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3 ITER- Les objections :
3-1 objections d’ordre général sur la filière
1. En 1998 les USA abandonnent le projet ITER. Ils retirent leur participation financière et le personnel mis à disposition du projet. Succédant à l’arrêt définitif de leur projet national (TFTR) ce retrait montre une défiance par rapport à l’avenir de la fusion contrôlée au moins dans la filière Tokamak telle qu’elle est envisagée dans le projet ITER.
La décision du Président Bush en janvier 2003 de revenir dans le projet avec une participation financière à hauteur de 10% manifeste selon nous le désir d’avoir accès aux résultats avec un engagement minimum et non un retournement sur l’évaluation du potentiel industriel de cette filière.
La défiance provient surtout de la grande complexité de ces machines (les réacteurs à fission sont d’une simplicité extrême par comparaison) qui même si elles arrivent un jour à produire de l’électricité ne le feront sûrement pas dans des conditions économiques et industrielles acceptables.
En cause, en particulier, l’allumage du mélange qui nécessiterait des puissances de plusieurs gigawatts (soit la puissance fournie par plusieurs centrales nucléaires classiques fonctionnant simultanément !) et qui ne pourra être envisagé avec le projet ITER-FEAT.
2. La fusion rencontre des opposants dans le milieu nucléaire lui-même. Cette contestation s’est amplifiée avec l’arrivée des grands tokamak (JET et TFTR) Elle porte sur la conviction que jamais ces machines n’atteindront le stade de la rentabilité économique.
La contestation existe même au sein des équipes formant la communauté des chercheurs engagés. Trop de problèmes non résolus : fonctionnement du divertor, tenue des parois au flux intense de neutrons, instabilités du plasma, difficulté de tirer des enseignements d’une machine qui n’aura pas la taille suffisante pour atteindre l’ignition etc ...
3. Une autre raison du retrait des USA du projet ITER est la lourdeur du fonctionnement dans la prise de décision. La coopération internationale impose des concertations complexes qui ralentissent les projets, les incertitudes sur les capacités de financement de certaines parties rendent aléatoire le calendrier de déroulement des opérations.
3-2 Objections sur les arguments classiquement proposés en faveur
Les arguments mis en avant pour justifier l’effort financier considérable que représente ce projet sont :
La possibilité de fournir une quantité illimité d’énergie par un procédé qui génère peu de gaz à effet de serre (en considérant l’ensemble de la filière) et beaucoup moins de déchets radioactifs à vie longue que la filière nucléaire à fission.
Le droit imprescriptible de la recherche de chercher là où elle veut sans que ses orientations soient soumises à un débat public.
4. La justification des projets se base sur l’augmentation de la demande d’électricité dans le monde. C’est le même argument qui avait été utilisé au début des années 70 pour justifier le dimensionnement du parc électronucléaire français.
Il était évident, pour les économistes d’alors, que la consommation d’électricité allait suivre l’évolution du PIB. Il n’en a rien été grâce aux progrès de l’efficacité énergétique et nous nous retrouvons aujourd’hui avec un parc électronucléaire largement surdimensionné qui nous impose des exportations (à perte) de 70 TWh par ans et le développement de l’absurdité que constitue le chauffage électrique en France.
5. Ajoutons à cela que cette technologie demandera des investissements considérables hors de portée de la plupart des pays ; sans parler des équipes techniques et de la stabilité socio-politique nécessaires pour faire fonctionner en toute sécurité ces installations.
La société thermonucléaire sera encore plus policière.
Ces arguments sont déjà valables avec les centrales nucléaires actuelles.
6. Des crédits considérables sont mis à disposition d’un projet dont l’efficacité technique n’est aucunement assurée et que les spécialistes favorables à ce projet, ne voient pas aboutir avant cinquante ans au moins (et cela fait trente ans que cet horizon de cinquante ans est évoqué). Or ces crédits sont autant de moins pour les recherches sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et l’utilisation rationnelle des réserves fossiles qui, elles, offrent une réelle réponse aux demandes du futur.
