Le monde, tel qu’il sera demain si…
20 novembre 12 in énergie, solidarité
C’est un véritable coup de fouet que la Banque mondiale (BM) donne aux négociations climatiques. Les climatologues rappellent que les engagements pris par la communauté internationale, depuis le sommet de Copenhague, n’éviteront pas un réchauffement de 3°C d’ici 2100. Et «si les promesses ne sont pas tenues, une élévation de température de 4°C pourrait intervenir dès les années 2060», complètent les auteurs du rapport de la BM.
Rédigée par le centre de recherche sur le climat de Postdam, l’étude n’est pas un vague exercice de prospective. Elle s’appuie sur la littérature scientifique, 4e rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) en tête. Premier enseignement: aucun pays ne sera à l’abri des conséquences des changements climatiques qui découleront du réchauffement global. Mais les plus vulnérables seront les plus touchés: «Les extrêmes de hautes températures prévus sous les tropiques sont sans précédent et auront par conséquent des effets considérablement plus importants sur l’agriculture et les écosystèmes». Les pays tropicaux et sub-tropicaux devront s’adapter à une montée des eaux «de 15 à 20% supérieure à la moyenne mondiale». Ce qui renforcera les dégâts produits par des cyclones «dont l’augmentation de l’intensité sera probablement ressentie de manière nettement plus aigue dans les régions de basse latitude». Dans les terres, «il faut s’attendre à une désertification et à une augmentation substantielle de la sécheresse». Les régions de plus haute latitude seront régulièrement soumises à des vagues de chaleur comparables à celle qui a frappé la Russie en 2010 (55.000 morts, des millions d’hectares de forêts et de cultures dévastés par les incendies). Ce pourrait être pire encore en Amérique du Sud tropicale, en Afrique centrale et dans les îles tropicales du Pacifique. Dans le bassin méditerranéen, la température moyenne du mois de juillet pourrait être de 9°C supérieure à celles des étés actuels. Un réchauffement de 4°C implique une concentration de CO2 dans l’atmosphère supérieure à 800 parties pour million (ppm), ce qui accroîtrait d’environ 150% l’acidité des océans par rapport au XVIIIe siècle. Or, avec une concentration de 550 ppm «il est probable que les récifs coralliens de nombreuses régions auront commencé à disparaître». Exit, dans ces régions, la protection des côtes contre les inondations, les ondes de tempête, que procurent les coraux. Terminé aussi les nurseries pour de nombreuses espèces de poisson. Toute acide qu’elle soit, l’eau de mer poursuivra son élévation. Un réchauffement de 4°C entraînera, globalement, une montée de 0,5 à 1 mètre d’ici 2100. Les villes côtières du Mozambique, Madagascar, Mexique, Venezuela, Inde, Bangladesh, Indonésie, Philippines et Viet Nam auront rapidement les pieds dans l’eau. La rapide montée du mercure dans le thermomètre mondial va, de plus, réduire l’accessibilité à l’eau potable et pour l’irrigation, notamment dans le nord et l’est de l’Afrique, au Moyen Orient, dans le sud de l’Europe et dans le sud de l’Asie. En revanche, le nord du Canada, de l’Europe et la Sibérie, ainsi que certains pays soumis à la mousson, connaîtront des conditions climatiques nettement plus humides qu’aujourd’hui. Plus de chaleur et moins d’eau sont les moteurs d’un bouleversement de nombreux biotopes. Pour la seule Amazonie, le nombre de feux de forêt pourrait doubler d’ici 2050, conséquence d’un réchauffement de plus de 1,5°C. «Des changements encore plus graves sont à prévoir avec une élévation de 4°C». Les grandes zones agricoles de l’Inde, des Etats-Unis, d’Afrique et d’Australie doivent s’attendre à une baisse massive du rendement des cultures. En Australie, la question de la survie de la viticulture est d’ores et déjà posée. Cette diminution annoncée de la production mondiale de produits alimentaires sera accrue par la submersion des zones agricoles situées dans les deltas du Nil (Egypte), du Gange-Brahmapoutre (Bangladesh) et du Mekong (Viet Nam). Cette nouvelle configuration portera un rude coup à la lutte contre la malnutrition et la sous-alimentation, frappant du même coup de nombreux pays en développement. «Les inondations peuvent entraîner l’introduction de polluants et d’éléments pathogènes dans les réseaux d’approvisionnement en eau potable et augmenter l’incidence des maladies diarrhéiques et respiratoires.»
L’humanité pourra-t-elle s’adapter à de tels changements? Les rédacteurs de l’étude se montrent plutôt pessimistes. «Les pressions s’accroissant au fur et à mesure que le réchauffement progresse vers la barre des 4°C et se combinant à des tensions sociales, économiques et démographiques indépendantes de l’évolution climatique, le risque de dépassement de seuils critiques pour l’équilibre du système social augmente en parallèle. Une fois ces seuils atteints, les institutions existantes dont on aurait pu attendre des mesures d’adaptation perdront en efficacité, voire s’écrouleront complètement. »