Résolution du Parlement européen sur l’homophobie en Europe
Strasbourg, le 16 janvier 2006
Résolution votée : 468 voix pour, 149 contre et 41 abstention
Le Parlement européen ,
— vu les obligations internationales et européennes en matière de droits de l’homme, telles que celles contenues dans les conventions des Nations unies sur les droits de l’homme ainsi que dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
— vu les dispositions du droit communautaire en matière de droits de l’homme, et en particulier la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne(1), ainsi que les articles 6 et 7 du traité sur l’Union européenne,
— vu l’article 13 du traité instituant la Communauté européenne qui confère à la Communauté compétence pour prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée, entre autres, sur l’orientation sexuelle et promouvoir le principe de l’égalité,
— vu la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique(2) et la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail(3) , qui interdisent toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle,
— vu l’article 21, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui interdit « toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle »,
— vu l’article 103, paragraphe 4, de son règlement,
A. considérant que l’homophobie peut être définie comme un sentiment irrationnel de peur et d’aversion à l’égard de l’homosexualité et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et « transgenres », fondé sur des préjugés et comparable au racisme, à la xénophobie, à l’antisémitisme et au sexisme,
B. considérant que l’homophobie se manifeste dans le domaine privé et public sous différentes formes, parmi lesquelles les discours haineux et l’incitation à la discrimination, la ridiculisation, la violence verbale, psychologique et physique, ainsi que la persécution et le meurtre, la discrimination violant le principe de l’égalité et des restrictions injustifiées et abusives des droits souvent imposées sous le couvert de l’ordre public, du principe de la liberté religieuse et du droit à la liberté de conscience,
C. considérant qu’une série d’événements préoccupants sont récemment survenus dans un certain nombre d’États membres de l’Union européenne, dont la presse et les ONG se sont largement fait l’écho, depuis l’interdiction de parades gays ou de marches pour l’égalité jusqu’à l’utilisation d’un langage incendiaire, menaçant ou haineux par des dirigeants politiques et chefs religieux, en passant par l’incapacité de la police à assurer une protection adéquate et dispersant des manifestations pacifiques, mais aussi par des démonstrations de violence par des groupes homophobes et l’introduction dans certaines constitutions d’amendements visant expressément à empêcher les unions entre personnes du même sexe,
D. considérant que, dans le même temps, une réaction positive témoignant d’un esprit démocratique et de tolérance a, dans certains cas, été observée dans l’opinion publique, la société civile et les autorités locales et régionales, qui ont manifesté contre l’homophobie, ainsi que dans les systèmes judiciaires, qui ont corrigé les formes les plus criantes et les plus illégales de discrimination,
E. considérant que, dans certains États membres, les partenaires de même sexe ne jouissent pas de la totalité des droits et protections dont bénéficient les conjoints hétérosexuels mariés, et que, par conséquent, ils sont victimes de discrimination et désavantagés,
F. considérant que, dans le même temps, un nombre plus important de pays européens s’orientent vers la garantie de l’égalité des chances, de l’intégration et du respect, et veillent à la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’expression de genre et l’identité de genre, ainsi qu’à la reconnaissance des familles homoparentales,
G. considérant que la Commission a pris l’engagement de veiller au respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au sein de l’UE et a mis en place un groupe de commissaires chargé des droits de l’homme,
H. considérant que tous les États membres de l’Union européenne n’ont pas introduit dans leur ordre juridique des mesures de protection des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et « transgenres », comme le prescrivent les directives 200/43/CE et 200/78/CE, de la même façon qu’ils ne luttent pas tous contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et ne promeuvent pas tous l’égalité,
I. considérant qu’il est indispensable de prendre de nouvelles mesures, tant au niveau de l’UE qu’au sein des États membres, pour éliminer l’homophobie et promouvoir une culture de la liberté, de la tolérance et de l’égalité parmi les citoyens et dans les ordres juridiques,
1. condamne fermement toutes les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle;
2. invite les États membres à veiller à ce que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et « transgenres » soient protégées des propos haineux et des violences à caractère homophobe et à faire en sorte que les partenaires de même sexe jouissent du même respect, de la même dignité et de la même protection que le reste de la société;
3. exhorte les États membres et la Commission à condamner fermement les propos haineux et les incitations à la haine et à la violence à caractère homophobe et à veiller à ce que la liberté de manifestation, garantie par tous les traités relatifs aux droits de l’homme, soit effectivement respectée;
4. demande à la Commission de veiller à ce que la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle soit interdite dans tous les secteurs en complétant le « paquet antidiscrimination » fondé sur l’article 13 du traité, et ce en proposant soit de nouvelles directives, soit un cadre général, englobant tous les motifs de discrimination et tous les secteurs;
5. demande instamment aux États membres et à la Commission d’intensifier la lutte contre l’homophobie, tant par des moyens pédagogiques, en menant par exemple des campagnes contre l’homophobie au sein des écoles, des universités et dans les médias, que par des moyens administratifs, judiciaires ou législatifs;
6. réaffirme, s’agissant de la proposition de décision relative à l’Année européenne de l’égalité des chances pour tous, que la Commission doit faire en sorte que toutes les formes de discrimination visées à l’article 13 du traité ainsi qu’à l’article 2 de la proposition soient abordées et traitées équitablement, comme le précise la position du Parlement sur la proposition(4) , et rappelle à la Commission qu’elle a promis de suivre de près ce problème et de faire rapport au Parlement;
7. prie instamment la Commission de veiller à ce que tous les États membres aient transposé et appliquent correctement la directive 2000/78/CE, et d’engager des procédures d’infraction contre les États membres qui ne le font pas; invite, en outre, la Commission à faire en sorte ce que le rapport annuel sur la protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne contienne des informations complètes et détaillées sur le taux des crimes et violences à caractère homophobe dans les États membres;
8. invite instamment la Commission à présenter une proposition de directive sur la protection contre les discriminations fondées sur tous les motifs mentionnés à l’article 13 du traité, ayant le même champ d’application que la directive 2000/43/CE;
9. invite instamment la Commission à envisager le recours à des sanctions pénales en cas de violation des directives fondées sur l’article 13 du traité;
10. invite l’ensemble des États membres à prendre toute autre mesure qui leur semble appropriée pour lutter contre l’homophobie et la discrimination du fait de l’orientation sexuelle, ainsi qu’à promouvoir et à appliquer le principe d’égalité dans leurs sociétés et leurs ordres juridiques;
11. invite instamment les États membres à adopter des dispositions législatives visant à mettre fin à la discrimination dont sont victimes les partenaires de même sexe en matière de succession, de propriété, de location, de pensions, d’impôts, de sécurité sociale, etc.;
12. se félicite des initiatives récemment engagées dans plusieurs États membres pour améliorer la situation des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et « transgenres », et décide d’organiser un séminaire sur l’échange des bonnes pratiques le 17 mai 2006 (Journée mondiale de lutte contre l’homophobie);
13. demande une nouvelle fois à la Commission de présenter des propositions garantissant la libre circulation des citoyens de l’Union et des membres de leur famille ainsi que des partenaires enregistrés des deux sexes, comme le mentionne la recommandation du Parlement du 14 octobre 2004 sur le futur de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice(5) ;
14. invite les États membres concernés à enfin reconnaître pleinement que les homosexuels ont figuré parmi les cibles et les victimes du régime nazi;
15. charge son Président de transmettre la présente résolution à la Commission, aux gouvernements des États membres et aux pays adhérents et candidats.