Intervention sur la proposition de loi UMP sur la simplification du travail, de la formation et de l’emploi: non à la casse des avancées sociales du travail
Jeudi 9 octobre, Christophe Cavard intervenait en séance pour le groupe écologiste sur la proposition de loi de Gérard Cherpion sur la simplification et développement du travail, de la formation et de l’emploi, discutée dans le cadre de la niche UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi déposée par nos collègues députés de l’UMP dans le cadre de leur niche parlementaire est une caricature, tout au moins pour sa première partie – je répète les propos que j’ai tenus en commission, et je m’en explique.
Selon l’exposé des motifs, « il faut libérer les forces de notre pays pour rétablir la confiance des entreprises et de leurs salariés, afin de créer de l’emploi ». Pour libérer ces forces, vous vous attaquez, chers collègues, aux droits sociaux et aux améliorations que nous leur avons apportées ces derniers mois. Mais quelle est donc cette idéologie qui s’obstine à vouloir faire croire que les causes du chômage et des difficultés des entreprises tiendraient aux droits et à la protection des salariés ou des chômeurs eux-mêmes ?
Cette proposition de loi a pour objet de réformer le code du travail et, même, d’instaurer, tout de go, un nouveau code du travail, dans sa globalité. On rase tout et on recommence ! Elle prévoit un retour aux 39 heures ou encore abroger la durée minimale de 24 heures hebdomadaires imposée pour le travail à temps partiel. Elle supprime la rémunération minimale pour les stagiaires, que nous avons récemment votée. Très sincèrement, je le redis ici, ce n’est pas sérieux !
Je n’adopterai pas une position défensive – je fais confiance à notre majorité pour repousser cette volonté de régression –, mais je rappellerai tout de même quelques principes à destination des citoyens salariés, jeunes et moins jeunes, et des chômeurs, assez malmenés par certains discours ces derniers temps. Nous sommes résolument de leur côté. L’inscription dans un rapport salarial implique la plupart du temps une relation de subordination qu’il faut corriger autant que faire se peut, précisément pour libérer les forces. Cela ne fait pas pour autant de nous des ennemis de l’entreprise puisque l’entreprise ce sont les salariés. L’entreprise existe, innove, produit, grâce à ses salariés. Plus ils seront considérés, respectés, écoutés, formés, mieux l’entreprise se portera !
Il faut donc sortir des logiques dogmatiques, quelles que soient les obédiences. Le débat n’est pas « entreprises contre salariés » ou « salariés contre entreprises » ; ce marqueur idéologique est dépassé et tous ceux qui s’obstinent à s’y référer jouent contre leur prétendue volonté de progrès, social d’un côté, économique de l’autre.
La nouveauté, qui n’en est plus une, c’est qu’il y a d’un côté l’économie réelle et de l’autre côté l’économie financiarisée. Et, comme lors de nos débats au sujet du CICE, il s’agit de distinguer les entreprises qui ne produisent pas n’importe quoi et qui respectent leurs salariés – il y en a beaucoup –, de celles qui n’attendent qu’une chose, faire la peau aux droits sociaux et au code du travail pour engraisser toujours plus leurs actionnaires, ou encore qui utiliseront le CICE pour financer leurs plans de licenciements et redistribuer les gains sous forme de dividendes ; je dispose d’exemples précis. Ce combat est prioritaire si nous voulons lutter contre le chômage et entrer dans un cycle vertueux de développement.
Si nous voulons relancer le travail ou l’emploi – et vous prétendez que telle est l’ambition de votre proposition de loi –, ce n’est pas en réduisant les droits qui protègent les salariés, les stagiaires ou les chômeurs que nous ferons avancer quoi que ce soit bien au contraire. Ce ne sont pas les salariés ou les chômeurs qui sont les responsables de la crise et du chômage, on le répète depuis deux ans : c’est la finance. Tout le monde le sait : notre ennemi, c’est bien la finance. Tout ce qui pourrait être susceptible de la renforcer doit être écarté. Tant que nous n’arriverons pas à débattre résolument sur cette base, nous parlerons dans le vide et nous n’apporterons aucune bonne solution.
Quoi qu’il en soit, sur la question du temps de travail, qui n’a donc rien à voir avec l’origine des difficultés économiques que nous traversons, les écologistes militent depuis toujours en faveur de sa réduction, à la fois pour partager le travail et donc lutter directement contre le chômage, et pour améliorer la qualité de vie. Les salariés y sont d’ailleurs majoritairement favorables : travailler moins pour travailler tous et vivre mieux, avoir du temps pour soi, pour ses enfants, pour jardiner, cuisiner, faire de la musique ou du sport, ou encore, bien sûr, pour l’engagement syndical ou associatif.
