Le monde d’hier craque de toutes parts. La crise que nous traversons touche aux fondements mêmes de notre développement. L’hégémonie du Nord sur le monde entier est mise en cause. Le productivisme est interpelé comme réponse à la soif de bien-être des populations.
Le dérèglement climatique et les pollutions massives cumulent leurs effets infernaux, la raréfaction des ressources s’accélère comme l’extinction des espèces. Le libéralisme et la finance comme modèles, l’austérité comme solution, la croissance comme illusion, nous éloignent chaque jour un peu plus de la société pacifiée, solidaire et responsable que nous appelons de nos vœux.
Dans le même temps, en contrepoint de l’épuisement du système antérieur, des résistances s’organisent, des contre-modèles s’élaborent, des innovations technologiques et sociales émergent, les territoires entrent en transition.
Ces processus créatifs sont le fondement d’un futur soutenable et solidaire dont l’écologie politique a la responsabilité historique de porter la promesse et l’organisation en alternative globale de société.
Assumer notre responsabilité historique
L’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012 s’est faite dans des circonstances inédites. La courte victoire de François Hollande contre un sortant pourtant honni a confirmé l’existence d’une forte crise de la capacité à former des majorités dans la société, à gauche comme à droite, ainsi que le caractère contradictoire des mouvements et demandes de l’opinion.
L’alternance est intervenue dans un contexte de pression forte des milieux financiers, dans un climat international hostile, en pleine application des politiques d’austérité voulues et assumées par la majorité des gouvernements conservateurs en Europe.
La droite politique et sociétale s’est d’autant plus vite remobilisée, autour de la défense de ses intérêts et de ses valeurs conservatrices traditionnelles, que les objectifs et les priorités du quinquennat de gauche n’ont pas été élaborés dans une démarche de rassemblement, et qu’ils ne sont à ce stade ni réellement consensuels ni clairement affichés.
Espérer s’en sortir aujourd’hui sur la base de prévisions de croissance forte pour les 10 prochaines années, par une relance venue simplement de l’extérieur, relève de l’incapacité à penser la donne nouvelle et les mutations qui sont en cours.
On ne sortira pas de l’ornière en actant par le libre-échange l’extension à l’Europe du modèle américain ni d’ailleurs de quelque modèle que ce soit, en prônant la suppression de services publics et l’ouverture à la déréglementation en matière de normes alimentaires et autres OGM.
En France même, déstabilisée par le chômage et la précarité, la société est inquiète, travaillée par une forte tendance au repli individuel, à l’unique sauvegarde des intérêts privés ou corporatistes.
Dévaluée par des années d’offensive libérale, alors même que les replis chauvins étatiques et populistes touchent la grande majorité des forces politiques en Europe, l’idée même de réforme n’est souvent que l’instrumentalisation de la crise au profit d’un projet de segmentation de la société et d’organisation des concurrences entre les groupes sociaux.
Les conséquences en sont connues : exclusion massive des catégories populaires, atomisation des classes moyennes, formation d’une oligarchie toujours plus restreinte.
Les institutions et les lieux traditionnels d’exercice de la souveraineté, de la démocratie ou de la citoyenneté, y compris ceux que nous privilégions – Europe, régions, démocraties sociale, parlementaire et participative, et la politique comme espace de « fabrication de l’intérêt général » sont gravement dévalorisés
Dans ce contexte difficile, notre mouvement a courageusement fait le choix, dans la continuité de sa participation aux exécutifs locaux, de rentrer au gouvernement. Nous l’assumons pleinement.
Notre présence est et reste absolument nécessaire à la réussite de la transformation écologique, mais aussi à l’approfondissement de la démocratie politique et sociale. Elle est fondamentale pour faire écho et relais aux initiatives nées dans la société et qui font surgir les activités et les métiers de demain, des formes originales d’échange et de sociabilité, des cadres nouveaux de travail, de consommation, d’usage des temps et des mobilités.
