Pour Cohn-Bendit, le budget Européen n’est pas à la hauteur du défi de la crise
Lors de son intervention au Parlement européen le 3 juillet dernier Dany Cohn-Bendit dénonce un budget qui ne répond pas aux urgences écologiques et aux besoins des citoyens européens.
L’Europe et l’écologie, premières victimes de l’austérité
Tribune des euro-députés écologistes Karima Delli, Dany Cohn-Bendit, Yannick Jadot et François Alfonsi
Depuis quelques temps, les cabris de l’Europe ont changé de refrain. Désormais, ils sautent allègrement sur leur siège en criant « austérité, austérité, austérité » et votent comme une seule chèvre un budget européen complètement rétrograde et scandaleux.
Pour la première fois de l’histoire de la construction européenne, le cadre financier pluriannuel européen (CFP ou MFF pour les anglophones, devant couvrir la période 2014-2020) adopté au Conseil du 27 juin et malheureusement endossé par les trois grands groupes politiques du parlement européen (conservateurs, socialistes et libéraux) ce mercredi 3 juillet est en recul. De 85 milliards d’euros sur sept ans, soit 9%, l’équivalent des estimations de la fraude fiscale annuelle en France.
Egoïsmes
Dans un contexte de crise accrue et de détresse sociale, alors que la Croatie vient à peine de rejoindre la famille européenne, alors que le chômage des jeunes devient endémique partout en Europe, alors que le dérèglement climatique approche le point de non-retour, l’UE se prive de véritables leviers pour affronter les urgences d’aujourd’hui et les défis de demain.
Incapables de concevoir l’intérêt général des Européens, les Etats membres ont préféré les petits marchandages entre amis et privilégié leurs égoïsmes nationaux – héritage inattendu de feue la Dame de Fer, 27 grands argentiers réclament leur chèque à une Commission soumise.
Derrière ses grandes professions de foi de « réorientation de l’Europe », le gouvernement français a abandonné toute ambition européenne en rase campagne au prétexte d’économies nationales : le projet de budget 2014 du gouvernement entend réduire en valeur absolue son enveloppe de 1,5 milliard d’euros. Par un heureux hasard comptable, la contribution française au budget européen dans le cadre de ce CFP au rabais devrait être allégée d’environ 1,8 milliard. Il semble que les fameux efforts d’économie de la nation se fassent d’abord au détriment de ses engagements européens.
Dictature
Au moment même du limogeage piteux de Delphine Batho, François Hollande démontre donc qu’il y a deux variables d’ajustement à sa politique actuelle :
- l’Europe
- et l’écologie.
Les Verts en revanche restent sa variable de stabilité politique dans la majorité. Le Président français se rend-il seulement compte qu’il n’y a d’issue crédible à l’accumulation des crises que dans la relance de l’activité économique à l’échelle de l’UE et les investissements verts d’avenir ?
Cet aveuglement renforce la crise de légitimité qui frappe l’ensemble des institutions politiques depuis 2008. Au niveau européen, elle ne fait que s’aggraver, perceptible au fil des enquêtes d’opinion qui montrent une montée de l’extrême droite, des eurosceptiques et des populistes de tous bords un peu partout dans l’UE.
Une majeure partie des citoyens européens souffre des politiques d’austérité et d’un manque de perspective d’avenir. Et on réduit encore nos moyens ? Allons-nous continuer longtemps à regarder la construction européenne se déliter lentement sous pression de la dictature des comptables-technocrates et de la vision court-termiste de nos dirigeants ?
« Talibans néolibéraux »
Tout au long des négociations de ces derniers mois, nous nous sommes battus avec le groupe des Verts/ALE au Parlement européen pour lutter contre cette logique mortifère, pour offrir des perspectives, pour renouer avec l’idée d’une Europe fédérale au service de ses citoyens, une Europe qui investirait dans les idées d’avenir, pour sortir par le haut de la crise : transition énergétique et reconversion de l’industrie vers les filières renouvelables, investissements conséquents pour lutter contre le chômage, notamment des jeunes, partout en Europe, développement de tous les outils démocratiques pour une participation accrue de toutes et tous au projet européen, etc.
Nous nous sommes heurtés à un mur, un mur de la part des « Talibans néolibéraux » du Conseil et de la Commission, ne jurant que par l’austérité publique et la prospérité privée du big business. Mais nous nous sommes également heurtés à un mur de la part des « progressistes » européens (socialistes et démocrates). Ceux-ci ont cédé sur tout face à la pression de leurs enjeux nationaux, qu’ils soient ou non au pouvoir. Ils se sont montrés pour le coup les alliés objectifs de celles et ceux qu’ils prétendent combattre, ils viennent de manquer l’occasion historique de redonner au Parlement européen, seule instance de l’UE élue au suffrage universel, ses lettres de noblesse démocratiques en refusant un budget scandaleux, et ils viennent d’offrir aux ennemis de l’Europe un cadeau en or à un an des élections.
Clou
Ils ont joué profil bas, à l’image des socialistes français face à l’accord de libre échange actuellement en négociation entre l’UE et les Etats-Unis : alors que cet accord risque de remettre en cause l’ensemble des acquis européens, ils se sont arc-boutés sur la défense de « l’exception culturelle », se félicitant ensuite de cette bataille gagnée d’avance alors qu’ils perdaient sur tout le reste. Le cœur de la crise politique européenne aujourd’hui est son déficit de légitimité. Ce vote budgétaire est un clou de plus sur le cercueil de la démocratie européenne.
A un an d’échéances électorales majeures, les européennes de mai 2014, les faits semblent donner raison aux eurosceptiques. Parmi les familles politiques qui n’auront alors pas perdu leur boussole européenne ni leurs principes démocratiques, il ne restera que les écologistes. Serons-nous enfin entendus ?