Dans un entretien paru dans Le Monde le 9 avril, Daniel Cohn Bendit fait de très justes remarques sur le programme de JL Mélenchon. A la différence de certains écologistes qui s’en prennent au passé ou à la personne de l’ancien sénateur socialiste (ce en quoi, ils ont totalement tort), DCB s’en tient, lui, à l’essentiel du discours décliné par le Front de Gauche et qui est commun au Parti de Gauche et au PCF : la foi dans les vertus supposées de l’Etat national. C’est ainsi que par exemple, mais c’est au coeur de la problématique écologiste, le programme du FdG préconise la nationalisation du secteur de l’énergie.
DCB a beau jeu de rappeler que c’est EDF, véritable Etat dans l’Etat, qui a entravé toute transformation du secteur énergétique, et ce, au nom de la défense du nucléaire. Il y a un lien intime entre l’Etat et le nucléaire. Il n’est d’ailleurs pas indifférent que précisément sur la question du nucléaire, le programme étatiste de JLM soit si peu audacieux puisqu’il se contente de proposer la mise en place d’un referendum. Et on se souvient qu’il y a quelques mois le lobby nucléaire s’est déchaîné pour dénoncer l’accord PS/EELV.
Hermann Scheer, l’un des promoteurs les plus influents des Energies Renouvelables, estimait que leur développement se ferait contre les monopoles des grands groupes centralisés du secteur des énergies fossiles et qu’il constitue en ce sens un enjeu politique majeur. L’alternative, c’est ou bien la constitution d’un Etat énergétique transnational ou bien un développement décentralisé des EnR, favorisant ainsi une démocratisation locale accrue. L’autonomie énergétique est une des clés de l’autonomie politique. L’écologie politique est née d’un large courant de contestation anti nucléaire, anti étatique, anti jacobin, animé par l’utopie critique d’un Ivan Illich, elle peut difficilement se retrouver aujourd’hui dans le programme du FdG.
Cet étatisme se retrouve évidemment dans la fameuse notion de « planification écologique » qui fleure bon le jacobinisme et l’Etat centralisateur. J’ai écouté attentivement les explication de JLM sur ce point, habilement il explique que la transition écologique s’inscrit dans la durée et qu’elle doit donc est « planifiée » mais jamais il ne soulève la question essentielle de savoir « qui » planifie. Je n’ai pas trouvé un militant du PG capable de clarifier ce point essentiel.
Si maintenant on examine le programme de JLM dans son volet écolo, on trouve nombre de déclarations d’intentions générales avec lesquelles nous sommes d’autant plus d’accord qu’elles restent très, trop générales. le problème du nucléaire est donc, nous l’avons vu, esquivé, mais il n’y a pas non plus un mot sur l’agriculture bio. On trouve en revanche une position très ambiguë sur les agro carburants de seconde génération et rien sur le changement climatique. Le mot « empreinte écologique » est cité une fois entre parenthèse alors que sa décroissance est au coeur du projet politique de l’écologie. Qu’on ne compte pas non plus y trouver une quelconque remise en cause de la croissance du PIB, etc. Bref, l’écologie est finalement peu présente dans le programme du FG et ce, malgré cette fameuse et mystérieuse « planification écologique ». On sait que ce programme est le fruit d’un compromis entre les partis du FdG, essentiellement le PCF, productiviste et pro nucléaire et le PG qui semble divisé sur ces questions, cela peut expliquer ces lacunes mais c’est aussi une des raisons qui expliquent les profondes divergences existant entre le candidat du FdG et nous.
Enfin, une remarque sur la mesure phare du programme du FdG : l’augmentation du SMIC porté immédiatement à 1700 euros bruts. EELV, pour les raisons évoquées ici (EELV & LA QUESTION SOCIALE), n’est pas favorable à une hausse brutale du SMIC car elle serait rapidement absorbée par les hausses à venir de l’énergie, des loyers, des transports et des produits alimentaires. D’autre part, une telle hausse aurait inévitablement des effets sur l’ensemble de la structure des salaires puisque si un salarié au SMIC perçoit 1700 euros brut au lendemain des élections présidentielles, il aurait par exemple un salaire supérieur à un professeur certifié (bac + 5 + concours) qui débute sa carrière puisque lors des trois premiers mois il perçoit 1656 euros brut en métropole. Enfin, à La Réunion où le tissu économique est pour l’essentiel constitué de TPE, une augmentation de 300 euros pourrait avoir des conséquences négatives sur l’emploi.
Ces remarques ne sont pas anodines. On ne peut déconnecter la question sociale du projet écologique et ce projet est « politique » en un sens fort éloigné de celui défendu par JLM, ce qui nous sépare (le rôle de l’Etat, le rôle de la technique, la conception du développement économique, etc.) est au moins aussi important que ce qui nous rapproche (la critique du capitalisme).