Attendre des conditions idéales pour agir aurait été pour nous écologistes le pire des paradoxes.
Notre responsabilité est de montrer qu’à la crise structurelle, il faut porter des réponses structurelles, ne pas répéter éternellement les mêmes réponses qui ont mené à la crise, mais construire un nouveau modèle de développement, basé non pas sur la surexploitation des ressources, mais sur leur utilisation rationnelle, efficace, économe et la préservation des biens globaux. Notre responsabilité est de montrer qu’à crise planétaire, il faut apporter des réponses planétaires, à rebours des replis nationalistes et des égoïsmes des pays riches face aux plus fragiles, en construisant une solidarité européenne et planétaire entre les peuples, en inventant une gouvernance nouvelle. Notre responsabilité est de montrer que face à la montée des angoisses, de la désespérance, on ne s’en sortira que par plus de solidarité, plus de justice sociale, par de nouveaux droits, un nouveau modèle social efficace et protecteur. »
C’est au contraire dans les moments où les choses sont compliquées qu’il faut être audacieux, franchir des caps, changer de style, de méthodes et de cadres d’action. Car les écologistes sont attendus.
La séquence présidentielle, fondée à l’excès sur l’image univoque d’une « écologie de protestation », a marqué un coup d’arrêt regrettable à notre progression. Elle a aussi confirmé les faiblesses de notre mouvement en termes d’organisation comme de cohérence politique. Fort heureusement, l’impact de nos groupes parlementaires, de nos centaines d’élus locaux et régionaux, de tous nos militants sur le terrain et dans les collectifs citoyens, et l’action très positive de nos deux ministres démultiplient le potentiel de notre action.
Il s’agit sur cette base, de retrouver la dynamique écologiste des européennes et des régionales et de relancer notre capacité à parler, à agir et construire avec toute la société.
Pour une écologie positive
Comme c’est normal, l’écologie s’est d’abord construite en opposition, en confrontation, avec un modèle dominant. Il s’est agi dans un premier temps de dénoncer les gaspillages, les injustices, les égoïsmes, et la perte de sens qu’il générait.
Mais de plus en plus, notre mouvement a jeté les bases d’un contre-modèle, pour finalement imaginer un véritable projet alternatif.
Désormais, partout où ses élus sont en responsabilité, l’écologie politique commence à faire la démonstration de sa capacité à mettre en œuvre des solutions concrètes, pragmatiques, qui lui confèrent une crédibilité croissante.
Pourtant, le doute subsiste au sein de la population, dans les médias, parmi les décideurs et les corps intermédiaires. Trop souvent, nous apparaissons encore comme les porteurs d’une écologie inaccessible, triste ou punitive.
Nous ne pouvons nous exonérer d’une part de responsabilité dans ce ressenti : il nous arrive encore de céder aux facilités de l’avant-gardisme, de la dénonciation plutôt que la recherche des solutions, du repli plutôt que de l’ouverture. Nous semblons parfois trop facilement stigmatiser telle ou telle catégorie de la population.
Faire le choix de l’écologie positive, c’est retrouver la capacité à s’indigner. Face aux injustices et gaspillages, nous devons cultiver encore et toujours les valeurs subversives qui sont les nôtres, mettre en œuvre des modes d’action pacifiques qui incarnent noter capacité de désobéissance et de dissidence.
Faire le choix de l’écologie positive : …
C’est avant tout montrer qu’à chaque problème posé, nous entendons construire avec l’ensemble des parties prenantes une solution.
C’est nous interroger sur les blocages de tous ordres qui freinent l’évolution de la société, et installer les alliances qui permettent de les dépasser.
C’est dialoguer avec tous les acteurs de la société en réseau qui émerge, forts de nos convictions et convaincus que chacun détient une part des réponses.
C’est inventer les mots et les formes, les cadres et les communautés d’acteurs pour un nouveau débat démocratique.
C’est s’inscrire dans des majorités contractuelles et durables avec des partenaires associatifs, sociaux, politiques pour conduire le changement dans la durée.
