2025 pour un gain de 15000 habitants. Loin de créer une dynamique d’emploi, ce projet transformerait encore plus Castres en Cité-dortoir de l’agglomération toulousaine.

En outre, la suppression prochaine de la taxe professionnelle constituera un frein à l’implantation d’entreprises pour les communes, qui devront supporter les nuisances en terme d’infrastructure et d’emprise foncière sans un retour pour leurs finances.

 

De quel « désenclavement » parle t-on ?

 

Favoriser la desserte du tissu économique Castrais par des poids lourds?

 

Une 2×2 voies ou une autoroute vers Toulouse n’amènent que peu d’améliorations. Le maître d’ouvrage parle d’un gain de 5mn dans un cas et de 15mn dans l’autre, lié à la seule différence de vitesse respective de 110 km/h ou 130 km/h.

Ce gain de temps est, en réalité, réduit à néant pour les camions, limités à 90km/h maximum.

Au nom du désenclavement, ce projet ne cache t-il pas un couloir autoroutier vers Montauban, Albi et Castelnaudary, véritable « aspirateur » à camions, qui reprendrait, de fait, le « Grand Contournement de Toulouse »? Celui-ci a été refusé clairement par le gouvernement pour des raisons d’efficacité, d’environnement et de développement urbain.

 

Favoriser le déplacement de voitures individuelles entre Castres-Toulouse ?

 

Le gain prévisible serait de 5 mn pour une vitesse de 110km/h (vitesse future sur les autoroutes), mais  les usagers potentiels, particuliers ou professionnels, vont aller engorger la rocade Toulousaine : le flux autoroutier va se déverser au Nord de Toulouse, lorsque les pôles Cancer-Bio-Santé et Agrimip, visés entre autres par ce projet, se trouvent en Sud/Sud-est de Toulouse. Le gain est alors totalement annulé, voire inversé.

 

Favoriser la liaison entre Castres et l’aéroport de Blagnac ?

 

L’hypothèse que le trafic aérien restera aussi important est aléatoire (coûts économiques et environnementaux, concurrence du TGV). Une infrastructure si lourde de conséquence pour l’environnement se justifie t-elle pour un nombre restreint d’usagers ? La solution est dans une navette ferroviaire à cadencement rapide.

 

2/Un projet du siècle passé

 

Partout en Europe, l’heure est à la remise en cause du tout routier et à la recherche d’alternatives soutenables pour les générations futures.

Le projet autoroutier « Via Baltica », pour 7000 camions/j vient d’être refusé par la Cour européenne de justice et l’on voudrait mettre en place une liaison autoroutière pour 6000 véhicules/j !

Les projets autoroutiers sont des projets du siècle passé.

L’évolution du climat/ gaz à effet de serre

Les travaux publiés par les scientifiques sont accablants : la responsabilité des gaz à effet de serre sur le réchauffement climatique est indéniableet la part de l’automobile y est déterminante. C’est un des enjeux majeurs de la conférence de Copenhague que de diminuer la part de l’automobile.

Le « Grenelle de l’environnement » a décidé un moratoire afin de n’engager que de nouvelles infrastructures routières pensées et réfléchies.

La mise en étude d’une autoroute supplémentaire est une solution obsolète, à très forte incitation au transport routier, par rapport à l’aménagement concerté de la RN 126.

 

Dépendance à l’égard des énergies fossiles et crise économique

Notre dépendance à l’égard des énergies fossiles sera aggravée alors que ces ressources sont appelées à diminuer fortement dans les décennies à venir. Le prix du carburant peut être multiplié par 3 en quelques mois. De fait, les études de rentabilité de cette autoroute se basent sur des chiffres aléatoires d’autant que la nouvelle Taxe Carbone, vouée à augmenter au fil des ans, n’est pas prise en compte.

Au coût des carburants déjà prohibitif pour le transport routier comme pour les particuliers va s’ajouter un coût du péage inaccessible : 14,50 Euros aller/retour.

Pour protéger les ménages de la crise économique, il faut privilégier sans attendre les investissements dans des transports en communs efficaces, modernes et cohérents.

 

Destruction des politiques d’organisation du territoire :

La nécessité de maîtrise de l’étalement urbain de la métropole Toulousaine est le point central de tous les schémas d’aménagement actuels de l’aire Toulousaine. L’étalement urbain doit être maîtrisé et concentré autour des solutions déjà existantes de transports collectifs. Une 2×2 voies accentuerait cet étalement urbain sans installations collectives et augmenterait, de fait, les déplacements automobiles pour toutes les opérations de la vie quotidienne et de service public (postes, hôpitaux, tribunaux, perceptions) et donc, les gaz à effet de serre. Il faut sortir de ce cercle vicieux.

L’opinion publique en a pris conscience et demande à ses responsables de réorienter les politiques publiques, vers d’autres options de transports (collectifs, fret ferroviaire, ferroutage, voies navigables, etc).

 

 

3/Les absurdités du projet : tous perdants!

