Ce mercredi 26 mars, Barack Obama vient visiter les institutions européennes dans le cadre du Sommet UE – États-Unis… toutes ? Non, le président des États-Unis ne daigne pas visiter le Parlement européen, là où siègent les représentants des citoyens européens.
A l’ordre du jour de ce sommet, les négociations sur le partenariat de libre-échange transatlantique entre États-Unis et Europe (TAFTA) sont en bonne place. Depuis le début, ce traité de libre-échange inquiète. Il inquiète à juste titre et pour plusieurs raisons.
D’abord, les négociations se déroulent dans la plus totale opacité. Seules des fuites nous permettent de connaître les sujets abordés dans les négociations. Le mandat a été adopté en catimini. Comme s’il fallait absolument que les citoyens ne soient pas au courant. Y aurait-il alors quelque chose à cacher ?
C’est le modèle de protection des citoyens, des consommateurs et des producteurs qui est mis en cause
Dans ces négociations, il s’agit de la suppression des « barrières non-tarifaires », mot barbare pour parler des règles qui régissent les échanges de marchandises. Par exemple, en Europe nous pouvons échanger librement du Saint Nectaire ; mais nous ne pouvons exporter notre fromage aux États-Unis car il ne respecte pas leur norme de sécurité alimentaire. Dans l’autre sens, si aux États-Unis, les agriculteurs peuvent utiliser des semences de maïs OGM, nos agriculteurs ne peuvent pas car elles ne sont pas autorisées en France.
Il y a non seulement une différence d’appréciation mais surtout un fonctionnement différent de nos régulations. Si en Europe nous fonctionnons sur le modèle de principe de précaution, les États-Unis, eux, sont basés sur des mécanismes de régulation a posteriori, un principe de réparation. Alors que nous allons effectuer de nombreux tests avant d’autoriser un produit, aux États-Unis, le produit est mis sur le marché et c’est seulement une fois qu’il y a des problèmes que des actions en justice peuvent être menées pour l’interdire.
De plus, l’Europe a des normes beaucoup plus exigeantes en termes de protection des consommateurs ou de l’environnement. Un tel accord mettrait en concurrence les deux systèmes de protection, où le modèle européen sera forcément perdant. Comment assurer le changement de notre modèle économique, avec une transition énergétique, une production agricole plus respectueuse des travailleurs et de l’environnement, le maintien d’emplois locaux, quand nos produits entrent en concurrence avec d’autres qui ne tiennent presque aucun compte de ces considérations ?
Or, un accord de libre-échange est nécessairement basé sur la reconnaissance que ce qui est bon pour les américains l’est aussi pour nous. A mon sens, cette reconnaissance mutuelle brise complètement l’approche européenne du principe de précaution.
Pour protéger notre démocratie !
Ces négociations renvoient au modèle démocratique que nous souhaitons construire. Au-delà de la non-implication des citoyens, du contournement du principe de précaution, des risques sur la protection des consommateurs, de la négation de notre modèle socio-économique et de la réduction de notre ambition écologique, ce traité remet en cause notre souveraineté européenne face aux intérêts des multinationales.
Les accords créeront aussi la possibilité d’avoir recours à un « mécanisme de règlement des différends », sorte de tribunal de commerce international, pour régler les conflits entre les différentes normes. Par exemple, un producteur d’OGM, comme Monsanto, pourrait poursuivre l’Union européenne ou la France, pour non-respect du traité de libre-échange si l’une de ces entités en venait à interdire l’un de ces produits pourtant autorisé aux États-Unis. Les représentants des citoyens, les organes législatifs de l’Union ou de l’un des pays, serait ainsi contraints par une firme multinationale d’accepter ses produits, ce qui revient à soumettre nos représentants aux intérêts privés.
C’est, à mon sens, une étonnante conception de la démocratie !
Pour maintenir notre modèle social, économique et environnemental européen, et pour garantir le respect de la démocratie et des citoyens européens, nous devons nous opposer fermement au TAFTA !
Une réponse à “Le partenariat de libre-échange transatlantique ou la fin du modèle européen”
820 | Clarisse Heusquin 2014
[…] Pour aller plus loin : ma tribune sur le TAFTA c’est ici […]