C’est tenter aussi d’arracher au camp conservateur les pans de la société qu’il manipule et oppose au changement.
Faire le choix de l’écologie positive, c’est responsabiliser plutôt que culpabiliser, c’est donner à toutes et tous la capacité d’agir.
C’est rendre le changement souhaitable et supportable par chacun.
C’est, en somme, montrer que les solutions portées par l’écologie politique associent systématiquement bien-être environnemental, réduction des injustices sociales, efficacité économique, approfondissement démocratique.
C’est enfin accepter de gouverner, de fixer des priorités d’action, de décider, d’évaluer son action en continu.
Dans une période où les grands récits du passé ne font plus recette, et où la perte de sens frappe durement la population, l’écologie politique ne peut pas apparaître comme un luxe, voire un facteur de fragilisation supplémentaire pour les catégories déjà les plus modestes.
Faire donc le choix de l’écologie positive, pour convaincre que la transition commence ici et maintenant, et qu’elle se déploie pour le bien de tous,
Revitaliser notre démocratie interne
Le contenu de notre projet est indissociable de la forme et de l’image de notre organisation. Nous serons convaincants à travers ce que l’on est, c’est-à-dire selon notre manière de faire ensemble de la politique.
Dans la société comme dans notre mouvement, il ne suffit plus d’attendre le salut par le haut.
Nous portons la fin de la centralité et de la verticalité dans l’énergie, l’agriculture, l’alimentation, la santé, l’école, l’économie ou le numérique. Nous défendons la mise en réseau des acteurs et la participation citoyenne.
Renforçons désormais la démultiplication des débats et des prises de décision au sein de notre mouvement ! Le débat est un préalable nécessaire à toute victoire dans le combat culturel qui nous oppose aux tenants du statu quo productiviste et libéral.
Revitalisons les espaces de démocratie à tous les échelons. Dans la société comme dans notre mouvement, nous portons l’autonomie et la responsabilité individuelle et collective, le renforcement de la capacité de chacune et chacun d’être acteur de son destin, d’être partie prenante de l’action collective.
Nous croyons en l’intelligence collective qui naît de la mise en réseau des expériences, des compétences, des expertises, des parcours des citoyens comme des militants écologistes.
C’est pourquoi nous proposons de mettre en place une université des savoirs et des expériences écologiques qui permette à touTEs les militantEs d’être fabricants de l’écologie, à travers le partage, la formation et la création.
C’est pourquoi nous proposons d’ajouter aux formes locales indispensables de l’action militante, des modes d’intervention par affinités, des communautés d’action par catégories de problèmes ou de campagnes à faire avancer, des regroupements à durée déterminée, des moments créatifs et festifs.
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Notre conviction est au fond que pour changer radicalement la société, il faut d’abord décrire une direction, proposer un avenir souhaitable, oser formuler le récit de la transformation.
Mais il s’agit dans le même élan de montrer que, parties du réel, et élaborées avec des « vraies gens », les solutions écologistes sont un moyen efficace pour avancer vers l’idéal.
Cet appel est une première étape, pour faire vivre cette écologie positive à l’intérieur du parti, comme à l’extérieur, à en faire l’axe d’un nouveau plaisir à militer ensemble, à construire ensemble la transformation écologique.
Cet appel est au fond une invitation à inventer ensemble les étapes vers le moment où l’écologie sera la composante principale d’un changement majoritaire dans notre société !
Initiateurs de l’appel
Eric Alauzet, Aline Archimbaud, Jacques Archimbaud, Danielle Auroi, Denis Baupin, Christophe Cavard, Françoise Coutant, Nicolas Dubourg, Mireille Ferri, Nadia Flank, Patrick Franjou, André Gattolin, Pierre Hémon, Jean-Sébastien Herpin, Yannick Jadot, François Michel Lambert, Eric Loiselet, Jacqueline Markovic, Patrick Naizain, François de Rugy, Claude Taleb, Dominique Voynet