Discours :

Monsieur le Président, Chers Collègues,

Nous sommes aujourd’hui sollicités pour donner un avis sur les trois schémas élaborés par l’Agence Régionale de Santé dans le cadre du Plan stratégique régional de Santé, à partir d’un diagnostic de l’état de santé de la population auvergnate et de l’offre de soins.

Notre collectivité n’a pas de compétence légale en matière de santé et d’organisation de soins mais elle est concernée à travers la dimension aménagement du territoire et également en raison de notre compétence en matière de formations médico-sociales.

La volonté de planifier l’évolution du système de santé régional sur cinq ans est louable. Le domaine de la santé est en évolution constante. Les données sanitaires d’une population ne sont pas figées, elles dépendent de l’évolution de la démographie, de la pyramide des âges, de l’accroissement ou de la réduction de l’incidence des pathologies, elles-mêmes dépendantes des facteurs sociaux et environnementaux. En même temps, la démographie des professions de santé dans un système non étatisé est une donnée éminemment variable.

Le diagnostic réalisé au cours de l’année 2011 est incontestablement objectif. Il pointe en particulier le vieillissement de la population avec ses conséquences en termes de besoins de soins et de traitement de la dépendance. Il pointe les pathologies en augmentation : maladies cardiovasculaires, cancers, maladies neurologiques chroniques, maladies métaboliques, pathologies psychiatriques.

Face à ce constat, il tente de répondre aux besoins de la population par 3 schémas d’organisation. J’insisterai principalement sur les 2 premiers :

  • Celui de la prévention et c’est bien la première fois que la prévention est placée, au niveau de l’affichage, au même niveau que le soin ou l’accompagnement médicosocial. Ce point est capital car la prévention est le seul moyen pour tenter de réduire l’incidence des pathologies et donc leur coût pour la collectivité Jusqu’à présent, le système sanitaire français a consacré entre 1 et 3% des moyens disponibles à la prévention et tout le reste aux soins. Ce n’est pas un hasard si l’essentiel du financement de notre système sanitaire provient des différents régimes d’assurance maladie, je dis bien d’assurance maladie et pas d’assurance santé.

La plupart des pathologies qui frappent nos concitoyens peuvent, à un degré variable mais toujours important, être évitées ou retardées, ou limitées par des mesures de prévention et d’éducation sanitaire : la nutrition et la qualité des denrées alimentaires et de l’eau, la pratique, de façon régulière, d’une activité physique adaptée à l’âge, la réduction de l’exposition aux polluants divers d’origine aérienne et alimentaire et aux rayonnements, l’amélioration de l’ergonomie au travail, la réduction du stress professionnel, la prévention des accidents de la route, du travail, de la vie domestique, la lutte contre les addictions y compris le tabagisme ou le mal être des adolescents…

Aujourd’hui, il faut changer notre logiciel de réflexion sur la santé. Prévenir vaut mieux que guérir, bien sûr pour les patients à qui l’on évite de la souffrance ou du handicap ou de mourir prématurément… mais aussi pour les finances publiques.

Le progrès médical est la principale cause de l’inflation des dépenses de santé. Les nouvelles thérapeutiques développées ces dernières décennies sont de plus en plus coûteuses et, surtout, elles sont efficaces, et leur efficacité est déterminante dans l’inflation des coûts. Survivre coûte cher car on survit souvent malade !

Le seul moyen de maîtriser, à terme, le coût de la santé, est d’agir sur la prévention, c’est une certitude ! Mais la prévention ne rapporte le plus souvent qu’à long ou à très long terme ; c’est donc une échelle qui intéresse peu les décideurs politiques dont la vision est, en règle générale, plus centrée sur le court terme…

Le schéma de prévention proposé comporte des pistes intéressantes. Je ne rentrerai pas dans leur détail ici mais il est bien trop discret sur les aspects environnementaux au sens très large. Il est vrai que cet aspect là ne peut pas être traité au seul niveau d’une A.R.S. mais il doit être intégré dans toutes les politiques publiques et c'est la que nous retrouvons les notions d’éco socio conditionnalité si chères aux écologistes.

  • Concernant le Schéma de soins, nous considérons qu’il est raisonnable de viser à une meilleure efficacité des moyens alloués afin de pouvoir répondre au mieux aux besoins croissants imposés par l’accroissement de la technicité ou de l’incidence des pathologies chroniques coûteuses. Mais rationalisation ne veut pas dire rationnement.

Nous sommes attachés à l’équité de traitement des citoyens et, à ce titre, nous considérons que la santé n’est pas une marchandise comme les autres qui doit être soumise au seul marché. L’accès aux soins doit être possible dans des conditions acceptables à tout citoyen, quel que soit son lieu de résidence et quels que soient ses moyens financiers. C’et pourquoi nous sommes attentifs à l’approche territoriale dans le cadre des programmes territoriaux de santé.

Par ailleurs, l’implantation de l’offre hospitalière dans les zones les moins denses doit être élaborée en concertation avec les élus locaux et les professionnels de la santé mais aussi les usagers eux-mêmes.

Des mutualisations de moyens entre public et privé peuvent se justifier afin de rationaliser les équipements, mais il faut veiller à l’accessibilité pour tous sous l’aspect financier.

Bien évidemment, le plan de santé régional s’inscrit dans le cadre d’une politique nationale de santé sur laquelle nous avons de nombreuses critiques.

Les principales concernent par exemple les effets pervers de la tarification à l’activité qui, bien qu’elle comporte une part vertueuse, ne peut constituer le seul mode de financement des établissements, en particulier ceux qui exercent une véritable fonction de service public et dont la durée de séjour doit être prise en compte avec discernement.

Une autre critique majeure, le développement inconsidéré d’une offre de soins à tarification non opposable (secteur 2 et dépassements variés) qui tend à créer une médecine à deux vitesses.

Enfin, l’évaluation de la qualité du service rendu par des établissements hospitaliers de petite taille doit être évaluée de façon objective et non à partir de présupposés basés sur des ratios d’activité dont on ne sait pas s’ils conditionnent dans tous les cas de figure un meilleur service rendu à l’usager.

Compte tenu de ces remarques, notre Groupe émettra un avis très réservé sur les 3 schémas, et restera vigilant sur leur mise en œuvre concrète, en particulier dans un contexte national probablement appelé à évoluer dans les prochains mois.

Je vous remercie.