Travailleurs détachés, lutter contre le dumping social en Europe, et en France

Mardi 18 février, Christophe Cavard intervenait dans l’hémicycle pour le groupe écologiste au sujet de la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

 

Intervention prononcée:

Cette proposition de loi, d’initiative parlementaire, s’inscrit dans un contexte national et un contexte européen particulièrement actifs sur ce sujet ces derniers mois.

Les parlementaires écologistes, français et européens, avec le gouvernement, sont déterminés pour lutter contre le dumping social et le travail lowcost, pour protéger les droits fondamentaux et les acquis sociaux, pour freiner les concurrences inéquitables entre salariés européens, et pour bâtir une Europe sociale.

Notre engagement n’est pas de favoriser un protectionnisme national, ni de limiter les mobilités et la libre circulation des personnes, notre engagement vise un nivellement par le haut du droit des travailleurs européens, en matière de revenus et de protection sociale.

Parce que notre pays a su dans son histoire faire progresser… plus que d’autres… plus vite que d’autres… les droits sociaux  fondamentaux, il doit aujourd’hui être moteur pour que l’Europe se construise avec la volonté d’apporter de nouveaux droits à l’ensemble des citoyens européens, en protégeant ceux acquis de hautes luttes.

Nous anticipons, nous agissons, et je veux saluer ici l’engagement du gouvernement, du ministre du travail, et des parlementaires à l’initiative de cette loi qui précède une directive européenne attendue…

Nous avons voté une résolution en juillet dernier, qui faisait suite à deux rapports, celui fait au nom de la commission des affaires européennes en mai 2013, et celui fait au nom de la commission des affaires sociales en juin.

Cette résolution européenne au sujet de « l’exécution de la directive sur le détachement de travailleurs », notre résolution, est claire, explicite, déterminée. Je renvoie chacun, chacune, qui nous regardez de l’extérieur de cet hémicycle, à en prendre connaissance pour bien comprendre le Cap que nous nous sommes fixés ensemble, et également bien saisir le sens des lois qui en découleront. Car la résolution de notre assemblé est la marque de notre volonté politique contre toute fatalité, contre le sentiment d’impuissance sur lequel se forgent les populismes.

Nous voulons que la puissance publique, nos institutions, la Politique, la démocratie, les citoyens, se mettent face à l’Europe ultra-libérale et la contraigne désormais dans ses avancées.

Nous avons donc voté en faveur de l’instauration d’une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe ; de la création d’une carte du travailleur européen ; de la mise en place d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats ; de l’introduction d’un salaire minimum de référence …  

Cette résolution a conduit les parlementaires français à ouvrir un débat dans cette assemblée en octobre puis à la présentation en Conseil des ministres du « plan de lutte contre le travail illégal et le détachement abusif ».

Elle a également été le point d’appui de nos discussions le 2 décembre dernier, au cours desquelles les écologistes avaient rappelé la nécessité d’une harmonisation sociale et fiscale en Europe.

Le 2 décembre nous appelions Michel Sapin à faire preuve de fermeté lors du conseil des ministres européens du travail du 9 décembre. L’enjeu était, et reste, de parvenir à une directive européenne d’application visant à mieux encadrer le statut de travailleur détaché.

Car les discussions autour de cette directive ont du mal à aboutir. Déposée le 21 mars 2012, elle « devrait » être examinée en 1ère lecture au Parlement européen le 15 avril prochain. Deux ans, et 5 débats en conseil européens plus tard, les désaccords portaient encore, en octobre dernier, sur les articles 9 et 12.

Chacun, – ministres européens, syndicats, entreprises, – s’accorde alors sur la nécessité de parvenir à un accord global dans les meilleurs délais afin de lutter contre un grand nombre de cas de fraude et d’abus dans plusieurs États membres, et afin d’assurer une meilleure protection des droits des travailleurs détachés ainsi qu’une plus grande transparence des règles nationales pour les prestataires de services.

