Les écologistes ne sont pas contre l’automobile mais contre le « tout automobile ». Ils ne sont pas non plus contre tout projet routier, c’est un Ministre Vert de l’Environnement, de l’Aménagement et du Territoire, Yves Cochet, qui avait signé en 2002 la Déclaration d’Utilité Publique de la Route des Tamarins. Les écologistes en revanche sont contre les projets qui ne servent pas l’intérêt collectif et qui de surcroît ont un coût financier et environnemental démesuré. Ce qui est le cas de la Nouvelle Route du Littoral.
Nous voulons mettre au cœur de la campagne le projet de NRL La responsabilité des futurs députés réunionnais sera grande. Ils auront en effet la possibilité d’intervenir pour mettre fin au projet pharaonique de la NRL en modifiant la répartition des financements. C’est pourquoi nous souhaitons que les candidats se prononcent explicitement sur cette question. Vont-ils soutenir le projet dans son état actuel ou bien s’engagent-ils à remettre en question les Accords de Matignon afin de rétablir le financement d’un projet de réseau ferré ?
Pour quelles raisons sommes nous opposés à ce projet ?
A La Réunion, le pression de la voiture sur les routes ou dans les villes est devenue intolérable, nous estimons qu’il faut la remettre à sa juste place. Et donc changer de cap pour réduire cette pression qui s’exerce sur les routes avec ses conséquences humaines (accidents, endettements, etc.), économiques (pertes dues aux embouteillages, prix des carburants, etc.), environnementale (défiguration des paysages et des villes), etc.
Depuis quarante ans, le lobby de la route et en particulier le lobby automobile fait la loi à La Réunion, il est temps de changer de cap.
C’est un lobby efficace comme on l’a vu ces dernières années avec les blocages des routes réunionnaises. Par exemple, on se souvient qu’il y a moins d’un an, à eux seuls les 28 taxiteurs de Gillot ont réussi à faire annuler l’initiative d’Air France qui s’apprêtait à mettre en place une navette de voyageurs sur le trajet de Roland Garros à Saint-Pierre au tarif de 20 euros au lieu des 150 euros que font payer les taxiteurs.
Mais confrontés à la hausse inéluctable du prix des carburants, les lobbies de la route sont désormais pris dans une contradiction, d’un côté, ils exigent une baisse des taxes sur les carburants prélevées par les Collectivités, de l’autre, ils tempêtent parce que la commande publique se raréfie.
Contradiction aussi du Conseil Régional qui est obligé de reconnaître qu’il ne peut financer la baisse de 25 centimes demandée par les transporteurs sous peine de priver la collectivité du « fonds d’intervention routier de transports », le FIRT, qui permet précisément de construire ces routes dont les dits professionnels ont besoin pour circuler.
Ce projet ne sert pas l’intérêt collectif. Un Réunionnais sur trois en âge de conduire, n’a pas d’automobile. Le prix du permis, de l’achat, de l’assurance, de l’entretien, etc. constituent un obstacle infranchissable. Ce qui signifie donc que l’Etat et la Région veulent investir une somme pharamineuse (2,5 milliards d’euros) dans le plus gros projet d’infrastructure de La Réunion mais projet qui ne concerne pas la fraction de la population la plus précaire.
Il y a vingt ans, au début des années 90, le transport collectif à La Réunion représentait encore près de 30 % (bus et notamment le taxi), aujourd’hui, nous sommes tombés à 6 %. Le transport collectif a donc régressé de 25 % en 20 ans !
Le choix du tout automobile a des conséquences évidentes en termes de pouvoir d’achat. Une voiture de gamme moyenne revient à son propriétaire à environ 4000 euros/ans : remboursement de l’achat, entretien, assurance, carburants, etc. Le coût d’usage de l’automobile individuelle est de 23 cts d’euros /km alors qu’il n’est que de 9 cts /km pour le train type TER. Les taxes sur le carburant à La Réunion, sont moins élevées qu’en métropole mais un effet indirect de cette « modération » c’est que les collectivités sont conduites à fixer des taux d’octroi de mer plus élevés sur d’autres produits de consommation car du fait de la faiblesse de l’impôt sur le revenu à La Réunion (1 Réunionnais sur 2 ne paye pas d’impôts), leurs principales ressources proviennent de l’octroi de mer et de la Taxe Spéciale sur les carburants (La fiscalité sur les carburants, toutes taxes confondues, rapporte aux collectivités plus de 230 millions d’euros).
