INTERVENTION SUR LES CONDITIONS DE LA VENTE A DISTANCE DES LIVRES

image senat

Intervention de Corinne Bouchoux sur la Proposition de loi tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres

Madame la présidente,

madame la ministre,

mes chers collègues,

Le débat qui nous réunit aujourd’hui apparaît un peu comme une exception par rapport à nos pratiques habituelles au sein de la Haute Assemblée.

En effet, à partir d’une proposition de loi du groupe UMP, nous avons noué un dialogue fructueux et riche avec l’exécutif, aidés en cela par la contribution extrêmement habile de Mme la rapporteur. Finalement, nous avons réussi à montrer que, lorsque les intérêts de tous tendent vers l’intérêt général, nous pouvons avancer sur des questions aussi importantes que celles de la culture et de la place des libraires et des librairies.

La question qui nous était posée à travers cette proposition de loi était simple : voulons-nous la fin des véritables librairies peuplées d’êtres humains ou voulons-nous vivre uniquement dans le modèle économique virtuel qui se développe actuellement, étant entendu que l’entreprise à l’origine de ce modèle ne vise pas uniquement le produit livre ? Ce dernier est en fait un produit d’appel pour une nouvelle économie dans laquelle les contenants et les modes d’acheminement ont en réalité, hélas ! beaucoup plus de place que le contenu lui-même, à savoir l’objet livre.

Compte tenu des enjeux qui ont été fort pertinemment décrits, nous soutenons évidemment cette proposition de loi que nous voterons avec enthousiasme, même si nous devons ajouter que, selon nous, les libraires doivent encore travailler – ils le savent d’ailleurs – à inventer l’évolution de leur métier.

Ils doivent aussi veiller à se montrer réactifs à l’égard du mode d’achat en ligne, qui n’est ni une mode ni une lubie : c’est une évolution très profonde des pratiques. À cet égard, si la profession des libraires n’organise pas une riposte extrêmement structurée, inventive et résolue, notre proposition de loi, aussi pertinente soit-elle, ne sera qu’un cautère sur une jambe de bois.

S’agissant de la question des droits sur le numérique, nous ne sommes évidemment pas enthousiastes à l’idée que l’on nous retire notre pouvoir de voter les lois ; mais, en l’espèce, la méthode du recours à l’ordonnance nous a semblé une bonne solution pour résoudre un vrai problème qui demeure en suspens.

Finalement, même si nous entendons les alertes qu’a suscitées ce texte sur le plan européen, nous devons rappeler qu’il est ici question de culture. Par conséquent, ne raisonner qu’en termes de business, de profits, de marchés, victorieux ou non, n’est pas pertinent – quand bien même l’Europe était, à l’origine, un grand marché !

On pourrait même aller plus loin : les libraires allemands ayant l’impression que le modèle de l’entreprise qui nous préoccupe est éminemment cannibale et anticoncurrentiel, ce sont peut-être ceux qui critiquent aujourd’hui cette proposition de loi qui, par une ironie de l’histoire, invoqueront demain le principe du respect de la concurrence, pour se rallier à notre point de vue !

Comme on ne peut pas parler de vraies libraires et de vraies librairies sans parler de vrais livres, je me permets, pour terminer, de vous recommander à tous un ouvrage vendu par le service public via la Documentation française et intitulé Vers la fin des librairies ? Son auteur, Vincent Chabault, est sociologue et a le mérite de traiter ce sujet de façon extrêmement claire et pédagogique. Son travail académique montre bien que le dispositif de la présente proposition de loi, à défaut de constituer une solution durable au problème des libraires, apporte une solution nécessaire à court terme, le temps de réinventer un nouveau modèle.

Je veux enfin dire un mot de la méthode : peut-être la solution du problème de l’intermittence ne serait-elle pas aussi périlleuse aujourd’hui si nous avions pu procéder, sur cette question, avec le même sens du consensus (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) et la même habileté dans les discussions avec les partenaires que ce qui a prévalu pour les libraires. En tout état de cause, madame la ministre, je veux vous assurer de toute notre confiance et de tout notre soutien sur le dossier difficile des intermittents, dont nous aimerions qu’il trouve une fin aussi satisfaisante que celui des librairies !

Remonter