Car le bénévolat associatif, bien entendu, a une utilité sociale et économique. Cela demande du temps, et, parfois, ce temps bénévole débouche sur des créations d’emplois. Je vous renvoie d’ailleurs à nos débats lors de l’examen de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, adoptée au mois de juillet dernier. Le secteur de l’économie sociale et solidaire est créateur d’emplois, ce n’est plus à prouver, mais les associations créent des emplois à condition d’être soutenues dans leurs projets et pour les services qu’elles rendent à la société. On leur en demande beaucoup aujourd’hui, et, pour ne pas dénaturer leur objet, il est nécessaire d’encourager le bénévolat. Le bénévolat associatif peut créer de l’emploi salarié et de l’activité, mais il faut du temps, bien évidemment, pour s’y consacrer.
Sur ce sujet, vous le savez, monsieur le rapporteur, une commission d’enquête parlementaire sur les impacts de la réduction progressive du temps de travail mène ses auditions. Nous aurons donc l’occasion d’aborder la question plus sérieusement lorsqu’elle remettra son rapport.
Par ailleurs, nous nous accordons à penser que le dialogue social joue un rôle important au sein des entreprises comme des branches professionnelles, mais, pour qu’il débouche sur des propositions acceptables par toutes les parties, socialement justes et économiquement efficaces, la représentation des salariés est un vrai sujet, et un sujet d’actualité.
Vous abordez la question, chers collègues, dans votre proposition de loi sous l’angle de la simplification de ces fameux seuils qui déterminent des droits pour l’organisation de la représentation et la participation des salariés dans les entreprises. Ces seuils ont une histoire, que l’on pourrait revisiter pour les comprendre, mais, selon vous, chers collègues députés de l’UMP, ils seraient d’une complexité et d’une lourdeur qui freineraient le recrutement donc l’emploi. Aucune étude prospective ne le confirme – les chiffres se contredisent et ils ne sont pas fiables. La modification des seuils n’aura pas d’incidence sur la création d’emplois, ou très peu ; cela a même été rappelé par notre collègue de l’UDI.
Certaines organisations patronales veulent réduire les attributions des représentants du personnel dans les entreprises, tout en demandant que la négociation dans les entreprises soit plus pratiquée que la négociation de branche ou interprofessionnelle. S’agirait-il alors de négocier davantage dans les entreprises,… mais avec des interlocuteurs affaiblis ?
Tous les salariés doivent pouvoir être représentés, ils sont des interlocuteurs incontournables du dialogue social, quelle que soit la taille de leur entreprise. Certes, les formes nouvelles de cette représentation sont sûrement à inventer dans les petites et toutes petites entreprises, et nous participerons à la discussion qui va prochainement s’ouvrir avec les partenaires sociaux. Penser à une refonte des seuils pourrait se concevoir s’il s’agit d’améliorer l’effectivité du droit à la représentation des salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise, mais bien sûr pas s’il s’agit d’affaiblir la représentation des salariés, ce qui affaiblirait en conséquence la démocratie sociale.
Sincèrement, je pense que ce débat n’est pas d’actualité aujourd’hui, dans un contexte économique très compliqué.
Votre texte traite aussi de l’apprentissage, autre sujet majeur qui peut être abordé dans les instances partenariales, dès lors que celles-ci fonctionnent bien. Nous avons déjà beaucoup échangé lors de l’examen de nos travaux sur la loi relative à la formation professionnelle, promulguée le 5 mars dernier, et les écologistes ont manifesté leur attachement et leur soutien à l’apprentissage, dans l’objectif d’en faciliter l’accès aux candidats et, surtout, en portant leur attention sur les secteurs d’activité pour lesquels il doit être développé. Nous en reparlerons pour la réforme territoriale, ou lors de nos débats budgétaires, mais pas dans le cadre proposé aujourd’hui. Je l’ai expliqué en commission, il me semble que cela n’a pas de sens.
Comme je vous l’ai dit également en commission, cette proposition de loi est trop idéologique, trop peu équilibrée, et les rares sujets dont la discussion serait susceptible de présenter un intérêt y sont noyés, dans un contexte de provocations régulières du MEDEF. Ce n’est même plus de flexisécurité que vous voulez nous parler, c’est de flexibilité tout court, sans aucune sécurité !
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, monsieur le rapporteur, chers collègues, le groupe écologiste ne votera pas ce texte.
Bravo Christophe,
J’approuve globalement ton intervention.
En qualité de syndicaliste, je pense cependant que la simplification de certains textes est nécessaire. Par exemple dans le cadre de l’apprentissage, certaines dispositions empêchent l’apprenti d’exercer son activité : comment inciter un employeur à prendre un apprenti peintre s’il ne peut pas monter sur une échelle avant 18 ans?
En attendant, merci pour ton intervention.