Seconde lecture du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi

 

 

Mardi 7 juillet, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi revenait en seconde lecture devant les députés après un passage au Sénat qui l’avait considérablement modifié. La commission mixte paritaire n’ayant pu trouver d’accord, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à transmis pour l’examen en séance un texte identique à celui issu de la discussion en 1ère lecture.

Christophe Cavard est intervenu dans la discussion générale pour le groupe écologiste et y a tenu les propos suivants:

Monsieur le Ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues,

Nous avons longuement travaillé sur ce texte qui vise la modernisation du dialogue social dans notre pays, lors de sa 1ère lecture dans cet hémicycle le mois dernier.

Après son passage au Sénat, le texte a été profondément modifié, selon une logique politique qui n’est pas celle de notre assemblée. En matière de droits et de représentation des salariés les clivages idéologiques sont tenaces entre la droite et la gauche.

Pour notre part, nous jugeons qu’une démocratie moderne doit reposer davantage sur la participation des salariés à la décision dans les entreprises.

La commission mixte paritaire n’est donc pas parvenu à un accord tant les écarts entre les deux textes étaient importants. La commission des affaires sociales a ainsi rétabli l’esprit et les objectifs initiaux du texte, tels qu’adoptés ici.

Pour les citoyens qui suivent le débat, il est aisé de comprendre que de la procédure dite « accélérée » choisie par le gouvernement, il ne reste donc plus que le nom.

Et nous déplorons pour notre part une précipitation du calendrier pour étudier convenablement les 250 amendements à nouveau présentés

Je le répète, ce que nous recherchons ici c’est à renforcer l’engagement syndical. Car, loin des postures idéologiques ou des expressions incantatoires il y a une réalité en France aujourd’hui: trop peu de salariés s’engagent et donc trop peu d’entre eux sont représentés. Chercher à moderniser le dialogue social c’est donc comprendre les freins à cet engagement, et chercher à les lever.

Je rappelle que cette loi intervient en conséquence de l’échec des négociations de décembre 2014 entre partenaires sociaux représentants les salariés et ceux représentants les employeurs, qui portaient sur l’évolution de la représentation des salariés dans les entreprises, quelle que soit leur taille.

La CGPME, opposées à certaines de ces évolutions notamment pour les petites entreprises, affiche un désaccord avec la création des commissions paritaires interprofessionnelles régionales pour les entreprises de moins de 11 salariés. Le sénat avait ainsi supprimé l’existence de ces CPR suite aux pressions de la CGPME.

Or, si les employeurs des TPE se sont organisés au travers de syndicats spécifiques, les salariés eux n’avaient pas jusqu’ici d’instances représentatives liées à la spécificité des entreprises au sein desquelles ils travaillent. 4,6 millions de salariés sont concernés ! Nous considérons donc ces CPR comme une avancée. Elles auront un rôle d’information et d’accompagnement des salariés et des employeurs pour assurer la mise en oeuvre de leurs droits, par exemple en matière d’évolution de carrière ou de formation professionnelle. Nous y avions ajouté en 1ère lecture un rôle de médiation en cas de conflit, mais les moyens dévolus à ces CPR resteront néanmoins à préciser.

Le positionnement du Sénat sur ces CPR signe une vision idéologique archaïque de l’entreprise, un refus d’entendre que la participation active des salariés permet de la faire progresser. Si je parle d’idéologie, c’est parce que les affirmations de nos collègues de droite ne reposent pas sur des données objectives, mais bien sur des schémas conceptuels qui se traduisent par le refus d’envisager un progrès social.

L’emploi est l’argument mis en avant systématiquement…. Qui pourrait être contre le fait de créer de l’emploi ??? Or, les conséquences des mesures portées par les syndicats patronaux, et dont la droite se fait le porte-parole, vont le plus souvent dans le sens de suppressions d’emplois et d’augmentation de dividendes reversés aux actionnaires…

Il existe pourtant d’autres conceptions du travail, des activités et de la production, il y a une vision bien plus moderne d’envisager les rapports entre salariés et patronat, de concevoir la notion même « d’emploi ».

Avec l’accord de sa jeune auteure, je m’autorise à partager « une parole d’étudiante », celle de Manon Dervin étudiante à Sciences-Po Rennes qui s’est ainsi récemment exprimée dans le journal « Le Monde » :

 « Je souhaite que demain, travail rime avec épanouissement et non pas avec contrainte. Je souhaite que demain soit l’avènement d’un monde qualitatif et non quantitatif. Je souhaite que demain voie la réappropriation de la démocratie à travers une société autonome, garantissant la sérénité. Je souhaite que demain soit un autre rapport à l’autre et au temps, un « travailler moins pour vivre mieux », pour un meilleur vivre ensemble. 

