Base de données >
Nucléaire >
ITER >
ITER ... une bonne affaire pour les militaires
Contrairement à ce que tous les communiqués laissent croire, la production d’électricité n’est pas prévue dans l’actuel projet ITER. Elle ne sera envisagée que dans une seconde étape. Il n’est pas sûr du tout que cela puisse conduire à une production industriellement et économiquement viable.
Mais très rapidement, la maîtrise de la technologie du tritium et la construction d’installations de production, moralement justifiées par cet objectif incertain et lointain permettront à de nombreux pays de se doter d’armes thermonucléaires transportables par missiles.
ITER... une bonne affaire pour les militaires
Fission, fusion quelques explications
Dans la réaction de fission nucléaire, un noyau d’uranium ou de plutonium éclate en libérant de l’énergie et plusieurs particules, les neutrons, qui, en frappant à leur tour les noyaux voisins, les feront éclater.
On aura ainsi une réaction en chaîne divergente qui se propagera très rapidement sous forme d’une explosion dans la bombe atomique.
Mais il faut pour cela que la masse de matériau fissile soit suffisante, sinon les neutrons sortent du matériau avant d’avoir pu réagir. Cette masse porte le nom de masse critique.
Dans la réaction de fusion, des noyaux d’hydrogène sous forme de deutérium ou de tritium fusionnent pour donner de l’hélium et des neutrons en libérant une grande quantité d’énergie.
Mais pour cela le mélange doit être assez dense et porté à des températures supérieures à cent millions de degré. Aucun récipient matériel ne peut contenir ce mélange d’où deux grandes options techniques possibles pour d’éventuelles applications civiles :
1. Le confinement magnétique dans lequel des champs magnétiques intenses obligent les noyaux chargés électriquement à tourner en rond sans toucher les parois de l’enceinte matérielle. C’est l’option retenue dans le projet ITER
2. Le confinement dit inertiel en faisant converger sur des micro-billes contenant le mélange, des faisceaux laser de grande puissance qui déclenchent la réaction. On a alors un fonctionnement par explosions successives. C’est l’option retenue dans le projet Mégajoule (militaire uniquement celui-là)
La principale différence entre les systèmes de production civils d’énergie par fission ou fusion est que la faisabilité de la fusion pour des usages civils n’est toujours pas démontrée alors que la faisabilité technique et scientifique de la fission a été établie dés le début.
En 1942, la construction et le fonctionnement de la première pile atomique par Enrico FERMI et ses collaborateurs s’est révélée tellement simple qu’il a été possible de concevoir, de construire et de mettre en marche plusieurs réacteurs d’une puissance de 1000MW thermiques en moins de deux ans.
En comparaison, après presque cinquante ans de recherches sur la fusion, même le plus optimiste des supporters scientifiquement compétent dans ce domaine ne parierait pas sur une réalisation de son vivant.
Cela amène à s’interroger sur les raisons de l’enthousiasme qui semble entourer le projet ITER et à regarder de près ses implications dans le domaine militaire.
Faire une bombe atomique ... mais c’est très facile
Le principe de base de la bombe A est simple. On fragmente une masse d’uranium ou de plutonium de qualité militaire, supérieure à la masse critique, en éléments sous critiques. Un explosif classique rassemble brusquement ces éléments au moment choisi pour l’explosion et la réaction démarre spontanément.
A partir de ce principe de base on peut bien sur raffiner...
La principale difficulté est de se procurer l’uranium enrichi ou le plutonium. Pour le premier il faut avoir de l’uranium naturel ou tel qu’on l’utilise dans un réacteur électronucléaire civil et une installation pour enrichir cet uranium.
Pour le plutonium il suffit d’avoir un réacteur civil et une unité de retraitement capable d’extraire le plutonium du combustible usé.
Il est évidemment toujours possible de l’acheter ... ou de le voler. Les stocks de plutonium sont abondants et pas toujours bien gardés.
Elle présente toutefois un risque, celui d’une explosion accidentelle de l’explosif classique ....
C’est la transporter qui est difficile
Si on prend l’exemple de la bombe larguée au dessus de Nagasaki, notre principe de base avec quelques raffinements aboutit à un engin faisant plus d’un mètre de diamètre et pesant plus de trois tonnes. Pour la transporter il faut disposer de bombardiers lourds, ce qui n’est pas à la portée de n’importe quel pays. Il n’est pas possible de l’embarquer sur des missiles ...
Sauf si on sait la doper, en particulier au tritium
Pour réduire la taille et le poids de la bombe on peut la doper au tritium de la manière suivante : Au cœur de la bombe précédente on place quelques grammes de tritium. Lorsque la réaction en chaîne de fission démarre, elle chauffe et comprime le tritium et déclenche une réaction de fusion qui libère brusquement une grande quantité de neutrons. Ceux-cis accélèrent et complètent en retour la réaction de fission dans l’uranium et le plutonium. Notre bombe peut alors ne faire plus que 30 cm de diamètre avec une masse inférieure à 100 kg. Elle est simple, plus sure et facilement transportable par un missile.
Tout pays capable de se procurer de l’uranium ou du plutonium et quelques grammes de tritium devient alors potentiellement une puissance thermonucléaire. Le tritium ayant une période radioactive de 12.3 ans il faut prévoir de le remplacer régulièrement.
Mais la production de tritium n’est pas facile, seuls les pays possédant l’arme thermonucléaire ont des unités de production (les Célestins à Marcoule en France). Le Canada dont c’est un sous produit des réacteurs civils de type CANDU utilisant l’eau lourde est un des rares exportateurs de tritium.
La fusion civile nouveau vecteur de la prolifération des armes nucléaires.
Dans le projet ITER on prévoit de fusionner du deutérium et du tritium. Une fois ce projet opérationnel il y aurait sur le site (Cadarache si c’est en France, Rokkasho-Mura si c’est au japon) en permanence 2 kg de tritium avec un flux annuel de 1.2 kg environ. C’est à dire de quoi alimenter un arsenal de plusieurs centaines de têtes nucléaires dopées au tritium.
Si ITER s’installe dans un pays comme le Japon, pays non militairement nucléarisé, mais qui dispose de stocks importants de plutonium d’origine civile, l’importation de tritium ou la construction d’installations productrices de tritium à proximité seront moralement justifiables par des objectifs civils.
Il en sera de même par la suite pour tous les pays qui demanderont à avoir des réacteurs à fusion ou simplement à faire des recherches sur ce type de réacteur. Ils pourront légitimement demander à avoir leur propre source de tritium ce qui, de fait, leur donnera le potentiel de devenir une puissance nucléaire militaire.
Il faut ajouter à cela que de nombreuses techniques et études nécessaires pour la réalisation de réacteur de fusion sont également utilisées dans le domaine militaire.
Conclusion
Si la production d’électricité dans le projet ITER n’est pas à l’ordre du jour avant plusieurs décennies ... et le succès est très loin d’être garanti, le développement et la prolifération des armes thermonucléaires risque d’en être les premières retombées bien concrètes.
Cet article est largement inspiré d’une étude publiée en janvier 2004 par André GSPONER et jean-Pierre HURNI de l’ISRI (International scientific research institute) de Genève disponible en document joint (en Anglais)
Imprimer
|