Le 9 décembre le Conseil est parvenu à dégager une orientation générale permettant ainsi d’entamer les négociations avec le Parlement européen en vue d’arriver à un accord en première lecture. Les eurodéputés écologistes ont salué l’implication de la France, en la personne de Michel Sapin, pour parvenir à un compromis sur les deux points qui faisaient encore débat, à savoir les mesures nationales de contrôle (l’article 9) et la responsabilité solidaire dans les chaînes de sous-traitance (l’article 12).

La suite dans les tous prochains jours !

En attendant, et parallèlement à la progression des négociations européennes, nous adaptons notre code du travail de façon pragmatique, pointilleuse, et c’est l’objet de cette loi aujourd’hui qui a pour objectif d’instaurer plusieurs mesures préventives et répressives pour lutter plus efficacement contre le dumping social, la concurrence déloyale et les abus de sous-traitance.

Avec cette loi nous anticipons, et nous nous appliquons à nous-mêmes notre résolution européenne de juillet dernier. Cette loi a valeur d’exemple.

D’abord, nous établissons le principe de « responsabilité conjointe et solidaire » d’une même chaîne de sous-traitance, dans tous les secteurs d’activité. Nous voulons ainsi accroitre la responsabilité des entreprises donneuses d’ordres qui ont recours à des entreprises prestataires de services.

– Ensuite, nous voulons de meilleurs contrôles du respect des droits des salariés par les inspections du travail. Nous donnons aux inspections du travail un rôle central dans l’application de cette loi, je vais y revenir.

Nous confortons également le rôle des syndicats de salariés en leur donnant de nouveaux moyens juridiques d’agir

Et, nous créons enfin cette fameuse liste noire d’entreprises peu scrupuleuses, qui est un outil pour agir directement sur les entreprises et les prestataires « indélicats ».

Dans le débat qui va suivre et jusqu’au vote du texte la semaine prochaine, chacun appréciera et débattra le contenu des 9 articles de cette loi, je ne détaille pas.

Au centre de cette loi, les inspecteurs du travail.

Car sur ce même sujet, le 14 janvier dernier, le Parlement européen a adopté une résolution appelant à des inspections du travail efficaces pour l’amélioration des conditions de travail en Europe et afin de lutter contre le dumping social. Les eurodéputées écologistes y avaient rappelé «la nécessité de renforcer la coopération administrative des Etats européens en matière d’inspection du travail, par la création d’un corps européen d’inspecteurs du travail ».

Ces mêmes eurodéputées avaient par la suite fait écho en février aux inquiétudes des inspecteurs du travail français, tout comme les députés et sénateurs écologistes, dans le cadre du projet de loi sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale. Nous avons ensemble relayé  les craintes exprimées face à une réorganisation qui remettrait en cause l’indépendance des inspecteurs du travail, condition nécessaire au bon exercice de leurs missions.

Nous devons les entendre aujourd’hui sur l’ambition française et européenne  de créer un corps européens des inspecteurs du travail. Quelles sont leurs propositions, et nos propositions pour une meilleure coopération entre les inspecteurs du travail européens, absolument indispensable pour lutter contre le dumping social et le travail low-cost ?

Quels sont leurs besoins en formation alors que les parlementaires européens les enjoignent à améliorer leurs qualifications en la matière? 

Beaucoup de rapports, 5 en France depuis 6 mois, à l’initiative de parlementaires français, et d’autres à l’initiative de parlementaires européens,  pour insister sur le besoin d’ harmonisation des normes sociales et fiscales en Europe, sur le temps de travail, sur la protection sociale et sur le revenu minimum. Car en l’absence de cette harmonisation, les salariés européens continueront d’être mis en concurrence, le nivellement continuera de se faire par le bas et les proxénètes de travailleurs low-cost continueront de prospérer sur le dos des salariés.

Donc concrètement nous devons avancer. Cette loi y procède, nous nous en félicitons. Mais nous devons également mettre en place les conditions d’un dialogue entre les acteurs chargés de sa mise en œuvre.

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