Intervention en Discussion générale du PLF pour 2015 à propos de la mission Solidarité Insertion et Egalité des chances
Mardi 3 novembre 2014, Christophe Cavard intervenait pour le groupe écologiste dans le cadre du Projet de Loi de Finances pour 2015, à propos de la mission « solidarité insertion et égalité des chances ».
Je ne pourrai en 5 minutes vous donner un avis équilibré sur les sujets fondamentaux abordés par la mission « solidarité insertion et égalité des chances ». Nous nous inscrivons théoriquement ici dans le plan de lutte contre la pauvreté.
Cette mission comprend 4 programmes :
– le 304 pour «l’inclusion sociale, la protection des personnes et l’économie sociale et solidaire »
– le 137 pour « L’égalité entre les hommes et les femmes »
– le 157 pour « Le handicap et la dépendance »
– le 124 pour « la conduite et le soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative »
Dans l’ensemble le budget de cette mission est constant, voire augmente sensiblement.
L’augmentation massive du budget du programme 304 est artificielle car pour 90% de celui-ci il s’agit de transfert de fonds lié au mécanisme de financement du RSA.
Si nous approuvons la revalorisation du RSA de 2% au 1 septembre 2014, ce revenu de solidarité reste faible, notamment au regard du seuil de pauvreté estimé en France à 60% du revenu médian, soit près de 990 euros par mois. 9 millions de personnes sont concernées, et 2 millions sont en situation de grande pauvreté avec moins de 651 euros par mois pour vivre.
Depuis le transfert de la compétence Insertion aux départements en 2003, les budgets des Conseils généraux affectés à l’allocation RSA n’ont cessé d’augmenter car cette charge n’a pas été compensée entièrement par l’Etat. Dans mon département, le Gard, après la décentralisation du RMI, puis de la prestation de compensation du handicap (l’APCH), et avec les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le différentiel accumulé non compensé entre recettes de l’Etat et dépenses auprès des bénéficiaires s’élève à près de 600 millions d’euros.
Pour faire face, les collectivités départementales puisent dans leurs budgets de fonctionnement au détriment de politiques locales mal financées par ailleurs et pourtant cruciales : le sport, l’éducation populaire, la culture ou encore le soutien au tissu associatif.
Il est socialement injuste que la fiscalité locale, telle la taxe foncière, serve en partie à compenser des budgets insuffisants pour verser une allocation de solidarité « de droit », pour laquelle d’autres sources de financement de niveau national voir européen seraient bien plus adaptées.
Vous comprendrez que dans ce contexte nous ne pourrons accepter la baisse de dotations aux collectivités locales, prévue à 3 milliards d’euros dans le budget national pour 2015.
Par ailleurs, le budget que nous étudions ici prévoit la disparition de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE. Cette aide était utile aux bénéficiaires du RSA en situation de retrouver un emploi pour lever différentes difficultés tels que des problèmes de mobilité, de garde d’enfants ou autres frais annexes incontournables et difficilement surmontables dans une période de transition. L’APRE était complétée par des crédits locaux, notamment ceux des CCAS.
Sa suppression est justifiée ici par une soi-disant « non demande » de ces enveloppes financières.
Nous touchons ici à un sujet qui nous est cher, tout autant qu’à notre collègue Christophe Sirugue, et établi par François Cherèque dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté. Il s’agit du non recours aux droits. Les 61 mesures de ce plan sont regroupées en 7 thématiques dont la 1ère est justement l’accès aux droits. Nous sommes nombreux à nous en préoccuper, et à vouloir la mise en œuvre de mesures de simplification et d’automatisation pour réduire le « non-recours ». Dans cette situation, il ne pourrait donc être question de supprimer des droits et des mesures d’aides aux plus démunis sous prétexte qu’ils ne sont pas demandés, c’est absurde !
Un autre sujet nous préoccupe particulièrement dans ce budget. L’action 12 du programme 304 prévoit un peu plus de 4 millions d’euros en faveur de l’économie sociale et solidaire.
Nous jugeons ce montant insuffisant au regard des objectifs de la loi ESS que nous avons voté en juillet dernier et pour laquelle les écologistes se sont beaucoup impliqués. Cette loi n’est pas un « gadget », elle a pour vocation de permettre un changement d’échelle de l’ESS, alternative à l’économie dominante et aux marchés financiers.
Mais pour y travailler sérieusement il est nécessaire de sortir l’économie sociale de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ». Elle n’a rien à y faire pour ce qui concerne spécifiquement l’économie sociale, je veux parler par exemple des moyens dédiés au développement des coopératives, SCOP ou SCIC, ou à la reprise d’entreprises par les salariés, ainsi qu’à tous les dispositifs territoriaux concourant à ce développement.
Nous proposerons tout de même des amendements à ce budget, tout en étant contraints par la technique budgétaire qui nous oblige à gager des crédits au sein de la même mission.
Nous jugeons insuffisants les crédits pour les projets territoriaux de coopération économique (PTCE), qui reçoivent un accueil favorable en région. Nous voulons également que les organismes régionaux et locaux, telles que les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, soit réellement en capacité d’œuvrer à la hauteur des ambitions que s’est fixé la loi.
Mais Carole Delga, secrétaire d’Etat chargée du…. Commerce… de l’Artisanat… de la Consommation …et de l’Economie sociale et solidaire… auprès du ministre de …l’Economie, …de l’Industrie et… du Numérique, …n’a semble-il, au vu de l’intitulé de ses fonctions, pas de missions pour les politiques de solidarité dont il s’agit aujourd’hui. Mme la Ministre n’est donc logiquement pas avec nous pour débattre du budget de l’ESS, alors comment faire ?
C’est avec ces réserves et ces regrets que, pour ce qui concerne les crédits de la mission dans son ensemble, et au vu des principaux sujets qu’ils traitent, le groupe écologiste votera ce budget dans un contexte avéré d’aggravation des situations d’exclusion sociale, devenu très préoccupant, comme le souligne le rapport de l’IGAS.