Plouguin, le 30 avril 2012
au Collectif 29 pour la Souveraineté Alimentaire
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie pour m’avoir sollicitée pour vous rencontrer et pour répondre à votre questionnaire. Cela m’offre l’occasion de réaffirmer mon attachement, ainsi que celui d’Europe Ecologie – Les Verts, aux questions liées aux rapports nord-sud et notamment à la souveraineté alimentaire.
3 milliards de pauvres dans le monde. 2 milliards sont malnutris, 1 milliard sont affamés parce que pauvres. Les engagements internationaux d’éradication de la pauvreté et de la faim sont bafoués depuis près de 50 ans. L’Aide Publique au Développement des pays riches reste médiocre et inefficace dans un contexte de libéralisation et de crise mondiale.
Pourtant la production alimentaire mondiale serait suffisante s’il n’y avait, selon, insolvabilité, surconsommation et gaspillage.
Pourtant nous savons que des politiques publiques nationales, européennes, internationales peuvent lutter efficacement contre les dégradations sociales et écologiques mondiales produites, au sud comme au nord, par un modèle de développement occidental vorace, par 30 ans de dérégulation libérale et de domination des multinationales, 30 ans d’abandon de la puissance publique au laissez-faire économique et financier après des siècles de colonialisme destructeur.
Placer le droit des populations à définir leur politique agricole et alimentaire, sans dumping vis-à-vis des pays tiers, au centre des mécanismes et décisions des Etats et des instances supranationales. Il inclut le droit de se protéger des importations agricoles et alimentaires à trop bas prix.
Très favorable.
Il est indispensable de revoir l’accord sur l’agriculture de l’OMC sur le droit inaliénable des peuples à produire leur propre alimentation. Il faut sortir l’agriculture de la logique libérale de l’OMC comme de l’Union Européenne et protéger les pays ruinés contre les importations à bas prix. Pour cela, la France et l’Union Européenne doivent renoncer aux exportations à prix bradés des denrées agricoles et au pillage des zones halieutiques et inciter les pays concernés à mettre place une taxe sur les produits d’importation.
Nous devons stabiliser les prix à un niveau rémunérateur pour les agriculteurs familiaux avec une régulation internationale interdisant la spéculation.
Notre agriculture développée ne doit pas nourrir le monde, chaque grande région du monde doit et peut tendre vers la souveraineté alimentaire.
Inscrire le droit à la protection des marchés agricoles, par pays ou groupes de pays, dans les règles du commerce international aussi bien dans le cadre de l’OMC que dans le cadre des APE (accords de partenariat économique) .
Très favorable.
La France ne peut pas décider de la politique agricole dans le monde, mais elle peut soutenir fermement la réforme des règles d’échanges internationales à partir des deux principes de la souveraineté alimentaire et du respect de l’environnement et du social. Elle peut aussi mettre ces principes en pratique dans ses relations bilatérales, notamment avec les pays d’Afrique.
Tenir les promesses de 2009 lors du sommet du G8 de l’Aquila : 22 milliards de dollars pour aider les pays vulnérables à renforcer leur production alimentaire. S’assurer que les investissements correspondants bénéficient prioritairement à l’agriculture familiale et paysanne durable et prennent en compte les besoins spécifiques des femmes et leurs droits.
Très favorable.
Cependant, il est indispensable que soient rendues publiques les informations concernant la distribution de cette aide afin de s’assurer que les fonds vont bien aux personnes concernées et n’alimentent pas la corruption et qu’ils n’incluent bien que le développement d’une agriculture paysanne durable et pas d’autres missions telles que le financement d’aides au déminage.
En raison de la différentiation des rôles entre les hommes et les femmes, l’impact des femmes sur l’environnement n’est pas le même que celui des hommes. Leur accès aux ressources ainsi qu’aux moyens de faire face et de s’adapter sont gravement affectés par la discrimination qu’elles subissent sur le plan des revenus, de l’accès aux ressources, au pouvoir politique, à l’éducation ainsi que sur le plan de la charge que représente le foyer. Les sécheresses et la pénurie d’eau liées au changement climatique forcent les femmes à travailler davantage pour rapporter de l’eau, de la nourriture et de l’énergie et les jeunes désertent fréquemment les écoles pour aider les mères dans ces tâches. Le changement climatique ne fera donc que creuser les inégalités et les politiques doivent en tenir compte. Il est donc nécessaire que les Aides Publiques au Développement prennent en compte l’inégalité entre les genres. D’autant plus que bien que les femmes accomplissent deux tiers des heures travaillées au monde et produisent la moitié des denrées alimentaires, elles ne gagnent que 10 % des revenus mondiaux et possèdent seulement 1 % des biens.