7. Un autre argument en faveur du projet consiste à dire qu’il permettra de lutter contre le changement climatique.
Une première réponse est de dire que la production d’électricité dans le monde n’est pas, et de loin, l’activité qui pèse le plus lourd dans la production des gaz à effet de serre. Dans ce domaine les économies d’énergie et le recours aux renouvelables, accessibles à tous les pays, font aussi bien que le nucléaire à un coût largement inférieur et sans produire de déchets. C’est dans les domaines des transports et de l’habitat que les gains significatifs sur la production de gaz à effet de serre pourront se faire.
De plus l’horizon « raisonnable » pour une exploitation industrielle de cette filière, si jamais elle voit le jour, est vers la fin de ce siècle. Or, en 2100, il sera trop tard, c’est dés maintenant que nous avons besoin de sources d’énergie « propres »
8. Un risque caché
En réponse à l’argument économique certains évoquent la possibilité que le projet ITER-FEAT soit utilisé comme point de départ d’un réacteur hybride (fusion-fission) dans lequel les neutrons produits par la réaction de fusion serviraient à déclencher une réaction de fission dans l’enveloppe constituée d’un matériau fissile (une enveloppe de 50 cm d’uranium par exemple) ce qui amplifierait d’un facteur 10 la puissance libérée par la fusion. Dans cette hypothèse il y aurait production d’éléments radioactifs lourds comme dans les réacteurs actuels à fission.
3-3 Risques liés au procédé lui même
9 Le Tritium est un élément radioactif dont la période est de 12.36 années. Sa préparation à partir du Lithium est elle même productrice de déchets radioactifs.
10 Le flux de neutrons issus de la réaction cède son énergie à la paroi en la chauffant et en activant les matériaux qui la constitue. On a ainsi une production d’éléments radioactifs lourds.
3-4 Risques liés au site
11 Nécessité d’acheminer la puissance électrique considérable (plusieurs gigawatts) nécessaire pour le chauffage du plasma. Cela impose la création de lignes HT supplémentaires.
12 Destruction des riches milieux de la forêt domaniale de Cadarache déjà déstabilisée par les sondages. Plantations faites depuis moins de trente ans avec des fonds publics et un engagement trentenaire de l’Etat d’en conserver la vocation forestière. Unité de population génétiquement pure de mouflons, avifaune du confluent Durance -Verdon.
13 Elargissement des routes menant au site pour faire passer les transporteurs de pièces volumineuses du réacteur
14 Pas de protection contre les séismes de magnitude 6 (survenu en 1909)
15 Pas de protection contre les chutes d’aéronefs.
16 En cas d’accident, en fonction de la direction des vents, c’est l’ensemble de la population de la région PACA qui est potentiellement menacée.
3-5 L’EVALUATION DU PROGRAMME SUR LA FUSION PAR LA COMMUNAUTE EUROPEENNE
La CE s’est dotée d’un service d’évaluation des programmes scientifiques et techniques, la STOA (Scientific and Technological Options Assessments) qui a produit deux rapports sur la fusion :
En juillet 1991 un rapport rédigé par C. Sweet, T. Jackson, J. Sweet pour faire une analyse critique d’un rapport publié en 1989, commandé par la commission Européenne sur l’évaluation du programme européen de fusion. De cette analyse critique il ressort :
1) Que le programme de fusion est classiquement un programme de recherche et développement qui doit être soumis aux règles ordinaires de la politique énergétique et à ses contraintes budgétaires. Or le rapport sur lequel porte la critique propose une méthode avec la réalisation successive d’objectifs scientifiques puis techniques avant de rendre le projet compatible avec les contraintes sociales, environnementales et financières. La fusion est présentée comme un impératif moral avec le postulat que c’est une énergie propre et inépuisable et que les considérations sociales, environnementales et autres n’ont pas à conditionner les choix scientifiques et techniques.
2) Le rapport incriminé a été rédigé par des rédacteurs directement liés au milieu de la fusion et est clairement orienté vers les intérêts de ce milieu.
La conclusion de cette analyse critique est qu’un nouveau cadre de prise de décision doit être mis en place avec la participation de spécialistes de la gestion et de l’évaluation de projets pris en dehors du milieu « nucléaire ». Il recommande que l’on applique à ces projets les règles classiques pour les technologies en développement.
En janvier 1998 un rapport rédigé par Michaël SHARPE « the operational requirements for a commercial fusion reactor » (à suivre pour l’analyse de ce rapport)
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