Interview Nadia Azoug sur le web mag « globalmagazine » : « Ma ville dans 20 ans ? Si nous ne sommes pas réfugiés climatiques, une ville sans apartheid social ! »
Dossier Municipales : le rêve 2034
Nadia Azoug : Pantin, douce, gaie, métissée
Nadia Azoug, EELV, maire-adjointe sortante, enseignante universitaire se présente à Pantin, ville de Seine-Saint-Denis de près de 55 000 habitants. Elle conduit une liste composée de membres d’EELV, de Force citoyenne et populaire et de citoyens engagés. Le mot d’ordre : « accélérons la transition pour préparer notre avenir ! »
« Ma ville dans 20 ans … ? Si on n’est pas parmi les réfugiés climatiques … ». Rires. L’exclamation est de circonstance : ce 17 mars, Pantin surnage dans le smog parisien au rythme de la circulation automobile alternée.
Nadia Azoug est une femme gaie comme la ville qu’elle rêve dans 20 ans. « On y empruntera le canal pour se rendre à Paris par le Parc de la Villette ou à la campagne en Seine-et-Marne, à Meaux par exemple chercher son petit panier de légumes !» Des voies de circulation « douces » avec des véhicules propres auront remplacé ces départementales et nationales qu’empruntent tous les jours des camions bruyants et polluants, du périphérique vers la banlieue et inversement. Un problème réglé grâce notamment au canal et à ses péniches, voie de circulation complémentaire au Citrail, site ferroviaire international qui sera alors devenu un pôle très actif.
Ceinturée dans sa banlieue au Nord-Est de Paris (19e) par le périf’ non couvert que surplombent les célèbres Moulins, traversée par le canal de l’Ourcq, déchirée par les RN 2 et 3 et la RD115 à gros trafic, coupée en deux par la gigantesque emprise du cimetière parisien et un large faisceau voies ferrées, telle était Pantin en 2014, une commune morcelée au tissu urbain hétérogène et au passé industriel et ouvrier. « Grise et terne ». Vingt ans plus tard, Nadia Azoug l’imagine « humaine et accueillante », « réparée » par un urbanisme « repensé ». « Quand on n’utilise pas le bus ou le vélo, on aime marcher à pied ». Dans les années 60-70 Pantin a construit beaucoup de logements tels les cités, grands ensembles et dalles d’immeubles (Haut-Pantin, Courtillières, Quatre-chemins puis Hoche-Porte de Pantin). « Heureusement, commente-t-elle. Mais aujourd’hui on est confiné dans les intérieurs. L’objectif est de pouvoir vivre dehors mais pour cela il faut avoir envie de sortir ! » En 2034, les espaces urbains auront été aménagés pour. En sortant de la crèche, de l’école, on aura envie de s’attarder dehors.
Dans le Pantin futur de Nadia Azoug « le pont de la mairie ou RD115 s’appelle Nelson Mandela, parce qu’il a réussi à relier les gens entre eux », là où « l’apartheid social les divisait » et les cantonnait dans leurs quartiers selon qu’ils étaient un peu aisés ou pauvres.
Pantin est restée populaire et métissée. Les classes pauvres et moyennes n’ont pas été obligées de migrer en 2e ou 3e couronne. Il y a eu des programmes d’accession sociale à la propriété, et toutes les nouvelles constructions ont dû s’y plier : elles comportent des espaces collectifs intérieurs dont les habitants peuvent disposer pour célébrer des évènements ou fêter. Ainsi des cuisines collectives populaires permettent l’apprentissage culinaire et la fête. Quand elles ne partagent pas sur place, les familles apprécient de ramener un plat concocté avec le voisin à la maison.
Au pied des immeubles et des façades de rues, des bandes de terre sont entretenues par les habitants. Plus de grilles, de digicodes, de voies piétonnes privatisées : les enfants jouent dehors ! Les Pantinois sont habitués à participer aux décisions au sein de conseils de ville.
Près de la gare, l’éco-quartier a fini par sortir de terre avec ses logements sociaux ou à prix abordables, de l’habitat partagé (10%) sur 36 hectares. 5 sont consacrés au maraîchage. Ailleurs les jardins participatifs sont l’occasion de transmettre ou de retrouver les savoir-faire ancestraux des différentes populations. Evidemment la phytoremédiation a permis de dépolluer les sols au passé industrieux. Deux chevaux de trait circulent dans les rues et certaines pelouses sont même tondues par des animaux. Ici et là trônent quelques ruches butineuses d’espaces verts en bio.
Le pôle de prêt de matériel (high-tech, camping, etc.) et les ressourceries ont du succès comme les bibliothèques de rue.
Les pépinières d’entreprises, les éco-entreprises se sont bien développées. Il y a désormais beaucoup moins de grands groupes, ils rapportaient peu au final, beaucoup moins de bureaux, plus de logements, de l’habitat participatif et des composteurs collectifs partout.
Et l’argent, comment rentre-t-il ? « La fin des paradis fiscaux a permis d’en libérer des masses pour les états ! » On sait utiliser ces fameux fonds de l’Europe longtemps sous-exploités. « On a réussi à faire valoir ce fameux 13ème mois écolo, c’est-à-dire tout ce qui permet de réduire les charges grâce aux économiseurs d’eau, à la rénovation ou l’isolation du bâti, aux transports collectifs… » explique-t-elle. Et la ville fonctionne sur ce modèle.
Dans 20 ans, Nadia Azoug vivra à Pantin, bien sûr. En se baladant au bord du canal, ou sur l’éco-base de Romainville voisine, elle repensera parfois à cette « folle aventure » qui l’avait poussée, à moins de 50 ans, à se présenter parce qu’il n’y avait « pas d’alternatives » parce que c’était toujours les mêmes qui dessinaient les villes et qu’elle n’aimait pas leur dessin ! La participante de la Marche pour l’égalité (1983), conseillère régionale d’Ile-de-France (2010), se dira alors qu’elle avait eu raison « croire dans le peuple ».
Pour retrouver l'article sur globalmagazine.info, "le magazine de la slow-info" : http://www.globalmagazine.info/meli-melo/2014/03/20/nadia-azoug-pantin-douce-gaie-metissee-1395327501
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