 

Conséquences environnementales :

 

C’est avant tout sur l’environnement que ce projet autoroutier montre son caractère néfaste : augmentation de l’empiètement routier (7 voies à certains endroits), destruction de paysage, diminution de la biodiversité dans une zone inondable, empiètement sur une zone Natura 2000, augmentation de l’aire urbaine, réduction de la faune et de la flore.

 

Conséquences irrémédiables sur l’agriculture :

Cette nouvelle infrastructure routière conduira à la destruction des terres agricoles de la Vallée du Girou et d’espaces naturels riches en biodiversité et au final la disparition de notre environnement si chèrement préservé pour les générations futures.La terre agricole est dévorée dans un premier temps par l’autoroute puis par l’urbanisation qui s’installe aux abords des échangeurs. S’en suivent, spéculation foncière, augmentation démographique incontrôlable, déstructuration de l’habitat, qui sont le lot commun de ces projets. Les remembrements consécutifs aux échanges de terre vont encore accentuer cette situation en renforçant les grandes exploitations au détriment d’une agriculture de proximité.

Impact et répercussions négatives de l’autoroute sur le commerce local de Castres.

L’attractivité commerciale va toujours dans le sens province-métropole et jamais à l’inverse.

Si l’autoroute voit le jour, le taux d’évasion commerciale de la zone de Castres-Mazamet déjà élevé (20 % de la consommation globale des ménages) ne fera que progresser, avec ses répercussions sur l’emploi et le lien social.

 

Un coût social important

 

Le gain de temps dérisoire pour les usagers de l’autoroute se fera au prix fort par le péage. Mais il sera encore pire pour ceux qui ne pourront pas le payer : engorgement des communes contournées, diminution de la sécurisation du réseau secondaire(transfert des accidents vers les voies secondaires qui n’auront plus de financement).

 

 

4/L’alternative :une autre politique de territoire et des transports

 

Le premier champ de décision politique consiste à promouvoir un aménagement du territoire cohérent et un urbanisme qui tiennent la mixité comme valeur inaliénable. Il s’agit d’abandonner le principe de « zones » d’activité, d’urbanisation prioritaire ou industrielles, issu des années d’après-guerre, qui ont disséminé partout de la « rurbanisation étalée », stérilisante de la campagne, peu durable et cause de trajets incessants.

Au contraire, il faut rapprocher au plus près le logement, l’emploi, l’éducation, la santé, l’agriculture, le commerce ou le loisir : toutes ces activités humaines doivent trouver leur place dans la proximité.

 

Cette relocalisation de proximité de notre économie doit aussi s’appliquer à notre production agricole.

La crise, sans précédent, que traverse le secteur agricole peut rapidement devenir irréversible sans un maintien rapide et efficace du foncier vital à notre indépendance alimentaire locale.

Nous ferons, au-delà d’un geste pour l’environnement, un geste collectif de solidarité économique en direction d’une agriculture de Midi-Pyrénées viable qui, en rémunérant décemment le travail de ses exploitants, assurera notre approvisionnement proche et une autonomie alimentaire.

Pourquoi toujours tout transporter alors que des solutions locales alternatives existent?

 

Le deuxième champ d’intervention consiste à mettre en œuvre un réel réseau multimodal de transports collectifs autour d’une nouvelle conception de l’urbanisme, tenant compte des nouvelles formes de déplacements « écologiquement évolués » : aménagement de maillage par des service de bus express sur les principaux axes, cadencement accéléré ferroviaire et doublement des lignes, dessertes train-métro-tram pour les habitants du Sud Tarn travaillant dans la couronne Toulousaine, desserte ferroviaire de l‘aéroport de Blagnac, extension des transports à la demande ( TAD ).

Ce réseau de voies et de transports collectifs devra être associé à une politique tarifaire qui défie sérieusement l’automobile ou à une politique d’incitation aux transports partagés, notamment le covoiturage.

 

La voie routière Castres-Toulouse a aussi besoin d’être améliorée à la fois pour des questions de sécurité et de qualité de liaison. Un aménagement réfléchi de la RN126, l’alternative oubliée du débat, préservant les territoires à vocation agricole, sécurisant la route, doublant les voies uniquement là où le flux se densifie, est une réelle nécessité.

Elle permet d’assurer une réelle politique d’aménagement du territoire, centrée sur une relocalisation de l’économie, sans constituer une entrave financière publique au déploiement des moyens collectifs de transport.

 

Il faut réunifier les intérêts de tous les territoires. Le débat sur le projet de mise à 2×2 voies les divise.

Seul l’aménagement raisonné de la RN126 les réconcilie.

 

 

Ces conclusions, je les fait miennes toujours aujourd’hui .

Je réaffirme donc, solennellement mon opposition à une liaison autoroutière entre Castres et Toulouse gratuite ou concédée.

 

Amitiés

 

Didier Rod

 

Ancien Député européen

Candidat dans la 10ème circonscription de Haute-Garonne