Faire en sorte que le niveau d’aide publique au développement atteigne les 0,7% du PIB . Cet objectif initialement fixé à 2012 a été repoussé à 2015.
Très favorable.
Mais en privilégiant les dons réels, déliés des objectifs géostratégiques, fléchés vers les Pays les Moins Avancés et la relance agricole (zones rurales). Cela devrait être effectif immédiatement. Il s’agit ainsi, par un échéancier contraignant, d’ajouter 100 milliards de dollars par an à l’Aide Publique au Développement mondiale qui est actuellement de 100 à 130 milliards (soit 0,3% du PIB de l’OCDE ; 0,2% du PIB mondial ; 0,46% en France, quoique contesté, soit 9 milliards d’euros). Soit une part infime de la richesse mondiale, des ventes d’armes, des revenus et actifs et donc des capacités contributives des plus riches…
En Europe :
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Orienter les politiques publiques, notamment la PAC, vers la promotion d’une agriculture paysanne et familiale.
Très favorable.
Cela fait partie du programme d’Europe Ecologie – Les Verts. Le modèle agricole actuel profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire et il est coûteux pour le contribuable en termes d’aides publiques agricoles et de coûts de réparation sanitaires et environnementaux. L’objectif est de passer d’un modèle productiviste et industriel à un modèle conçu avec les paysans par et pour les consommateurs européens et non plus pour l’exportation sur des marchés mondiaux artificiels et perméables à la spéculation financière, destructeurs pour les économies paysannes des pays en développement.
Au niveau européen, Europe Ecologie – Les Verts défend une PAC écologique et cohérente avec les enjeux climatiques et favorisant l’emploi et la production de biens communs, via une redistribution des aides plus équitable, plafonnée par actif et en renforçant les mesures vertes. L’aide aux petites fermes doit être réévaluée à l’échelle de l’Union Européenne afin d’atteindre un niveau d’aide convergent pour les pays de l’UE à l’horizon 2020. Cette PAC écologique révisée en 2013 s’appuiera sur deux principes : la régulation des marchés par une gestion de l’offre et de la demande et la mise en place de critères environnementaux et sociaux forts pour accéder aux aides.
La PAC sera redéfinie pour soutenir la création d’emplois plutôt que la surproduction. Elle devra permettre un rééquilibrage des relations Nord/Sud, notamment en s’appuyant sur le principe de marchés agricoles protégés à l’échelle de grandes régions.
La France renoncera à l’utilisation de référence historique à l’hectare, inégalitaire, et s’efforcera de faire adopter par l’UE des aides “contra-cycliques”, réduites lorsque les prix sont élevés et relevées quand ils sont bas. Elle renoncera également à autoriser la culture de tout OGM et apparenté sur le sol européen (hors recherche médicale confinée).
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Développer l’agriculture biologique
Le programme d’Europe Ecologie – Les Verts prévoit une incitation pour que les collectivités atteignent 20% de leur surface agricole en agriculture biologique par acquisitions foncières publiques ou associatives (type Terre de Liens), baux environnementaux ou “gel” des surfaces déjà en bio ainsi qu’un financement des acquisitions foncières par une taxe renforcée sur l’urbanisation des terres agricoles à hauteur de 50% du montant du prix de vente du foncier agricole à l’achat. La moitié de cette taxe sera affectée à un fonds régional pour la reconversion des friches industrielles et commerciales, l’autre moitié à un fonds régional pour des acquisitions foncières en faveur de l’installation d’agriculteurs biologiques.
Le programme prévoit aussi l’accroissement de la part des produits de l’agriculture biologique dans la restauration collective et scolaire, passer à 100 % dans les crèches et les écoles maternelles via des partenariats avec les producteurs locaux.
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Privilégier les circuits courts.
La production sera réorganisée au plus près des lieux de consommation.
Une réforme de la gestion foncière permettra la création de schémas de cohérence agricole et alimentaire régionaux organisant l’interrelation des zones urbaines et de l’agriculture locale avec déclinaison dans les SCOT. Le non démantèlement de sièges d’exploitations viables sera garanti, la consommation de terres agricoles sera limitée, la diversification des productions et les circuits courts seront organisés.