Du point de vue même des automobilistes réunionnais, notamment ceux de l’est et du sud, la NRL ne sert pas l’intérêt général : d’une part, ce tronçon de 12 km ne servira que les usagers de l’axe Ouest-Saint-Denis-Est, d’autre part, la NRL va mobiliser tous les financements routiers alors qu’il y a des besoins important en infrastructures routières dans le sud (Saint-Pierre, Le Tampon) ou dans l’est.
Le coût. Pour mémoire, il faut savoir que les trois grands chantiers routiers précédents, 1ère route du littoral (1963), 2ème route du littoral (1976) et Route des Tamarins (2009) ont tous connus un dépassement de budget de + 70 %.Au bas mot, la NRL coûtera 2,5 milliards d’euros.
La Région a emprunté 500 millions auprès de la Caisse des Dépôts il y a quelques mois. Mais, on le sait même si Didier Robert ne le crie pas sur les toits, la collectivité régionale est endettée. La revue économique Capital montre ainsi que si on rapporte le montant de la dette de la collectivité régionale au nombre de foyers fiscaux imposés c’est l’une des plus endettées de France (484 millions d’euros en 2010 contre 390 millions en 2009). La dette se monte à 4225 euros par foyer fiscal en 2010. Si on ajoute la dette du département, le cumul des deux aboutit à une dette de 8709 euros par foyer fiscal imposé, ce qui place La Réunion en tête des territoires français endettés
Jusqu’ici près de 70 millions d’euros dépensés depuis des années pour le Tram Train en études et indemnités contractuelles, ont été perdus avec la décision du nouvel exécutif régional et l’on sait que le consortium Tram Tiss (Bouygues, Bombardier, Véolia, etc.) réclame désormais 170 millions d’euros de dommages et intérêts.
On sait aussi que le choix de la variante de la NRL a été dicté par un impératif budgétaire sans souci de l’impact environnemental. La Région reconnaît qu’elle a choisi la variante la moins coûteuse, la seule compatible avec l’enveloppe des Accords de Matignons II. Cette contrainte pourrait se révéler fatale puisque les Accords de Matignon II, à la différence de ceux de 2007, ne comportent plus de clause d’actualisation, ce qui signifie que l’Etat ne mettra pas un euro de plus en cas de dépassement de l’enveloppe accordée.
Pour avoir une comparaison utile, on se souvient que la Route des Tamarins présentée à l’époque (c’était hier !) comme LE chantier du siècle, a coûté 1,1 milliards d’euros pour une longueur de 34 km, la NRL ce sera au bas mot, 2,5 milliards pour 12 km….
Enfin, cette variante V3.2bis qui inclut des énormes digues à la sortie de Saint-Denis et de La Possession, va accentuer l’artificialisation du littoral.
La construction de digues sur près de 7 km aura notamment des impacts importants sur le trait de côte. Un tel ouvrage provoquera une modification des courants favorisant ainsi les déplacements de sédiments marins et de matériaux issus des ravines. Il en résultera des modifications de l’action de la mer avec de forts impacts sur le trait de côte, sur place ou à distance, notamment sur la baie de Saint Paul ou sur les plages de l’ouest. L’expérience montre qu’à moyen terme les coûts de protection contre la mer de certains ouvrages sont très élevés et récurrents. L’artificialisation a comme effet de fragiliser le littoral et donc de conduire à renforcer en permanence les ouvrages de protection comme par exemple les tétrapodes de la route du littoral, laquelle, sans cela, s’enfoncerait dans la mer.
Les nombreux travaux d’artificialisation réalisés depuis des années (endiguement de plusieurs rivières, construction de ports, la route du littoral, piste longue de Gillot, etc.) ont déjà largement contribué à l’érosion littorale qui aboutit dans l’ouest à la disparition progressive des plages. Le taux d’artificialisation du littoral réunionnais est le plus important des quatre DOM, les surfaces artificialisées couvrent 28,2 % des terres situées à moins de 500 m de la mer (chiffres IFEN 2004).
En conclusion, un tel projet engagerait La Réunion pour des dizaines d’années, il renverrait aux calendes grecques tout projet de transport en commun sur rail mais ferait peser de graves menaces sur les finances de la collectivité régionale donc sur les contribuables réunionnais. Pour toutes ces raisons, nous voulons que les candidats se prononcent clairement sur cette question.
Jean-Pierre Marchau & Sophie Pastor Berne
Législatives 2012, 1ère circonscription