Il est temps de mettre le travail au service de l’homme et non de l’économie.

 Il est temps de nous affranchir de la centralité de cette valeur travail qui nous déshumanise et fait de nous de simples agents économiques. »

Bien sûr, la loi actuelle est loin d’être aussi ambitieuse et ne révolutionnera pas le monde du travail, mais nous ne manquerons pas de nous appuyer sur toutes les initiatives et tous les leviers possibles pour changer les présupposés archaïques autour du salariat.

Nous avons abordé la loi sur l’Economie Sociale et solidaire dans cet esprit.

Et nous poursuivrons dans ce sens au travers du texte qui nous est proposé aujourd’hui, avec un regard certes critique dès lors qu’il nous semble y avoir un manque d’équilibre dans la représentation entre salariés et employeurs pour garantir un dialogue social efficace, mais résolument constructif avec cette même volonté de dialoguer et de convaincre.

Nous nous félicitons donc que le travail en commission des affaires sociales la semaine dernière aie permis de rétablir les avancées principales qui avait été supprimées lors du passage au Sénat.

Tout d’abord, comme nous le rappelions en introduction nous sommes satisfaits du rétablissement des commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les TPE, mais aussi l’obligation pour le gouvernement de produire « un rapport sur les salariés de très petites entreprises non couverts par une convention collective, un accord de branche, un ensemble d’accords ou un statut spécial, et de mettre en place un plan d’action destiné à améliorer la couverture conventionnelle« .

Cet amendement, porté par notre groupe, concerne par exemple directement nos collaborateurs, et illustre le fait qu’il reste encore de nombreux salariés qui doivent pouvoir être représentés.

Nous sommes également attentifs à la représentation équilibrée des femmes et hommes dans les instances du dialogue social. Des amendements réintroduisent les dispositions permettant une représentation paritaire des élu(e)s pour les délégués du personnel et pour les comités d’entreprise, telles que votées par les députés en 1ère lecture.

L’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes est un combat qui passe aussi par leur présence  dans les instances représentatives  au sein de l’entreprise. Ma collègue Véronique Massonneau et moi-même avons fait de nombreuses propositions dans ce sens et nous serons vigilants lors des débats sur ce thème.

Nous approuvons également bien sur le rétablissement dans le texte de la reconnaissance des pathologies psychiques, en particulier le Burn-out, comme maladie professionnelle. Tout comme le rétablissement d’un nombre important d’articles, tels que l’article 7 qui concerne les administrateurs salariés, leur formation et leur mixité ; ou encore le rétablissement de l’article 16 bis permettant de maintenir le monopole syndical au 1er tour des élections professionnelles.

Dans le même sens, nous approuvons que la commission des affaires sociales ait redonné la priorité aux accords avec des délégués syndicaux pour fixer les délais de consultation des CE, et qu’elle ait réintroduit l’utilisation du crédit d’impôt pour les dépenses de recherche dans les points examinés lors de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Pour ce qui concerne la Délégation Unique du Personnel, nous avons déjà souligné notre réserve sur le regroupement des instances, et nous avons pris bonne note de l’engagement du gouvernement pour que cette DUP se mette en place sans perte de moyens ou d’expertises, qu’il s’agisse des comités d’entreprise ou des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travails, les CHSCT.

Enfin, nous ne suivrons pas  les propositions de modification concernant la médecine du travail. Notre collègue Michel Issindou a déjà avancé des propositions de modification de l’article 19 lors de la commission des affaires sociales, ces amendements sont pour nous loin d’être anodins. L’ensemble des partenaires sociaux est pour le moins frileux et le conseil de l’ordre a également manifesté son étonnement et son opposition aux conclusions du rapport Issindou telles que présentées. Le manque de professionnels ne peut servir de prétexte à une refondation de la santé au travail. Cette question ne peut être traitée à la marge de ce texte et nous demandons qu’elle puisse faire l’objet d’un projet de loi à part entière.

Je termine en remerciant mon collègue Jean Patrick Gilles qui interviendra  juste après moi, pour son travail en faveur des intermittents du spectacle, qu’il développera et que nous soutenons.

Je ne résiste pas à conclure sur les propos de Manon Dervin que je cite à nouveau avec malice : « Il est temps de faire du travail en tant qu’activité, un outil de re-politisation de la société, incitant le citoyen à s’approprier démocratiquement et de manière participative son contenu! ».

Je vous remercie.

 

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