Un soutien sera apporté aux initiatives des collectivités et des associations telles qu’Amap, ateliers cuisine, potagers collectifs, ouvriers, d’insertion, de pied d’immeuble et les collectivités seront incitées à préserver des espaces pour la production locale ainsi qu’à la structuration des filières du bio, des circuits courts, de la distribution des produits frais, notamment par la commande publique.
Il est essentiel de promouvoir le développement des circuits courts de commercialisation et le perfectionnement de la traçabilité et de l’étiquetage des produits et d’appuyer les projets alternatifs portés par les jeunes (bio, coopératives solidaires sur les circuits courts ou la culture alternative, économie sociale et solidaire, etc.), via des aides d’État au développement de la micro-finance.
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Viser l’autonomie en protéines.
Le programme d’Europe Ecologie – Les Verts préconise la mise en place d’un plan protéines afin d’atteindre l’autonomie d’ici 2020, incluant des cultures de légumineuses dans les rotations comme condition d’aides directes communautaires.
Le système alimentaire mondial est le plus gros émetteur de gaz a effet de serre. Il faut 10 à 15 fois plus de terres pour produire un kilogramme de protéines animales que pour un kilogramme de protéines végétales. Pour nourrir la planète, il conviendrait donc de diminuer en France de 50 % la part des produits d’origine animale au profit des protéines végétales.
Les écologistes prônent une politique qui réponde aux besoins nutritionnels de la population, tenant compte de la capacité de la planète à y répondre, des ressources en terres agricoles, de la préservation des milieux naturels et du bilan énergie-carbone des aliments, qui repose sur une meilleure utilisation des protéines végétales, une réorganisation de la production au plus près des lieux de consommation et au développement de l’agriculture biologique.
Soutenir un moratoire sur les concessions et acquisitions de terres à grande échelle tant que les cadres juridiques contraignants n’ont pas été adoptés aux plans national et international : s’assurer que la France signe et mette en œuvre les « Directives pour la gouvernance de la tenure des terres, des pêches et des forêts », finalisées en mars 2012 et qui seront adoptées par le Comité pour la Sécurité Alimentaire en mai.
Très favorable.
Entre 2000 et 2012, 200 millions d’hectares ont été accaparés dans le monde, surtout en Afrique, par des Etats et des sociétés, et le rythme de ces investissements transnationaux s’accélère depuis 2005. Une grande partie de ces terres n’est pas utilisée pour produire de la nourriture, pour subvenir aux besoins des populations locales ou pour nourrir une population nationale. Souvent la terre demeure inexploitée, représentant avant tout un investissement spéculatif. Dans d’autres cas, la terre est utilisée pour des cultures de biocarburants destinés à l’export, comme la palme ou la canne à sucre ou pour produire du grain tel que le soja, destiné à nourrir les animaux afin de répondre à la demande mondiale grandissante en viande. Cela doit cesser.
Pour cela, une réglementation des marchés agricoles est nécessaire. En effet, lorsque les marchés de PMA sont envahis par des denrées subventionnées venues du nord, les producteurs locaux ne peuvent pas lutter contre cette concurrence, l’exode rural est accéléré et des entreprises privées rachètent les terres.
Comme l’a stipulé la déclaration du Forum Mondial de Dakar en février 2011, « Nous défendons
l’agriculture paysanne qui est une solution réelle à la crise alimentaire et climatique et signifie aussi l’accès à la terre pour celles et ceux qui la travaillent. Pour cela, nous appelons à une grande mobilisation pour stopper l’accaparement des terres et appuyer les luttes paysannes locales ».
Eliminer les incitations publiques à la production d’agro-carburants industriels et supprimer les quotas d’incorporation programmés au niveau européen : 7 à 10% d’ici à 2020.
Très favorable.
Le programme d’Europe Ecologie – Les Verts stipule que les aides à la production d’agrocarburants de première génération qui sont concurrents de la production alimentaire seront abrogées et leurs importations arrêtées car elles menacent gravement l’autonomie alimentaire de certains pays, tout en accélérant la défriche des forêts primaires et en engendrant une flambée des prix des denrées alimentaires (notamment le maïs).
En espérant avoir répondu à vos interrogations, je reste à votre disposition pour toutes questions supplémentaires et vous prie d’agréer mes sincères salutations,
Magali Deval
Candidate aux élections législatives sur Brest rural (29.03) pour EELV/PS/UDB