Pourquoi je voterai « oui » au TSCG
Pourquoi je voterai « oui » au TSCG
Le pacte budgétaire est « avant tout un outil diplomatique, et non un outil économique. Il faut le prendre comme tel, et prévoir de le renégocier à la hauteur de notre ambition politique pour l’Europe et de notre disposition aux compromis nécessaires à la réorientation de son fonctionnement et de ses objectifs ». Par Christophe Cavard, député EELV du Gard.
Christophe Cavard a publié cette tribune dans Mediapart
En 1992, j’ai voté contre le traité de Maastricht, notamment parce qu’il instaurait l’obligation de ne pas dépasser 3% du PIB de déficit budgétaire annuel aux pays membres de la zone euro. En 2005, j’ai voté non au traité constitutionnel européen (TCE) car il inscrivait dans sa partie économique l’incitation à la privatisation des services publics et la « concurrence libre et non faussée ». Le « non » français a certes évité une constitutionnalisation du libéralisme économique, mais la division de la gauche en 2007, et ainsi l’élection de Nicolas Sarkozy, ont rendu stérile la dynamique pour une alternative politique française et européenne.
Le traité de Lisbonne a été ratifié par les parlementaires en 2009. Aujourd’hui, parce que le TSCG n’est rien d’autre que la reprise des anciens traités, parce que les « non » précédents n’ont en aucun cas ouvert de perspectives (bien au contraire), parce qu’à la différence des autres moments où nous nous sommes déterminés sur le seul argument économique, le contexte mondial et européen s’est fortement dégradé et qu’en conséquence les réponses aux ultra-crises sont trop souvent identitaires et nationalistes, parce que pour moi seule l’Europe est capable de nous sortir de l’ornière et parce que la gauche dirige la France, je voterai la ratification du TSCG.
Car dans ce contexte spécifique, la question n’est plus de savoir si les traités et les mécanismes de stabilité sont bons en tant que tels, mais de tout faire pour venir en aide en urgence aux pays les plus en difficultés, et stopper l’hémorragie. La question est de savoir si à très court terme cela apporte quelque chose à ces pays, rien d’autre. A cette question je réponds oui, et la suite sera dépendante de notre détermination politique et de notre capacité à peser pour réorienter l’Europe.
L’argumentaire du texte voté par le Conseil fédéral d’EELV le 22 septembre dernier repose sur un postulat radical que je partage : « Pour les écologistes, le TSCG est, comme seule réponse (à la crise), un traité inadapté et facteur potentiel d’aggravation des troubles ». Evidemment que le TSCG n’est pas la bonne réponse pour résoudre les crises que traversent les pays européens. Mais ce n’est pas son ambition, et encore moins la justification de sa ratification !
Le TSCG est un cadre qui conditionne la mise en place de mécanismes de solidarité à la réduction du déficit des pays surendettés qui bénéficieront du soutien de l’Europe. Pour le dire simplement, l’Allemagne ne souhaite pas voir l’argent qu’elle va injecter dans le budget européen pour venir en aide aux pays en difficulté partir dans un puits sans fond. Elle demande des garanties car elle seule est en capacité de payer (même la France ne le peut pas), le TSCG est donc avant tout un outil diplomatique, et non un outil économique. Il faut le prendre comme tel, et prévoir de le renégocier à la hauteur de notre ambition politique pour l’Europe et de notre disposition aux compromis nécessaires à la réorientation de son fonctionnement et de ses objectifs.
L’objectif prioritaire, et qui nous revient, consiste à stopper la financiarisation de l’économie. En commençant par la taxation des transactions financières, ce que la France a obtenu dans le paquet européen. Sortir de la domination du monde de la finance sur nos économies ne sera possible qu’à la condition d’une Europe politique, il faut une volonté commune, que cela plaise ou non. Il n’y pas d’autre alternative qu’une politisation de l’Europe, hormis celle du repli sur soi ou du nationalisme toujours issus de crises, qu’il faut donc enrayer en urgence pour garantir la paix. Enclencher la réorientation de l’Europe vers plus de démocratie et la relance de l’économie implique aujourd’hui le soutien à des outils diplomatiques de circonstance. Le TSCG en est un.
Enfin, sur la question de l’austérité renforcée à laquelle nous serions contraints par le TSCG, ouvrons le vrai débat! Nous écologistes affirmons que la relance de l’économie passera par l’investissement, mais de qui et dans quel but ? Nous savons qu’une relance non ciblée peut produire des effets sociaux et environnementaux catastrophiques, et nous ne faisons pas de la croissance un objectif en soi. Nous promouvons dans la dépense publique les conditions nécessaires à la transformation écologique de la société. Car si ce n’est certes pas en contraignant l’investissement, et encore moins dans des domaines qui répondent aux besoins et droits humains fondamentaux, que nous solutionnerons la situation, ce n’est pas non plus en investissant en faveur de certains secteurs ou au profit de certaines entreprises.
Nous devons pouvoir investir pour les services de proximité, l’éducation, la santé, les énergies renouvelables, les transports collectifs, les nouvelles technologies, le logement, l’alimentation de qualité, et dans tous les domaines indispensables à l’amélioration des conditions de vie des Européens. Pour y parvenir, il faut donner des objectifs plus politiques au budget européen, car même avec une capacité d’investissement retrouvée, serions-nous tous d’accord pour relancer la filière nucléaire, ou encore exploiter les gaz de schiste? Non, et je refuse également d’autoriser des dettes sans fin au profit de multinationales prédatrices à qui sont délégués trop de nos services publics décentralisés. Il faut lutter contre la finance, grâce à l’intervention d’une banque européenne publique d’investissement et dans le même temps par le désendettement. Il faut de nouvelles fiscalités européennes et dans le même temps de nouvelles fiscalités locales, puisque en France par exemple l’investissement est réalisé en grande partie par les collectivités locales. Cela appelle donc de nouvelles gouvernances, supra et infra nationales, et là enfin s’ouvre le débat du fédéralisme.
Oui, je souhaite conditionner les dépenses européennes à des objectifs politiques, c’est là que la gauche française et les écologistes doivent se battre : quels investissements prioritaires en Europe, dans quels délais, avec quels moyens et par quelles formes d’association des populations? Désormais, il n’est plus question que de savoir si on accompagne la montée des nationalismes, ou si on relève nos manches pour réorienter la construction européenne. En votant oui, je fais le pari du courage et de la conviction politique, je fais le pari de la confiance en ce gouvernement auquel je m’associe pour un engagement ferme dans la résolution des crises que l’Europe traverse. A la croisée des chemins, ma génération politique a une responsabilité historique : l’Europe, et sans attendre le grand soir !
Christophe Cavard, député du Gard