Audition de Myriam El Khomri et intervention en commission des affaires sociales
Intervention en commission des affaires sociales / Audition de Myriam El Khomri
Mardi 29 mars,
Loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs
Madame la Ministre,
Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui avec mes collègues de la commission des affaires sociales pour avoir un échange franc et constructif autour de cette loi, précédemment dite « loi El Khomri, puis « loi Travail », en fait projet de loi « visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ».
Cette loi a déjà tant fait parler d’elle, alors que nous même, parlementaires n’avons pas commencé à l’étudier ensemble en profondeur, pour y apporter nos propositions d’améliorations.
Car, vous vous en doutez, nous allons y travailler sérieusement !
Entre le texte que nous avons sous les yeux, et l’avant-projet initial, qui a été retiré afin de prendre en compte les principales craintes exprimées dans le pays, les choses ont évolué, et je m’en félicite.
Ce texte est issu de multiples travaux et rapports, qui ont cherché à faire des propositions dans la perspective d’une refondation de notre code du travail, et de l’amélioration du dialogue social dans les entreprises. Ceci dans la continuité des textes que nous avons voté précédemment sur ces mêmes sujets, la loi sécurisation emploi, ou la loi sur la formation professionnelle et le dialogue social…
Les travaux de la commission Badinter ont pour vocation à être le socle de cette refondation, bien au-delà du seul article 1er de cette loi. Ils ont vocation à être le préambule du code du travail, ce qui doit inspirer l’ensemble de ce qui suivra, ce sont les droits fondamentaux de chacune et chacun au travail.
Le rapport de Jean-Denis Combrexelle sur la négociation collective, le rapport Mettling sur la transformation numérique de notre société et la vie au travail en conséquence, le rapport sur le compte personnel d’activité, et d’autres encore, ont nourris ce texte.
Puisque je n’aurais pas le temps ici d’aborder en détail tous ces sujets, je voudrais m’exprimer brièvement sur l’esprit de la loi.
Cette loi se préoccupe de dialogue social, de sécurité professionnelle, et de flexibilité.
Pour ce qui est du dialogue social, je défends avec conviction, en tant qu’écologiste, la démocratie sociale et la négociation au plus près des spécificités de la production et de l’organisation du travail, au plus près des acteurs concernés, au sein de chaque entreprise.
Les écologistes souhaitent favoriser et renforcer la possible participation des salariés dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sont porteurs du modèle de l’économie sociale, ou un homme égal une voix. Ils sont donc naturellement favorables au dialogue social et à la négociation collective au sein de l’entreprise.
Mais nous savons que pour parvenir à des négociations réussies, il faut garantir que les conditions de la négociation sont loyales et équilibrés entre les parties. Il faut de l’information, de la confiance et de la compréhension mutuelle entre les négociateurs, il faut donc définir au préalable les règles du jeu, de façon claire et outillée. La négociation est une culture, cela s’apprend, de part et d’autre. Nous y reviendrons dans le débat parlementaire et ceci concerne en 1er chef les accords de méthode. Cela concerne également le rôle des branches professionnelles.
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Les écologistes défendent également bien entendu la sécurisation des parcours professionnels. Et si nous avons commencé à y travailler avec le Compte Personnel de Formation, qui est le début d’une possibilité de formation tout au long de la vie, l’augmentation des heures attribuées au CPF pour les personnes peu ou pas qualifiées est une bonne nouvelle. Nous pouvons nous féliciter de la création du compte personnel d’activité qui intègre de multiples dimensions de la vie professionnelle mais également de la vie sociale, de la garantie jeune ou du renforcement de la validation des acquis de l’expérience. Restera la question du compte épargne temps, et de son association au CPA.
Après ces évolutions majeures, il y a un sujet néanmoins qui pose problème dans ce texte. C’est celui traitant de la flexibilité. C’est un sujet sensible, et pourquoi l’est-il ?
Parce qu’il est nécessaire aujourd’hui de différencier ce qu’on appelle l’économie réelle de l’économie virtuelle. Si nous voulons aider les très petites entreprises, les artisans, les petites et les moyennes entreprises ou les entrepreneurs de l’ESS, chefs d’entreprises et salariés à pouvoir s’adapter pour développer l’emploi, nous ne voulons pas pour autant faciliter la tâche du « monde de la finance ».
Ce texte doit apporter de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les actifs, pas pour les inactifs. Pas pour offrir la possibilité d’accroitre des dividendes issus de la spéculation, sur le dos des salariés tout autant que sur celui des entreprises sous-traitantes. Nous vivons dans un monde ou désormais les rapports de subordination ne sont pas exclusivement entre employeurs et salariés mais également entre entreprises donneurs d’ordres, ou multinationales, et leurs sous-traitants.
Le débat n’est donc plus seulement entre salariés et « patrons », mais entre économie réelle et économie « virtuelle ». Nous l’aborderons dans le débat, et chercherons à proposer les meilleures solutions pour garantir les droits des salariés.
En conclusion dans l’esprit de la loi, c’est-à-dire dans une volonté de confiance pour une bonne négociation entre exécutif et parlementaires, pour donner également tout son sens à la démocratie parlementaire, je souhaite que les semaines à venir permettent de continuer à améliorer ce texte et à évacuer les peurs. Par l’écoute et le dialogue, avec toutes celles et tous ceux qui souhaitent participer, hors des logiques de postures politiciennes, et de façon constructive.
Je vous remercie.